"Gold" au musée Yves Saint Laurent Paris : les créations les plus flamboyantes du couturier
2022 marque la célébration des 60 ans de la première collection Yves Saint Laurent sous son propre nom et les cinq ans d’existence du musée parisien. Pour fêter ces deux anniversaires, il fallait une exposition marquante : "Gold. Les ors d’Yves Saint Laurent" l'est incontestablement ! Suivez-le guide.
Sous le commissariat d’Elsa Janssen, directrice du musée YSL Paris depuis mars 2022, l’exposition Gold, Les ors d’Yves Saint Laurent explore les touches d’or qui ont traversé l’oeuvre du couturier à travers une quarantaine de robes haute couture et prêt-à-porter Rive Gauche, d'accessoires, de bijoux et d'objets.
Qu’il s’agisse des souvenirs ensoleillés d’Oran, de Marrakech, d’objets collectionnés par Pierre Bergé et Yves Saint Laurent, d'accessoires créés par sa muse et créatrice de bijoux Loulou de la Falaise, le doré a été une source d’inspiration artistique tout au long de la carrière du couturier. Déjà à 25 ans, quand Yves Saint Laurent crée sa propre maison, le graphiste Cassandre ne fusionne-t-il pas, déjà, les initiales YSL dans de chaleureux reflets bronze !
J'aime l'or, c'est une couleur magique ; pour le reflet d'une femme, c'est la couleur du soleil
Yves Saint Laurent
Au sein de l'exposition des talents créatifs ont été invités à faire converser le génie d'Yves Saint Laurent avec l'art d'aujourd'hui. On découvre ainsi des oeuvres du plasticien belge Johan Creten, des vitrines de la set-designer Valérie Weill, une installation de bijoux d'Anna Klossowski, la fille de Loulou de La Falaise.
"Du noir moderne. Je l’allume toujours avec de l’or"
Dès l'entrée de l'exposition, trois cabans très sobres (bleu, noir et blanc) aux boutons dorés accueillent le visiteur : ils sont mis en résonance avec les oeuvres du plasticien belge Johan Creten qui expose cinq pièces en grès émaillé rappelant combien l’or inspire de tous temps les artistes. L’or est présent chez YSL dès le défilé haute couture printemps-été 1962. Le premier modèle alors révélé au public, un caban de lainage bleu emprunté au vestiaire marin, est paré de boutons dorés dont le relief évoque le cordage d’un bateau. Les boutons deviennent vite de véritables bijoux que l’on retrouve au fil des collections. Qu’ils soient lisses, bombés, striés, à strass, déclinés sous toutes les formes et dans toutes les matières, ces ornements rythment le vêtement.
Le parcours révèle l’éblouissante diversité des ornements, la richesse des tissus et la brillance des matériaux, car aucune collection n’échappe à la touche or et toutes les matières se prêtent à ces éclats : brocards, dentelles, lamés, sequins, cuirs, broderies… .
La collection haute couture automne-hiver 1966 marque l’apparition du doré dans les ensembles de cocktail et de soir. Souvent associé à un ou plusieurs coloris, l’or souligne les coutures et anime de touches éclatantes les pièces textiles. Pour ce même défilé, Yves Saint Laurent habille les femmes de robes entièrement brodées de sequins étincelants. À la ponctuation dorée sur les ensembles de jour répond le scintillement des tissus et des broderies pour le soir.
L’or, perçu comme un signe de richesse, de pouvoir et de prestige, a souvent été associé aux divinités et réservé aux puissants mais Yves Saint Laurent le popularise dans des créations élégantes et contemporaines. Plus qu’un simple effet esthétique, le doré devient pour lui un manifeste de la puissance féminine. Son éclat, combiné à l’aspect sculptural du noir, la richesse des matières textiles, la préciosité des techniques ou la coupe architecturée de certains modèles renvoie à l’univers baroque.
Ma fantaisie, mes dons imaginatifs très prononcés me font aller […] vers le baroque
Yves Saint Laurent
Time to shine
On poursuit la visite au premier étage où l'ambiance est à la fête. Une salle est entièrement consacrée à seize tenues de soirées : trench coat en total cuir, liseré en cuir sur un smoking, robe lamée... Nous voici transportés dans une autre époque avec une bande-son de Pierre-Arnaud Alunni avec les voix d'Yves Saint Laurent, de Betty Catroux ainsi que des musiques, mixées hier par le DJ Guy Cuevas lors de l'ouverture du Palace. Une immersion renforcée par un mur de photos qui retracent de nombreuses fêtes, souvent déguisées.
À partir de la fin des années 1960, Paris voit émerger des lieux "branchés" qui révolutionnent le monde de la nuit où la créativité de chacun peut s’exprimer librement. Le vestiaire est glamour et chic mais aussi audacieux et extravagant.
Le soir doit briller, sans cela il serait un peu ridicule
Yves Saint Laurent
Pour l’inauguration du Palace, le 1er mars 1978, le carton d’invitation est sans appel : "Smoking, robe longue ou comme il conviendra". Yves Saint Laurent est un habitué des nuits parisiennes et cette ambiance festive est une source d’inspiration pour le couturier : l’or, par son aspect brillant et clinquant, y trouve sa place. Il propose aux femmes un vestiaire lumineux, coloré et sensuel. Du simple détail au total look, par un jeu de matières - lamé, cuir, brocart -, de techniques - tissus gansés, broderies, matelassage - ou d’associations de couleurs, le doré pousse la féminité à son paroxysme.
Des bijoux essentiels
Yves Saint Laurent ne conçoit pas de robes sans leurs bijoux. Pour transcrire ce qu’il imagine, le couturier s’entoure d’artisans tels l’orfèvre Robert Goossens ou le parurier Roger Scemama. À partir de 1972, il trouve une complice en la personne de Loulou de La Falaise qui travaillera à ses côtés jusqu’à la fermeture de la maison en 2002.
Les accessoires, c’est l’autre façon de s’habiller Saint Laurent
Loulou de La Falaise
Les bijoux dits de fantaisie ponctuent donc la silhouette de touches dorées pour donner à la ligne du vêtement l’éclat nécessaire. Anna Klossowski, la fille de Loulou de La Falaise, leur rend ici hommage dans la dernière partie de la visite. Sur un fond évoquant des trames de tissus dorés et colorés, la filleule d’Yves Saint Laurent fait dialoguer en accumulation 300 bijoux - boucles d’oreilles, colliers, bracelets, bagues et ceinture. L'ensemble interpelle et ressemble à un étrange tableau constitué de deux vitrines : l'une chronologique consacrée aux bijoux dorés, l'autre chromatique.
"On sait très bien que Saint Laurent et Loulou de La Falaise avaient un amour fou pour la couleur. Mais quand on pense au doré, on pense tout de suite au noir. En fait ce qui m'a frappé, c'est que le doré est associé à toutes les couleurs même à du orange, à du jaune... Je les ai présentés dans une espèce de dégradé de couleurs", explique-t-elle.
On s'attardera également devant les quatre vitrines signées de la set-designer Valérie Weill qui, tel un cabinet de curiosités, mettent en scène accessoires et bijoux-corps créés par la sculptrice Claude Lalanne, objets d’art et objets en or comme ces intrigants bijoux de doigts réalisés pour la collection haute couture automne-hiver 1969.
Yves Saint Laurent, en esthète et amateur d’art, savait marier des objets de pacotille aux tableaux de maître. Comme ici, dans ces vitrines, où sont réunis toutes sortes d'objets hétéroclites : des chapeaux aux flacons de parfum (dont le sulfureux Champagne interdit à la vente et rebaptisé Yvresse) en passant par des chaussures, des sacs, des gants, des boîtiers d'or et des éléments du studio chers au couturier, tel son dé à coudre et des ciseaux dorés.
L'émouvant studio du couturier
Le parcours d'une exposition au musée Yves Saint Laurent Paris se termine toujours dans le bureau du couturier. Lieu central de cette maison de couture pendant près de trente ans, le studio est la pièce la plus émouvante. Si elle frappe par sa simplicité et contraste avec la somptuosité des salons de l'époque, elle s'accorde à l'atmosphère de travail dont le couturier avait besoin. Dans le miroir au fond, Yves Saint Laurent examinait le reflet du mannequin pour apprécier le vêtement. Ses objets fétiches sont réunis, ses souvenirs et ses pots à crayons de couleurs. Sur le rebord de sa chaise, sa blouse blanche. Au pied du bureau, la gamelle de son chien Moujik. Et, dans la bibliothèque, des ouvrages, principales sources d'inspiration du couturier.
Le musée, présidé par Madison Cox, est le premier musée consacré à l’oeuvre d’un des plus grands couturiers du XXe siècle dans la capitale de la mode. Il a ouvert ses portes en 2017. Quinze années après la fermeture de la maison de haute couture, ce musée occupe l’hôtel particulier historique du 5 avenue Marceau où naquirent durant 30 ans, de 1974 à 2002, les créations d’Yves Saint Laurent.
La collection est riche de 100 000 pièces d’arts graphiques dont 55 000 croquis de mode du couturier, 130 000 photographies, et 20 000 pièces textiles et accessoires. Un fond documentaire presse et audiovisuel de 50 000 archives complète ces collections.
Exposition "Gold. Les ors d’Yves Saint Laurent" jusqu'au 14 mai 2023. Musée Yves Saint Laurent. 5, avenue Marceau, 75116 Paris.
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