"L'art du tailleur" : un dialogue entre les couturiers Azzedine Alaïa et Gilbert Adrian, à Paris
Organisée par l’Association Azzedine Alaïa sous la direction d’Olivier Saillard, cette exposition montre comment le goût pour l’élégance intemporelle, la quête d’un style avant celle de la mode, l’exigence de la coupe, peuvent se transmettre entre deux grands couturiers que les décennies et les continents séparent. Ici 27 modèles Alaïa font face à 27 modèles Adrian.
Présentés sous la forme d’un dialogue entre les vêtements créés au cours de leurs carrières respectives, on remarque que ces deux couturiers partagent un discours unique sur le tissu et la coupe. L’exposition montre à quel point la conception et la construction des vestes et tailleurs unissaient ces deux grands de la mode. Les choix des tissus, la recherche des formes et la finesse des détails sont des traits d’union entre Azzedine Alaïa et Gilbert Adrian.
Gilbert Adrian, précurseur de la mode américaine des années 1940 et 1950
Une robe réussie doit être élégante, utile et belle, trop souvent les gens pensent que utile est synonyme de terne et triste. Une robe, lorsqu'elle est bien faite, possède une certaine justesse classique qui fait qu'elle peut être portée jusqu'à ce qu'elle tombe en miettes.
Adrian. Gilbert Adrian était le directeur des costumes à la MGM à Hollywood pendant “l’âge d’or” du cinéma des années 1930. Son travail devint synonyme du glamour hollywoodien sur grand écran. Son talent s'étendait de la garde-robe de femme fatale de Jean Harlow dans “Les invités de 8 heures” aux costumes du “Magicien d’Oz” ou à l’incroyable garde-robe de toutes les actrices du film “Femmes” en 1939. Ses créations étaient si recherchées que dans les années 1940, Adrian quitta Hollywood pour fonder sa maison de couture à New-York, où ses tailleurs structurés, portés par Katharine Hepburn, Greta Garbo et Joan Crawford, seront précurseurs de la mode américaine des années 1940 et 1950.
Azzedine Alaïa, un collectionneur passionné
Arrivé à Paris dans les années 1960 et malgré des moyens financiers modestes dus à son jeune âge, Azzedine Alaïa avait l’oeil pour dénicher les pièces rares. Il commença à collectionner des objets d’art, de design et de mode tout en créant ses collections. Ainsi à la fermeture de la maison de Cristobal Balenciaga en 1968, Azzedine Alaïa recueillit des chefs-d’œuvre de coupe qu’il ne pouvait supporter de voir disparaître. Il commença alors sa collection de pièces de grands noms de la mode, passés ou récents.... et c'est ainsi qu'il acheta des pièces du couturier américain Adrian pour sa collection personnelle.
L’Association Azzedine Alaïa : faire perdurer son oeuvre
Le 20 janvier, jour de l'inauguration de cette exposition, la Ville de Paris a dévoilé au 18, rue de la Verrerie où Azzedine Alaïa a travaillé et vécu, une plaque en l’honneur de cette figure atypique de la mode. C'est dans ce lieu que le couturier présentait ses défilés selon son propre calendrier à l’écart de la frénésie des Fashions Weeks et sans mise en scène spectaculaire.
Azzedine Alaïa, fils d'agriculteurs né en Tunisie, a travaillé chez une couturière de quartier pour financer ses études aux Beaux-Arts avant de tenter sa chance à Paris à la fin des années 1950. Il s'est fait connaître dans les années 1980 en inventant le body, le caleçon noir moulant, la jupe zippée dans le dos, des modèles qui ont contribué à définir la silhouette féminine sexy et assurée d'alors.
En 2007, il décide de protéger son œuvre et sa collection d’art en fondant l’Association Azzedine Alaïa, conjointement avec son partenaire de vie le peintre Christoph von Weyhe et son amie l’éditrice Carla Sozzani afin que cette Association devienne la Fondation Azzedine Alaïa. Elle abrite aujourdhui tous les trésors de la maison et de son créateur et expose son travail et les œuvres d’art de sa collection personnelle, à Paris, et à Sidi Bou Saïd, la ville qu’il a tant aimée.
Des expositions et l’ouverture d’une librairie en 2018
En décembre 2017, la maison Alaïa avait annoncé qu'elle allait poursuivre le travail du couturier décédé le 18 novembre 2017 à 82 ans. En janvier 2018 lors de la semaine de la haute couture parisienne, une première exposition lui rendait hommage. "Je suis couturier" avec 40 créations de 1981 à 2017, puis d'autres expositions se sont tenues : "Tribute to Azzedine Alaïa" à Séoul en Corée du sud et "Azzedine Alaïa, le Couturier" au Musée du design de Londres. A Sidi Bou Said en Tunisien où repose le couturier se tient jusqu'en mai 2019 l'expositon "Azzedine Alaïa. La Méditerranée".
Ce collectionneur d'oeuvres issues de l'art, de la mode, du design, du mobilier et de la photographie aimait aussi lire des ouvrages consacrés à ces univers et aux artistes qui l'inspiraient. En mémoire de cette passion, son Association a ouvert fin 2018 une librairie dans la cour intérieure de la maison où il vivait et travaillait.
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