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RD Congo : le courant Sape mixe grands couturiers et création locale artisanale
"J'aime beaucoup les habits des créateurs japonais et autres mais je préfère m'habiller en papier" : Cédrick Mbengi, sapeur de Kinshasa, fait des infidélités aux grands couturiers français, italiens ou japonais en lançant d'originales créations. Le mouvement Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes), né dans les années 60 au Congo, rassemble des Dandys très hauts en couleurs.
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En République démocratique du Congo, le style est résolument excentrique. Le concept initial est de défiler avec grandiloquence dans les vêtements, chaussures et accessoires des grands créateurs, vénérés comme des dieux. Un spectacle haut en couleurs et en slogans vantant le talent de Gaultier, Vuitton, Cerruti, Versace, Yamamoto, Miyake, Weston, Dolce&Gabbana...
A Kinshasa, où la plupart des 10 millions d'habitants sont démunis, "plusieurs milliers" de sapeurs débutants et confirmés défilent avec des griffes très souvent offertes par la diaspora, explique le collectif Solidarité des artistes pour le développement intégral (Sadi).
A Kinshasa, où la plupart des 10 millions d'habitants sont démunis, "plusieurs milliers" de sapeurs débutants et confirmés défilent avec des griffes très souvent offertes par la diaspora, explique le collectif Solidarité des artistes pour le développement intégral (Sadi).
La Sape, le mélange des marques
D'après Lydia Nsambayi, historienne de l'art et du costume à l'Institut supérieur des arts et des métiers, tout est parti des difficultés financières des expatriés pour saper leurs frères restés au pays. "Des expatriés se sont lancés dans le trafic de drogue pour acheter facilement des vêtements, précise-t-elle. Voyant qu'ils ne pouvaient pas continuer à ce rythme, des sapeurs ont décidé d'acheter des marques dans les friperies ou de mélanger leurs créations avec celles de Yamamoto, par exemple."
Dans le même temps, certains ont commencé à priser le prêt-à-porter. "Si ce n'est pas Zara, c'est sida!", fanfaronnent certains adeptes pour souligner que l'étiquette espagnole n'a pas à rougir. Comme Cédrick "100% Papier" Mbengi, des sapeurs lancent leur ligne.Cédrick Mbengi, 23 ans, estime que le papier est un "tissu comme les autres". Depuis 2004, en fin de défilé, il déchire ses vêtements taillés dans le papier rigide servant à emballer poissons, viandes ou arachides. Et peu importe s'il finit en caleçon. En coton, lui. Bwapwa Kumeso, qui a créé en 2009 Kadhitoza ("La Belle Créature, en tchokwe, langue parlée au sud du pays) "s'inspire des animaux de notre continent : la chauve-souris, l'éléphant, le canard, le cancrelat... Les habits sont des êtres vivants!", s'enthousiasme l'autodidacte de 44 ans, amoureux du lin, de la laine vierge et de la gabardine huilée. La forme de ses modèles évoque la faune du pays. "J'aime Yohji Yamamoto et Issey Miyake. Mais, moi, je crée des habits très extravagants, plus extravagants qu'eux ! Je fais des vêtements convertibles, qui changent de forme: entre autres, avec les boutons-pressions, un gilet peut devenir un sac", précise-t-il. Quant à Kadhitoza, une dizaine de "disciples" et quelques sapeurs portent sa marque. Et en attendant d'avoir une "petite industrie pour vendre partout dans le monde", il a placé des vêtements dans une boutique de l'aéroport international de Ndjili.
Grande joute vestimentaire des sapeurs chaque 10 février
C'est la date anniversaire du décès de l'artiste Stervos Niarcos, inventeur de la religion "kitendi" ("habillement", en lingala), décédé en France en 1995 dans une prison. Cette joute vestimentaire s'achève avec des dizaines de sapeurs dansant sur les tombes du cimetière de la commune Gombe. Cédrick "100% Papier" Mbengi et Bwapwa "Kadhitoza" Kumeso sont de la partie... "Ce qui m'intéresse dans la démarche de "100% Papier", Kadhitoza..., c'est qu'ils cherchent la personnalité des vêtements. Plus encore, ils affirment cette identité !", indique le photographe Yves Sambu, président du collectif Sadi, qui travaille avec une dizaine de sapeurs. "Ce qui manque à ces sapeurs, poursuit le photographe, c'est du soutien pour avoir de bonnes finitions."
"Ce sont des initiatives qu'il faut encourager, renchérit Lydia Nsambayi. Mais ici, c'est toujours le problème de l'industrie : comme ça manque, tout reste artisanal." Cédrick Mbengi a ainsi rassemblé quelques dizaines de personnes fin 2012 lors d'une exposition dans un quartier populaire.
C'est la date anniversaire du décès de l'artiste Stervos Niarcos, inventeur de la religion "kitendi" ("habillement", en lingala), décédé en France en 1995 dans une prison. Cette joute vestimentaire s'achève avec des dizaines de sapeurs dansant sur les tombes du cimetière de la commune Gombe. Cédrick "100% Papier" Mbengi et Bwapwa "Kadhitoza" Kumeso sont de la partie... "Ce qui m'intéresse dans la démarche de "100% Papier", Kadhitoza..., c'est qu'ils cherchent la personnalité des vêtements. Plus encore, ils affirment cette identité !", indique le photographe Yves Sambu, président du collectif Sadi, qui travaille avec une dizaine de sapeurs. "Ce qui manque à ces sapeurs, poursuit le photographe, c'est du soutien pour avoir de bonnes finitions."
"Ce sont des initiatives qu'il faut encourager, renchérit Lydia Nsambayi. Mais ici, c'est toujours le problème de l'industrie : comme ça manque, tout reste artisanal." Cédrick Mbengi a ainsi rassemblé quelques dizaines de personnes fin 2012 lors d'une exposition dans un quartier populaire.
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