"Cultissimes Sneakers" : le youtubeur Tonton Gibs explique sa passion dévorante pour les baskets dans un livre
En France, plus d'une chaussure vendue sur deux est désormais une paire de sneakers : de l'ado au cadre dirigeant, plus personne ne résiste à ce phénomène mondial.
Dans ce contexte où le temps est suspendu par l'épidémie de coronavirus, et en attendant le déconfinement, les collectionneurs de sneakers peuvent enrichir leur connaissance avec le livre Cultissimes Sneakers by Tonton Gibs.
Sur sa chaîne YouTube, Tonton Gibs Sneakers, dédiée aux baskets, à la mode urbaine et au lifestyle - qui compte 239 000 abonné(es) -, ce collectionneur parle des sorties à venir, partage ses bons plans et son avis sur leur design. Rencontre avec un passionné, intarissable, qui explique de manière très détaillée le pourquoi de la folie des baskets.
Les trois modèles préférés des Français : la Stan Smith d’Adidas, la Air-Max de Nike et la N’go Shoes
Le terme sneakers fait partie du quotidien. Il est utilisé pour désigner une catégorie de chaussures inspirées des modèles conçus pour le sport et destinées à un usage de tous les jours. Mais six acheteurs sur dix n’ont pas l’intention de pratiquer de sport avec !
En 2018, la sneaker a représenté 47% du marché de la chaussure à travers le monde. Ce marché avoisine les 10 milliards d’euros et représente 1,8 milliards d’euros en France. Entre 2007 et 2018, la vente de sneakers a augmenté de 5% chaque année. Ces six dernières années 160 marques ont investi ce marché. Près d’une vente sur deux se fait en ligne : plus souples et plus confortables, elles nécessitent moins le besoin d’être essayées contrairement à des modèles en cuir par exemple.
Les sneakers préférés des français sont : la Stan Smith d’Adidas, la Air-Max de Nike et la N’go Shoes, une paire mode solidaire et éthique. Les maisons de luxe elles aussi ont commercialisées des sneakers et leurs modèles représentent 1/5 du marché des souliers de luxe. Les critères d’achat de sneakers pour les millenials : pour 60% l’esthétique, pour 53% le prix, pour 33% la marque, pour 13% le côté éthique et pour 12% le made in France.
Quel est le modèle le plus convoité au monde aujourd'hui ?
Tonton Gibs : Je dirai que dans l’esprit des sneakers addict, il y en a une qui regroupe la majorité, c’est la Nike Mag du film Retour vers le futur II (1989). C’est une paire qui a fait rêver toute une génération mais qui n’est jamais sortie malgré une énorme demande de la part tant des collectionneurs que des fans du film. Les équipes de Nike en avaient forcément conscience et ont travaillé dessus pendant des années pour créer la paire avec le système Powerlaces (ndlr : laçage automatique) mais en vain. En 2011, ils ont décidé de sortir une paire : l'annonce a créé un raz de marée qui est un peu redescendu quand les gens ont appris qu'elle serait sans le système Powerlaces, limitée à 1 500 paires et vendue uniquement aux États-Unis et aux enchères sur eBay. Le point positif, c’est que les bénéfices ont été reversés à la recherche contre la maladie de Parkinson dont l’acteur principal du film Michael J. Fox est atteint.
Ce modèle est très recherché avec des prix à la revente allant de 5 000 à 15 000 € selon les années. Cette paire a une nouvelle fois été rééditée en 2016 mais cette fois-ci avec le système Powerlaces mais seulement à 89 exemplaires dans le monde, vendue aux enchères et via un système de ticket à 10 $ pour l’Amérique du nord et une mini loterie pour une seule paire à Londres. Une nouvelle fois, ce fut une opération contre la maladie de Parkinson chapeautée par Michael J.Fox : avec les éditions 2011 et 2016 plusieurs millions de dollars ont ainsi été récoltés pour la recherche. Voilà pourquoi cette paire est considérée comme le Saint-Graal par les collectionneurs. Pour un modèle de l'édition 2016, les prix à la revente sont très aléatoires vu que des paires ont été vendues aux enchères parfois 200 000 $. Il faut débourser entre 18 000 et 30 000 euros, si vous trouvez votre taille.
Quel est votre modèle préféré ?
Il y a tellement de variétés de paires que c’est difficile de dire quel est mon modèle préféré. J’avoue que ça change toutes les semaines. Mais si je devais en choisir une dans ma collection, je dirais que ce serait la Air Jordan VI Retro DB (Doernbecher). Doernbecher est le nom d’un hôpital pour enfants de Portland (Oregon) juste à côté du siège de Nike. Tous les ans, Nike fait appel aux enfants de l’hôpital pour retravailler une paire de leur choix : en 2009, c’est le jeune Jordan Dark qui dessinait ce modèle que j’aime tant ! La paire est pleine de détails dont les dates 06/08 et 04/09 pressées dans le suède du upper (ndlr : façade supérieure de la chaussure) qui correspondent au début et la fin de sa chimiothérapie.
Tous les bénéfices de cette vente annuelle allant à l’hôpital et aux enfants. C’est une oeuvre de charité américaine et, par conséquent, ce ne sont pas des paires qui sortent en Europe. Au fil du temps, la côte de la Air Jordan VI Retro DB a monté pour parfois atteindre 2 000 $ à la revente. Même si elle a un peu baissé aujourd’hui, elle reste néanmoins une très belle paire recherchée. En 2019, ils l'ont réédité pour son 10e anniversaire mais uniquement pour le marché américain. Cette fois, j’ai pu enfin l’avoir grâce à un ami Tonio qui a une entreprise de revente en France, la société Sneakers Heat.
Le berceau de la culture sneakers, c'est New York. Quelle place peut revendiquer la France ?
La France a une énorme culture Hip-Hop même si je n’irai pas jusqu’à comparer New-York à de grandes villes françaises. Les choses sont arrivées à peu près à la même époque dans notre pays mais à moins grande échelle et à notre manière toujours, comme je l’explique brièvement dans le livre. Pour parler de la place de la France, je dirai qu’on est dans le top 3 des pays Européen avec l’Angleterre et l’Allemagne mais chaque pays à sa manière de consommer.
Quelles sont les marques françaises les plus cotées ?
Il y a très peu de marque française qui peuvent revendiquer une place dans le Sneaker Game. Pour moi la numéro 1 est Le Coq Sportif qui a réalisé de très belles collaborations. D'abord reconnue en France mais aussi à l’international, la marque a ses fans. Vous avez aussi Lacoste qui depuis quelques temps réalise de belles collabs. Vous avez aussi aujourd'hui des marques comme Veja, Garçonne & Chérubin... mais que l’on ne peut pas considérer comme étant dans le jeu avec des styles beaucoup trop simples.
Comment expliquer que l'univers du luxe se soit emparé de ce secteur ? A-t-il acquis aujourd'hui une légitimité ?
Le luxe, c’est l’argent donc le pouvoir... et le pouvoir, c’est pouvoir faire ce que l’on veut ! C’est pour cette raison que les marques de luxe n’ont aucun mal à intégrer tous les marchés : en embauchant le meilleur designer en vogue - qui lui même pourra bosser avec une armée de designers et d’artisans sur des matériaux premium - la recette ne peut que fonctionner. La légitimité passe également par le fait de choisir avec soin leurs partenaires.
Pourquoi avoir crée une chaîne youtube dédiée aux sneakers ? De quoi y parlez-vous ?
D’abord le besoin de m’exprimer : venant du rap, c’est un besoin pour moi, ensuite entre 2010 et 2013, j’ai commencé a accumuler un joli tas de paires sans trop réfléchir à ce qui m’arrivait à l’époque. J’avais pour habitude de regarder des vidéos d'un boxing (ndlr : les gens se filment en déballant leur achat) sur les chaînes youtube américaines parce que j’aimais bien voir comment une paire rend aux pieds avant de l’acheter. En 2013, je me suis dit "mais personne ne fait ça en France" (en tout cas pas de cette manière). J’ai donc réalisé ma première vidéo le 31 janvier 2014 consacrée à la Air Tech Challenge Huarache Tour Yellow. C'était très difficile d’être à l’aise devant une caméra à l’époque mais avec le temps j’ai appris. Maintenant je peux dire que c’est mon travail à 100% : je travaille en collaboration avec des marques et des enseignes dans le domaine des sneakers et de la mode urbaine et aujourd’hui - de part mon parcours d’un mec de banlieue, venant du rap et né dans les années 80 - mon avis compte et est respecté. Les marques m’appellent influenceur mais c’est un terme que je n’affectionne pas car je trouve que c'est plutôt prétentieux.
Rêvez-vous de créer votre paire ? Et comment l'imaginez-vous ?
Bien sur et pour un gars comme moi c’est une consécration forcément. D’ailleurs j’en ai déjà discuté avec plusieurs marques mais j’ai appris que tant que ça reste à l’état de projet mieux vaut ne pas s’avancer. Pour votre seconde question sur ce thème, je vous répondrai qu’un chef cuisinier ne dévoile jamais ses recettes.
Cultissimes Sneakers by Tonton Gibs aux éditions Larousse. 29,95 euros.
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