: Interview "Je suis devenu créateur de contenus, puis de mode sans, vraiment, m'en rendre compte" : Alexis Vanden, de star des réseaux sociaux à styliste
Originaire de Sainghin-en-Mélantois, Alexis Vanden est passionné par la mode depuis tout jeune. Tout est parti d'une vidéo sur laquelle il s'habillait en expliquant ses choix vestimentaires. Un partage de looks qui a trouvé son audience sur TikTok et Instagram puis YouTube. Puis il a créé sa marque Vanden Studio, avec le soutien de l'agence /Influx qu'il a rejoint à l'âge de 18 ans. Rencontre croisée entre le créateur Alexis Vanden et Manuel Diaz, le PDG de /Influx.
Franceinfo Culture : Vous êtes passionné par la mode depuis toujours ?
Alexis Vanden : Depuis tout petit. Ma mère m'a raconté que depuis mes 5/6 ans, j'avais des goûts affirmés et que je l'embêtais en lui disant : non, je ne veux pas m'habiller comme cela ! Ma première approche a été sur les réseaux sociaux avec ma première vidéo TikTok : dans ma chambre, j'ai posé mon téléphone et j'ai décrit mon outfit [ma tenue du jour] en expliquant mes choix vestimentaires. J'ai parlé comme si je m'adressais à des amis, c'était très naturel et les gens ont aimé cette proximité et mes conseils, qui, en réalité, n'étaient que ma vision car je n'avais pas fait d'école. Ce partage de looks a plu. J'avais 15/16 ans et je n'ai pas arrêté depuis ! Avec On s'habille ensemble, j'ai pris l'habitude – dès que je me levais et avant d'aller à l'école – de partager mes looks et, au fur et à mesure, j'ai créé une communauté. À ce moment-là, on entendait beaucoup parler de TikTok, c'était un peu une tendance mais je n'avais pas pour but d'être créateur de contenus, je faisais cela pour m'amuser.
Vous êtes suivi par plusieurs millions d'utilisateurs sur les réseaux sociaux...
Alexis Vanden : On commence tous sur un réseau : TikTok est ma plateforme de démarrage mais pour se professionnaliser, c'est mieux Instagram et, encore mieux, YouTube. Il faut se diversifier pour ne pas lasser ! Un an après, vers mes 16/17 ans, j'étais sur Instagram où je postais des photos, des stories, des sondages. Les gens ont liké, se sont abonnés et j'ai créé, petit à petit, une communauté beaucoup plus fidèle car si les gens s'abonnent facilement sur TikTok, il faut cependant bien aimer la personne pour la suivre sur Instagram où il y a une interaction plus personnelle avec des messages privés. Je suis devenu créateur de contenus sans, vraiment, m'en rendre compte. Cela ne s'est jamais arrêté depuis, mais j'ai un rythme différent, aujourd'hui, car j'ai d'autres activités et formats à côté.
Manuel Diaz : C'est deux publics, deux salles, deux ambiances. Le cœur de sa communauté est sur Instagram et les curieux de l'univers Vanden et de son parcours, depuis la première fois où il a posté, sont eux sur TikTok. Sur Instagram, sa communauté est beaucoup plus mature : c'est un des rares créateurs de contenu à avoir autant d'hommes que de femmes. Souvent, les créateurs de contenus cristallisent un cœur de communauté sur une plateforme et ont d'autres plateformes où ils ont des communautés plus larges mais moins affinitaires.
Leader sur les sujets de mode masculine sur les 18-34 ans en France avec plus d'un million d'abonnés sur l'ensemble de ses réseaux, ses gros fans – qui suivent vraiment de très près ce qu'il fait – basculent sur Instagram car ils y voient plus de coulisses comme cette fonctionnalité cool, le canal privé, un lien relationnel entre le créateur et sa communauté. Tout ce qui est dit dans ce canal n'est pas visible sur son Instagram public, ni dans ses stories. Souvent les créateurs y donnent des exclus, des avant-premières.
Après TikTok et Instagram, également YouTube ?
Alexis Vanden : YouTube a été la dernière grosse transition. Je consommais YouTube mais je ne savais pas faire des vidéos, complètement écrites, et surtout de 10 minutes, étant donné que je viens des contenus courts de 1 minute 30 maxi. L'agence /Influx, que j'ai rejointe il y a quatre ans, m'a appris à faire la transition entre influenceur et créateur de contenus. Il y a eu une vraie transformation : j'ai compris le rôle de créateur de contenus, l'intérêt d'apporter une vraie valeur originale à mes vidéos. J'ai adoré ! Dans mes vlogs, j'emmène les gens dans un showroom, je leur montre l'outfit du jour, je leur fais visiter un des ateliers de ma marque. C'est une vraie aventure, c'est plus immersif, c'est un contenu totalement différent avec du storytelling !
Quels ont été les changements après avoir rejoint /Influx ?
Alexis Vanden : Je suis originaire de Lille et je me retrouve à Paris, la ville de la mode. C'est un changement de vie, passer d'une vie d'étudiant à une vie totalement indépendante, devenir entrepreneur. À travers cette formation, on apprend à être sérieux, la régularité, à sortir des contenus originaux. On a un rythme éditorial assez soutenu à respecter.
C'est quel type d'agence, /Influx ?
Manuel Diaz : Les vrais créateurs de contenus savent où ils vont, chez /Influx, c'est ce qu'on défend. L'agence existe en tant que telle depuis 6 ans : elle est l'héritage d'une agence de communication digitale que j'avais fondé il y a 25 ans. C'était une branche de nos activités qui s'est intensifiée avec l'émergence des créateurs de contenu. Le mythe de "je me mets devant ma caméra et je deviens instantanément une célébrité" n'existe plus. YouTube s'est professionnalisé, il y a un vrai travail, on s'apprend les ressorts pour créer une histoire et la raconter pour qu'elle soit intéressante et engageante, tout en fédérant une communauté.
On a créé un parcours de détection des talents avec une équipe qui les fait passer ensuite dans l'/Influx Académie (parcours de formation) et les signe comme des artistes en s'engageant à les développer. On a des secteurs très différents : le dénominateur commun, ce sont des gens passionnés et passionnants.
Dans cette génération-là, il y a des gens,qui ont un talent, que l'on doit coacher – pour en faire des artistes, autonomes et indépendants qui ne seront pas totalement dépendants des plateformes dans leur modèle économique. On les aide à éclore, à grandir et à devenir, pour certains, des stars de l'internet.
Vous avez animé sur YouTube "Derrière le style", des interviews révélant les coulisses des métiers de la mode.
Alexis Vanden : La série Derrière le style, c'est rendre la mode accessible en interviewant des acteurs installés depuis longtemps dans ce milieu. Manuel m'a dit prépare-toi, dans deux jours, tu as quatre interviews. Je ne l'avais jamais fait, je devais assurer. Ma communauté a adoré, elle s'est rendu compte de ce qu'est vraiment la mode et à découvert différentes professions – créateur de marques, directeur artistique.
Quelles ont été les plus belles interviews ?
Alexis Vanden : J'ai dû faire une quinzaine d'interviews. Celle qui m'a le plus impressionné, c'est Barbara Bui qui a une sacrée expérience ! J'ai découvert Charles Schillings, le DJ attitré des défilés de Karl Lagerfeld, mais aussi le calligraphe Nicolas Ouchenir qui participe à ma marque. Jusqu'à présent, on était sur un rythme d'une interview par semaine, que l'on a un peu mis en pause.
Manuel Diaz : Ce qui est intéressant dans ses interviews, c'est qu'on n'a jamais eu autant de gens de sa génération qui s'intéressent à la mode mais on n'a jamais eu autant, aussi, de gens qui ne la comprennent pas car ils s'intéressent plus aux produits qu'à la façon de les faire.
Avec Derrière le style, Alexis essaye de faire profiter de ce qui lui arrive dans sa vie en mettant en lumière des métiers que l'on ne voit pas ou peu – directeur de casting, mannequin. Cette pédagogie, c'est déjà les prémisses de ce qu'il fait avec sa marque : c'est expliquer et montrer comment elle est construite. Sa communauté adore les interviews, même avec des personnalités qu'ils ne connaissent pas mais qu'ils apprennent à connaître.
Aujourd'hui, vous lancez votre marque sous forme de capsule...
Alexis Vanden : En tant que créateur de contenus, on travaille avec beaucoup de marques et on reçoit des vêtements. Le déclic s'est fait quand je n'ai pas trouvé la pièce que je voulais. Dans la fast fashion, il y a des choses qui ne plaisent pas concernant l'éthique, le milieu de gamme, lui, manque de positionnement, et le luxe est très bien mais pas forcément accessible. Je me suis dit pourquoi ne pas faire ce produit éthique, très qualitatif, made in France que je cherche. C'était un vrai défi !
C'est l'association du luxe et du streetwear qui a créé Vanden Studio. Ce sont des pièces très exclusives, jamais faites en très grosses quantités, car je trouve cela moins valorisant pour l'acheteur, et je suis un grand fan d'exclusivité. Mon objectif, c'est que le client reparte avec une pièce de qualité, éthique avec l'assurance de ne pas croiser quelqu'un dans la rue qui la porte !
Manuel Diaz : Les premiers pas d'Alexis, c'était des outfits. Alors, qu'est-ce qu'il fait avec sa marque ? Des outfits, des pièces avec lesquelles vous pouvez vous habiller de la tête aux pieds. Il me disait le streetwear, c'est ma culture, par contre, ce que je lui reproche, c'est qu'il est fabriqué avec des matériaux pas terribles et une façon à l'autre bout du monde. Vanden Studio, ce sont des pièces pour une génération qui cherche quand même de l'originalité à des prix accessibles. Donc qui mieux que quelqu'un de cette génération pour ouvrir la voie avec cette première capsule.
Vous optez pour le fabriqué en France. N'est-ce pas compliqué quand on est un jeune créateur inconnu ?
Alexis Vanden : Cela a été un très gros combat d'un an. Alors que je commençais les vlogs sur YouTube, je me suis dit pourquoi ne pas partager l'aventure de la création de ma marque. J'ai filmé les rencontres avec les fabricants et les ateliers avec lesquels on travaille aujourd'hui. J'ai pu montrer leur travail, parler des pièces avec eux, et j'ai eu beaucoup de retours de ma communauté. Certains m'ont dit que c'était passionnant de voir la conception de A à Z. Je pense que c'est très important de montrer le concret, là, ils comprennent.
Au niveau de la négociation, quand on est une toute petite marque et que l'on dit le made in France, c'est important pour nous mais on ne veut faire que 50 pièces, ils nous regardent un peu bizarre car de très grosses maisons travaillent avec certains de nos ateliers. Celui de T-shirt est dans le Nord, nos pulls et chaussettes sont fabriqués dans deux ateliers dans le Centre et le jean Carpenter en Vendée. Notre toile de jean et le cachemire sont italiens et nos T-shirts sont 100% coton bio tissé.
C'est surtout le 100% qui est important. On s'est battu pour aller chercher un atelier de métallurgie qui ne fonctionnait plus pour faire nos boutons et nos rivets pour le Carpenter. Je trouve qu'il y a trop de marques qui se disent made in France mais, en réalité, font seulement sérigraphier leurs T-shirts en France.
Manuel Diaz : Ce tour de France de ces industries a permis de se rendre compte à quel point notre pays a été désindustrialisé. On est en train d'essayer de se réindustrialiser mais l'équation économique est dure à soutenir : coût du travail élevé, compétition à l'intérieur de l'Europe. Pour faire un produit avec des matériaux – car tout part de la matière – et une main-d'œuvre de qualité, en obtenant un prix raisonnable, l'équation est complexe à résoudre. Il faut regarder le sourcing matières, les conditions, la façon dont les ateliers travaillent, est-ce un nouvel atelier avec un degré d'expertise faible ou un atelier avec des premières d'ateliers ayant de l'expérience ?
Pour qu'il n'y ait pas de surconsommation, votre capsule est une série limitée ?
Alexis Vanden : Il n'y a pas de précommande, ce sont, en effet, des stocks très limités. Je me suis dit que si le Carpenter fonctionnait très très bien, pourquoi ne pas avoir une variante dans quelque temps, mais mon objectif n'est pas de trouver un produit qui fonctionne et de le ressortir.
Tous les produits sont en série limitée – 200 T-shirts, 50 pulls de chaque couleur, 100 Carpenter et 100 chaussettes. A part les chaussettes, ils sont tous numérotés par le calligraphe Nicolas Ouchenir.
Quelle est la gamme de prix ?
Alexis Vanden : Elle va de 18 à 420 euros pour le Carpenter. Pour ce jean, on a choisi un atelier qui fait des traitements sans utiliser d'eau, donc à l'ozone et à l'oxygène, pour avoir l'impact le plus bas possible. Les pulls en laine vierge et cachemire sont à 280 euros. Ils sont fabriqués par un atelier dans le Gard, une Scope avec des gens qui ont racheté leur boîte pour faire vivre leur spécialité, la maille. Le T-shirt est à 95 euros.
Manuel Diaz : Sur son site, chaque fiche produit explique le prix, la matière, la main-d'œuvre, la logistique... grâce au QR code des étiquettes qui va jusqu'à raconter l'histoire de l'atelier. Il est important de valoriser pourquoi on l'a sélectionné et de raconter leur histoire, le plus souvent passionnante !
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