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Au top de sa forme, la basket séduit toutes les générations : du sport au luxe, les créateurs l'adoubent

La chaussure est dans l'actualité : l'exposition Marche et démarche au MAD Paris revient sur son histoire tandis que StockX, plateforme de revente de sneakers et éditions limitées de luxe, pose ses valises à Paris le temps d'une exposition. Mais pourquoi cette folie ? 

Article rédigé par franceinfo Culture, Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Collection Pierre Hardy, automne-hiver 201 (PIERRE HARDY)

"La mode et le luxe se sont emparés de la chaussure de sport au moment où le confort est devenu déterminant pour la recherche de nos vêtements", souligne l'historien de la mode Denis Bruna, commissaire de l'exposition Marche et démarche. Une histoire de la chaussure au musée des Arts décoratifs de Paris.

Cool, fraîche et dynamique, la basket est "une pilule de jeunesse", assure quant à lui le créateur Pierre Hardy, l'un des premiers à avoir détourné la chaussure de sport en une pièce mode qui a submergé la rue et les podiums. Considéré comme l'un des designers de chaussures les plus influents de son époque, il fête cette année le 20e anniversaire de sa marque.

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BEHIND THE SCENE — THE VIBE SNEAKERS FOR HIM — WINTER 2019 — ONLINE & IN-STORES — #pierrehardy #vibesneakers #phfw19 #bts

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Tout le monde en porte 

Le plus puissant code vestimentaire des adolescents, c'est le dénominateur commun intergénérationnel, car tout le monde en porte, les rappeurs américains comme le couturier Pierre Cardin, 97 ans. Uniforme des Fashions Weeks, les sneakers accompagnent aussi les sorties du soir, dédramatisent les robes ultra féminines ou accessoirisent les tenues d'affaires. 

Au dernier show de lingerie de Savage X Fenty de Rihanna, les mannequins en sous-vêtements sexy arboraient des baskets. Même l'opéra de Paris "qui s'habille comme vous et moi" en chausse des personnages historiques.

La basket a supplanté le sac à mains 

Selon la plateforme de mode Stylight, les baskets du luxe - parmi lesquelles Off-White, Alexander McQueen ou Balenciaga sont les plus convoitées - ont surpassé en tant que pièce forte le sac à main. Les consommateurs du monde entier sont prêts à investir "302 euros en moyenne" pour une paire de designer.

Dans la dernière étude d'une autre plateforme, Lyst Index, une paire d'Adidas est sur la liste des 10 produits les plus populaires pour les femmes tandis qu'une Nike et une Adidas sont parmi les pièces mode les plus convoités par les hommes.

Affiche Michael Jordan, Nikecraft Mars Yard Tom Sachs Space Camp. 2017 (STOCKX)

De vraies chaussures avec une "créativité incroyable"

"Les silhouettes, même très sophistiquées sont construites autour des baskets. Elles sont devenues de vraies chaussures avec une créativité incroyable", déclare à l'AFP Pierre Hardy qui dessine les chaussures pour Hermès et sa propre marque après avoir travaillé chez Dior et Balenciaga.

Collection Pierre Hardy, automne-hiver 2019 (PIERRE HARDY)

Pierre Hardy confie s'être lancé il y a 15 ans dans la basket pour apporter au segment du luxe "très sophistiqué" un produit "frais, juvénile et dynamique" qui renverrait "à un souvenir de quand on était adolescent et on s'en fichait d'être bien habillé". "La basket était une issue vers un autre vocabulaire de création. Pour les hommes, cela a permis d'introduire des matières qu'on n'utilisait pas du tout, des couleurs fortes, des motifs plus fun (...). La mode s'adresse d'abord à une certaine jeunesse qui s'est tout de suite reconnue là-dedans". "Une femme qui ne peut plus porter de talons peut être encore plus à la mode et assumer complètement ce confort", ajoute-t-il.

Ainsi, la maison Berluti fondée en 1895, ancien bottier apprécié par ses costumes, vient d'annoncer l'arrivée en boutiques de sneakers Gravity qui "mêlent le savoir-faire artisanal et la technicité des matériaux". En noir ou orange, elles exhibent des contours rehaussés, un clin d'oeil à la tradition bottière.

La maison italienne du luxe Prada et le groupe allemand de vêtements de sport Adidas ont annoncé une collaboration inédite. La nouvelle a été annoncée sur les réseaux sociaux avec une photo de deux boites de baskets Adidas insérées dans un sac marqué Prada, accompagnée par le hashtag #pradaforadidas. La première étape de cette collaboration est la sortie de deux modèles de chaussures unisexe fabriquées chez Prada à Milan. Résultat du teaser, les réseaux sociaux sont déjà inondés de l'hashtag #pradaforadidas. Certains résumant l'opération par le mot #pradidas.

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#Pradaforadidas @Prada. Coming soon. adidas.com/Prada

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Ce n'est pas de la première fois qu'une maison de luxe travaille avec une marque de sport. Lors de la semaine de la mode de Milan en 2018, Fendi et Fila avaient présentée une collection commune, symbolisée par un logo Fendi redessiné dans le style de la marque de sport par l'artiste Hey Reilly.

Courir ou ne pas courir

Pour Alexandre Samson, responsable de la création contemporaine du musée de la mode parisien Palais Galliera, le succès des sneakers s'inscrit dans la mouvance "normcore", particulièrement incarnée par le Gorgien Demna Gvasalia, directeur artistique de Balenciaga et qui vient de quitter sa propre marque, Vetements. Le choix de la basket est dicté par les modes de vie actifs, la profusion de vélos et trottinettes dans le paysage urbain ou... par des angoisses.

Meland, collection automne-hiver 2019-20 (MELAND)

Dans Vernon Subutex 3, dernier roman de Virginie Despentes, une bourgeoise parisienne qui "sait tout faire en escarpins" enfile après la tuerie du Bataclan pour la première fois ses Fila blanches pour aller à un concert, de peur de devoir courir en cas d'attentat.

Comme "courir n'est pas certainement un acte élégant", les maisons du luxe "ont détourné les baskets de leur usage premier" en les rendant lourdes ou instables avec lesquelles "on fait tout sauf courir", souligne Alexandre Samson. Si les historiens de la mode prédisent un inversement de tendance et le retour à des chaussures plus conventionnelles voire contraignantes, Pierre Hardy reste confiant. Après toutes ces années de démarche libérée, "il sera difficile de se recontraindre à un certain inconfort", conclut-il.

 

Une fièvre spéculative all over the world

La fièvre autour de ces baskets rares est spéculative. Réservé à quelques collectionneurs passionnés à ses débuts dans les années 1990, le marché de la revente de baskets en édition limitée a depuis explosé. Elles sont revendues à des milliers d'euros sur de véritables bourses ayant essaimé des États-Unis à la Chine.

"On était cinquante ou cent à se voir à chaque nouvelle sortie de paire, il y a une dizaine d'années. Maintenant c'est presque 10.000" rien qu'en France, affirme Julien Ojea, alias Larry Deadstock, l'un des principaux revendeurs français de baskets à Paris. Exemple avec la dernière Air Jordan, issue d'une collab de Nike avec le rappeur américain Travis Scott, arrivée mi-octobre sur ses étals. Vendue 250 euros à une poignée d'élus tirés au sort dans une boutique à Paris, elle se revendait ensuite à 900 euros sur la plateforme américaine StockX. En tête de gondole, les Air Jordan de Nike, fruit d'un partenariat avec l'ancien basketteur éponyme, et les Yeezy d'Adidas, avec le rappeur Kanye West.

Chaussure Air Jordan de Nike, collaboration avec le créateur Off-White. Chicago, septembre 2017   (STOCKX)

Une première exposition française du géant StockX

Paris accueille StockXchange, première exposition française de StockX, plateforme de revente de sneakers et éditions limitées de luxe. Cet event présente le meilleur du street wear et de la street culture française avec des pièces iconiques, des contenus audio et vidéo et de multiples rencontres. En collaboration avec Sarah Andelman, fondatrice de Colette, accompagnée de curateurs tels que Angelo Baque (fondateur d'Awake NY), Stéphane Ashpoole (fondateur de Pigalle), Ruba Abu-Nimah (créative directeur de Revlon), Michael Dupouy (auteur de All Gone) et Pedro Winter (aka Busy P), StockXchange présente leur vision du streetwear, skate, musique, et tout ce qui se joue en ce moment dans la street culture parisienne.

A découvrir jusqu'au 17 novembre, au 7 Rue de Paradis à Paris. 

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