Tendance : Marc-Antoine Coulon croque la haute couture et renouvelle l'illustration de mode
4 questions à Marc-Antoine Coulon :
Pouvez-vous illustrer pour Culturebox cette semaine haute couture printemps-été 2019 ?J’aime beaucoup les lignes épurées, féminines, italiennes de Maria Grazia. Elle a su donner une modernité inédite à la femme Dior.
Bertrand Guyon semble créer comme un enfant qui s’amuse ; ça n’est jamais grave. C’est un monde fleuri, peuplé d’animaux et de dessins. Je vois la femme Schiaparelli espiègle comme une petite fille qui joue à la dame mais qui a déjà compris toutes les clefs de l’élégance.
Chez Giambattista Valli, je retrouve toute l’exubérance sophistiquée des films de Fellini ; les robes meringues, les traînes interminables, les noeuds démesurés, les coiffures de Mina, l’icône italienne... un régal à dessiner !
Qu’apporte l’illustrateur de mode à l’heure où la photographie prédomine ?
On ne demande pas à l’art, ni à l’illustration la même chose qu’à la photo, surtout à la photo de smartphone. Dans l’illustration on cherche la vibration de la main humaine, le supplément d’âme. L’illustration de mode confirme à la mode son statut d’art. Car la mode est un art avant d’être une industrie. C’est une histoire d’harmonie aussi ; les créations de mode commencent par un dessin. Il est logique qu’une fois achevées elles prennent vie dans un dessin. L’illustration est quelque chose de vibrant, de vivant. On a connu dans les années 1990-2000 une période folle où les photographes de mode sont devenus des rock stars. Ça prenait toute la place. Ça correspondait à l’époque. Depuis, les magazines français ont compris ce que la presse anglo-saxonne n’a jamais perdu de vue : la photo et l’illustration peuvent cohabiter harmonieusement. On compte maintenant sur les illustrations pour affirmer l’identité du magazine. Et puis à l’heure où les portables saturent, en temps réel, les réseaux d’images instantanées et assez semblables, l’illustration offre la possibilité plus personnalisée de revenir sur une silhouette choisie, pensée, caressée du regard. Cette démarche s’accorde plus finement à ce qu’est la haute couture : l’unique et le sur mesure, par opposition à l’édition en série.C’est Paul Klee qui le disait mieux que je ne saurais le faire : "l’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible. "
Pourquoi avoir opté pour l’illustration de mode ? Comment votre métier a évolué ?
J’ai pendant longtemps travaillé pour l’industrie du disque, avant de réaliser ma vocation première : l’illustration de mode. Or l’industrie du disque, se sentant moribonde, s’est mise à mépriser les artistes. Les dessinateurs en particulier y étaient considérés comme des applications Apple interchangeables capables de transformer n’importe quelle photo en dessin. Ce qui laisse peu de place pour affirmer un style, une vision. En revanche le monde de la mode aime les artistes et leur fait confiance. Je suis arrivé dans ce milieu après la période du tout photo. J’ai tout de suite bénéficié d’une grande liberté artistique que ce soit au Madame Figaro ou au Vogue. Pendant quelques années il fallait absolument faire des images girly, ludiques, voire enfantines. Puis on est arrivé à un équilibre plus varié, donc plus intéressant. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux pullulent les illustrateurs auto-proclamés, comme les pseudo mannequins. C’est l’époque qui veut cela. L’intention et le style doivent permettre de sortir du lot.
Quels sont vos modèles préférés à dessiner ?
Je n’ai pas de préférence particulière pour les modèles. J’aime les défis mais j’ai surtout besoin de comprendre comment l’étoffe bouge pour pouvoir rendre le mouvement. C’est chaque fois une aventure différente et inédite.
Votre exposition parisienne débute le 24 janvier, qu’allons-nous y trouver ?
Dans cette exposition, j’ai regroupé 40 illustrations de mode. Je l’ai conçue comme un dégradé de l’image la plus classique, détaillée, à l’expression la plus stylisée, presque primale. Je tente au cours de cette exposition d’attirer progressivement le regard du spectateur sur des lignes, des formes, des détails qui définissent une allure. Car la mode est avant tout une question d’allure. En dépouillant l’image on dirige le regard, on fait des choix, on s’implique. J’éprouve une égale tendresse pour chacune de ces images. C’est comme un puzzle géant et chaque pièce participe à l’équilibre général.
Du disque à l’affiche du "Fashion Freak Show" de Jean Paul Gaultier
Marc-Antoine Coulon a commencé à dessiner dès l'âge de deux ans… Passionné par l’art, la mode et le design, il a d'abord travaillé comme illustrateur pour l'industrie du disque en France et en Italie puis a créé des affiches de cinéma et de spectacle dont celle de la comédie musicale "The Fashion Freak Show" conçue par le couturier Jean Paul Gaultier.
Marc-Antoine Coulon propose son travail aux maisons du luxe et de haute couture et à la presse française et internationale. Il collabore avec plusieurs magazines en France, en Italie, en Allemagne et aux Etats Unis. Il a participé à des expositions nationales et internationales dont celle du musée Christian Dior à Granville intitulée "Les Trésors de la collection - 30 ans d’acquisition" et, à Atlanta, à l"Unapolegetic Lines" organisée par le SCAD Fash Museum of Fashion, sa première rétrospective.
Il contribue au renouveau de l’illustration de mode en y apportant sa modernité sa sensibilité et son élégance. Son style est glamour et intemporel, fort, précis et sensible, voire parfois "sexy" et insolent. Il sait capturer un regard ou une attitude pour la sublimer, le plus souvent d’un trait noir, épais ou ombré qui souligne la silhouette, mêlé à ses savants mélanges de couleurs d’aquarelles.
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