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Walter Van Beirendonck, du défilé masculin à la Paris Fashion Week aux costumes de scène pour "La Flûte enchantée"

Si Walter Van Beirendonck est connu pour ses défilés hauts en couleurs, il l’est moins pour ses costumes de scènes. Juste après son défilé masculin automne-hiver 2019-20, le 16 janvier à Paris, le créateur belge - qui apporte la dernière touche aux costumes de "La Flûte enchantée" qui sera jouée à partir du 17 février au Staatsoper de Berlin - évoque les deux aspects de son travail. Rencontre.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Show Walter Van Beirendonck pap masculin ah 2019-20, à Paris, en janvier 2019.
 (Christophe Ena/AP/SIPA)

4 questions à Walter Van Beirendonck : 

  • Un défilé masculin le 16 janvier sur les podiums de la PFW, les costumes de "La Flûte enchantée" à Berlin à partir du 17 février. Votre façon de travailler est-elle la même ? 
    L’intervalle entre chacune de mes propres collections est de six mois. J’en ai donc dessiné plusieurs pour la marque Walter Van Beirendonck alors que je travaillais déjà sur "La Flûte enchantée". Lorsque je conçois les costumes pour un opéra ou un ballet ou lorsque je suis curateur d’une exposition, je commence à travailler au moins deux ans à l’avance. Je me lance dans des recherches approfondies en quête de bonnes idées pour que l’ensemble fasse sens à la fin. J’accepte de tels projets afin de trouver un équilibre avec mes propres collections. Les thèmes découverts à travers les projets annexes me permettent de découvrir des sujets ou des univers qui me sont encore inconnus.
     
  • Quels sont les points communs entre ces deux évènements ? 
    Ma fantaisie et ma manière très spontanée de travailler sont sans doute le dénominateur commun pour la collection masculine automne-hiver 2019-20 intitulée "WOW" et les costumes pour "La Flûte enchantée". Il y a également l’omniprésence de la couleur, la variété des tissus utilisés et surtout la création de figures fantasmagoriques et de personnages marquants. J’accorde toujours une importance capitale aux cheveux et au maquillage. Nous retrouvons cela dans les deux projets. La différence majeure est que pour ma propre collection, je créé des vêtements qui sont destinés à la production puis à la vente. J’ambitionne que la collection soit portée par le public aujourd’hui ! 
     
  • Comment avez-vous travaillé avec le metteur en scène Yuval Sharon pour les costumes de "La Flûte enchantée" ?
    Yuval Sharon m’a contacté pour concevoir les costumes de "La Flûte enchantée" de Mozart au Staatoper Unter den Linden de Berlin. Après quelques réunions et sessions de brainstorming, j’ai commencé à dessiner les croquis et à traduire mes idées sur le papier. Yuval Sharon a insisté sur le point de vue des enfants. Leur regards mais aussi leur rêverie, leurs fantasmes. Les personnages deviennent marionnettes, poupées, jouets ou robots peuplant un monde innocent.
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  • Quels ont été les costumes les plus difficiles à réaliser ?
    Yuval Sharon a souhaité qu’une grande partie des personnages puisse voler, ce qui, croyez-moi, a été un énorme défi aussi bien pour les costumes que pour les chanteurs. Au final, le résultat sera fantastique. Je suis particulièrement fier de certains costumes qui sont intégrés dans le décor (le tissu et le matériau de construction de décor n’en font qu’un), ce qui rend le personnage assez impressionnant. J’ai hâte que tout cela prenne vie devant les spectateurs à Berlin !

Sur le podium hiver 2019-20, un homme fort et fragile face aux problèmes du monde

Pour son défilé automne-hiver 2019-20, le créateur évoque, une fois encore, un problème de notre monde : 

"Dans la collection "WOW", j’ai imaginé une subculture appelée "WOWIES" qui fait écho à notre monde d’aujourd’hui. J’ai utilisé des slogans : FIGHT FOR A FUTURE - ENDANGERED W - SPECIES UNITE. Le sous-titre de la collection est "THE MELTDOWN COLLECTION" (effondrement, ndrl). En effet, j’ai tendance à croire que l’espèce humaine est, elle aussi, en danger. Le monde est en train de fondre, de disparaître. Cela s’est traduit par l’emploi de camouflage, de coulures de peintures, de bandes élastiques qui sanglent les vêtements et de monstres qui apparaissent sur les vêtements. On le voit clairement aussi dans les coiffures réalisées par l’équipe de Charlie Le Mindu et à travers le maquillage d’Inge Grognard" indique Walter Van Beirendonck.

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Sur le podium défile une tribu habillée de couleurs vitaminées, d'imprimés psychédéliques, certains mannequins ont le visage encagoulé ou dissimulé par un maquillage voyant ou une fausse barbe jaune. De la peinture rose et orange semble couler dans le maquillage et les imprimés présentés.

Ses défilés excentriques font sensation à Paris et sont suivis avec assiduité par la profession car ils lui donnent l'occasion de raconter des histoires et d'interpeller l'opinion. Ainsi pour l'automne-hiver 1995-1996, les hommes couverts de latex de la tête au pied évoquaient des préservatifs géants et les ravages de l'épidémie du Sida. Utilisant le podium comme scène d'engagement politique, le créateur exprime, toujours avec des créations - hautes en couleur, fantaisistes et humoristiques - des idées fortes. Si les non-initiés se retiennent de rire, les journalistes et acheteurs savent, eux, qu'à travers ses collections, il parle des comportements vestimentaires comme des dérives de la mode ou des maux du monde avec cette approche ludique et faussement naïve.

Walter Van Beirendonck, un des "Six d'Anvers"

Né en 1957 à Brecht, petite commune d'Anvers, il entre à l'Académie Royale des Beaux-Arts d'Anvers section mode en 1977, où il restera quatre ans. Le temps pour lui de mettre en œuvre une démarche stylistique originale entre art wear et inspiration ethnique à base de graphisme agressif et de couleurs flamboyantes.

Le créateur Walter Van Beirendonck, janvier 2019 à Paris  
 (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

C'est à ce moment-là qu'il lie son destin avec certains de ses condisciples - Margiela, Demeulemeester, Bikkembergs, Van Saene, Van Noten et Marina Yee - pour former ce qui deviendra plus tard les Six d'Anvers, un groupe de créateurs d'avant-garde. Le designer flamand lance sa première collection "Sado" en 1983 tout en s’assurant des collaborations extérieures. Pour les collections masculines printemps-été 2006, il fait son retour à Paris et s'y impose depuis avec créativité, panache et modernité.


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