Algérie : grâce à un tube de DJ Snake, le label de raï Disco Maghreb renaît de ses cendres
Label mythique du raï, Disco Maghreb a été un phare de ce genre musical né dans l'Ouest de l'Algérie, avant de tomber aux oubliettes. Depuis peu, il est de nouveau en tête d'affiche, porté par le succès phénoménal du dernier titre de DJ Snake.
Dans les années 1980, le label algérien de raï, Disco Maghreb, a lancé les stars du raï adulées tant dans les cabarets d'Algérie que sur les scènes de Paris ou de Marseille. Oublié pendant longtemps, il est soudainement devenu tendance grâce à la star planétaire franco-algérienne DJ Snake. D'habitude, l'artiste signe des collaborations avec Lady Gaga, Cardi B ou Justin Bieber. Mais cette fois-ci, William Sami Grigahcine aka DJ Snake, 36 ans, élevé en France par une maman algérienne, s'est allié à Boualem Benhaoua, 68 ans, patron de Disco Maghreb.
Cette collaboration a un tel succès que la boutique noire et jaune du label, situé dans le centre d'Oran, sera une étape de la visite samedi en Algérie du président français Emmanuel Macron pour un déplacement qu'il veut axé sur la jeunesse.
Hommage à un lieu mythique du raï
"J'ai beaucoup de souvenirs dans la musique, beaucoup de souvenirs avec les chanteurs de raï, ils sont tous passés par ici", se remémore auprès de l'AFP le patron de Disco Maghreb. Cheb Khaled, Cheb Mami, Cheb Hasni, Cheba Zahouania... Tous y ont enregistré leurs cassettes. Et pour des générations entières, ce nom a incarné un magasin, un éditeur de disques et La Mecque des nostalgiques du raï, dans un pays où la décennie noire des années 1990 a vu son lot de chanteurs assassinés et s'éclipser, sur internet, les genres locaux au profit des musiques occidentales.
DJ Snake dit avoir voulu rendre hommage à un lieu mythique, blotti dans une ruelle d'Oran que beaucoup pensaient oublié de tous. Disco Maghreb, qui mêle rythmes électro et musique raï, avec un magnifique épilogue du "roi" Cheb Khaled sur fond de course de jeunes à mobylette, a été vu plus de 78 millions de fois en deux mois sur YouTube.
"Une lettre d'amour à mon peuple"
Sur son compte Twitter, celui dont plusieurs vidéos dépassent le milliard de vues, écrit avoir imaginé Disco Maghreb comme un "pont entre différentes générations et origines, reliant l'Afrique du Nord, le monde arabe et au-delà...". "C'est une lettre d'amour à mon peuple", affirme l'artiste dont la tournée actuelle va de l'Europe, à l'Amérique du Nord en passant par l'Inde et le Chili.
DJ Snake "n'est pas un simple chanteur, c'est comme quelqu'un de ma famille", assure Boualem Benhaoua. "J'ai trouvé en lui les qualités d'un grand homme, c'est un homme complet, il compatit avec les personnes aux revenus modestes, il a lui-même grandi dans ces conditions", souligne-t-il.
Disco Maghreb va devenir "un lieu de rencontre"
Depuis la sortie du titre, une nouvelle génération afflue pour prendre des selfies sous l'enseigne Disco Maghreb. A l'intérieur, le propriétaire reçoit tout sourire, au milieu des cassettes qui s'empilent sur les étagères de sa boutique, fermée depuis des années et restée dans son jus. Ça et là, les visiteurs peuvent découvrir du matériel audio d'époque qui pourrait figurer dans un musée d'antiquités.
La plupart n'ont jamais eu de cassettes audio entre les mains, mais c'est avec plaisir qu'il prennent des photos avec Boualem Benhaoua et ses vinyles. Nawel, 36 ans, a fait le détour exprès : "On visite Oran et on en profite pour faire un passage ici pour des photos souvenirs", raconte à l'AFP cette pilote de ligne. "C'est un endroit emblématique de l'Oranie et avec le dernier clip de DJ Snake, ça lui a donné encore plus d'écho", explique-t-elle. Pour de nombreux internautes, DJ Snake a fait, avec un seul clip, une bien meilleure promotion de la destination Algérie que ne le feront jamais les professionnels du secteur.
Et pour préparer une nouvelle génération de Cheb Khaled, de DJ Snake et autre Cheb Mami, Disco Maghreb est bien décidé à en finir avec sa longue traversée du désert. La boutique oranaise "va devenir un lieu de rencontre pour les artistes, pour découvrir de nouveaux talents", indique enfin Boualem Benhaoua.
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