Benjamin Biolay, à l'occasion de la sortie de Volver, son nouvel album : "Sans métissage la chanson française est foutue"
Un an après "Palermo Hollywood", le nouvel album de Benjamin Biolay sort vendredi. "Volver" est chassé-croisé entre Paris, Rome et Buenos Aires. Entretien.
L'aventure argentine de Benjamin Biolay se poursuit. Un an après Palermo Hollywood, pour lequel il a obtenu sa quatrième victoire de la musique le 10 février dernier, le dernier album du chanteur sort vendredi 19 mai. Intitulé Volver, ce disque entre lumière et mélancolie est porté par la voix suave et profonde d'un chanteur infatigable et touche-à-tout.
franceinfo : Cela fait plus de dix ans que vous vous rendez régulièrement en Argentine. Comment cette expérience a-t-elle donné une ampleur nouvelle à votre travail ?
Benjamin Biolay : Pour une fois, je ne me suis pas censuré quand j'ai décidé d'aller faire ce disque en Argentine. Parce qu'au début, cela ne fait planer personne. Ce n'est pas le Brésil, la Colombie, ni la Jamaïque. L'Argentine, pour les gens, cela n'évoque rien. Pour ceux qui ne connaissent pas, je comprends. Ce qui m'aidait beaucoup, c'était d'être dans un pays où personne ne bitait un mot de ce que je chantais. C'est très libérateur. Les gens comprennent quelques mots mais s'il y a un sens caché, laisse tomber ! Ce n'est pas comme en France où, quand on se met à chanter, on se dépoile un peu. Là-bas, parfois, ils me demandaient ce que je chantais et je leur disais : "Des conneries". Être un artiste d'une autre culture et le sentir dans les yeux des autres, c'est marrant.
Cet album, Volver, est annoncé comme étant le second volet de Palermo Hollywood...
Je vais employer un mot un peu pédant, c'est un diptyque. C'est-à-dire que ce sont deux choses qui peuvent se regarder ou s'écouter dans la même situation ou le même état d'esprit, mais ce sont deux albums qui n'ont pas d'autre lien que l'Argentine. Il y a toujours des moments sur les albums où j'essaie des choses complètement loufoques pour faire marrer les autres, ou pour me faire marrer. Hypertranquille c'était pour amuser ma fille qui est fan de hip-hop français. J'aime que ce soit ludique, j'aime m'amuser, sinon c'est très pénible.
Comme sur votre précédent album, vous invitez des artistes et des musiciens argentins, tous styles confondus, avec également la participation de Chiara Mastroianni et Catherine Deneuve. C'était important pour vous ce chassé-croisé musical entre Paris, Rome et Buenos Aires ?
L'Argentine est un pays qui est à l'autre bout du monde mais qui est peuplé d'émigrés européens. Dans la matrice argentine, il y a peut-être 30% de gens d'origine italienne. Dans la culture, dans la nourriture, dans la langue, on le sent énormément. Regardez, le président s'appelle Macri et le pape s'appelle Bergoglio. Il est d'origine italienne, lui aussi. On les appelle les "Tanos", de "los Napolitanos". Certains disent que ce sont des Italiens qui parlent espagnol et qui se prennent pour des Anglais.
Dans la musique argentine, il n'y a pas que le tango. Même les rockers argentins mythiques comme Gustavo Cerati, Charly García, Luis Alberto Spinetta ou Andrés Calamaro, font des chansons qui sont tristes, qui font pleurer les gens, même si elles sont rythmées. Le groupe de Gustavo Cerati, Soda Stereo, qui était un trio et qui a été numéro un dans toute l'Amérique latine, faisait danser des gens en pleurant. Il y avait ce truc, un peu comme les Smiths. Morrissey [le chanteur des Smiths] pourrait être Argentin, comme Charles Aznavour.
Sans métissage, la chanson française est foutue. Elle tourne à vide quand elle est sur ses propres influences. On l'a vu avec certains artistes qui ont fait des trucs qui ressemblaient vraiment à de la chanson française, qui avaient l'air parfait, mais qui n'intéressaient personne parce que c'était presque de l'anthropophagie. Les artistes que j'adore sont ceux qui se sont inspirés des Américains, comme Trenet, Bécaud, Aznavour ; comme Gainsbourg, qui allait voir les Anglais, les Jamaïcains, qui allait à Nassau et qui a fait un album avec des percussions africaines ; comme Bernard Lavilliers, qui a fait de la salsa, qui a fait du reggae, qui a enregistré à Kingston, à la Havane etc. Tous les rappeurs s'inspirent d'une musique qui vient des États-Unis : le hip-hop ne vient pas de France. La société français n'en est pas forcément consciente mais elle a toujours été ouverte sur les autres et a toujours pris la crème de la crème de l'ailleurs pour créer la crème de la crème de la France.
Benjamin Biolay, Volver. Album disponible. En concert le 19 juin aux Nuits de Fourvière à Lyon et le 16 juillet aux Francofolies de la Rochelle
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