On vous résume l'enquête autour de la mort de Krisztina Rady, l'ancienne compagne de Bertrand Cantat
La justice avait conclu au suicide, mais une plainte met en cause le comportement violent de l'ancien chanteur de Noir Désir.
Une nouvelle plainte relance l'affaire Krisztina Rady, retrouvée morte le 3 janvier 2010 à son domicile. Le parquet de Bordeaux a confirmé, lundi 4 juin, la réouverture de l'enquête sur le décès de l'ancienne compagne de Bertrand Cantat, pour vérifier "des éléments" transmis par une avocate et présidente d'une association féministe.
De quoi inquiéter l'ancien chanteur de Noir Désir ? "Ça ne devrait pas remettre en question la première enquête (...) qui avait donné lieu à un classement sans suite pour absence d'infraction", a expliqué à l'AFP la procureure Marie-Madeleine Alliot. L'avocat de l'artiste assure qu'il demande à être entendu depuis plusieurs semaines dans ce dossier, que l'on vous résume ici.
Qui était Krisztina Rady ?
Agée de 41 ans, l'interprète de formation, femme de lettres, de théâtre et traductrice était l'ancienne compagne de Bertrand Cantat. Elle avait rencontré le chanteur en 1993 et le couple s'était marié en 1997. Les époux s'étaient séparés peu après la naissance de leur fille en 2002. A cette période, Bertrand Cantat avait commencé à fréquenter l'actrice Marie Trintignant.
Krisztina Rady avait apporté son soutien au chanteur de Noir Désir lorsque celui-ci avait été poursuivi et condamné le 24 mars 2004, à huit ans de prison par un tribunal lituanien, pour avoir tué Marie Trintignant en lui portant de multiples coups. Elle avait notamment affirmé : "Je n'ai jamais subi de violences de la part de Bertrand."
Bertrand Cantat, transféré en France pour y purger la fin de sa peine, a été libéré en octobre 2007 pour bonne conduite. A sa sortie de prison, il s'est réinstallé avec Krisztina Rady et leurs deux enfants dans leur propriété de Moustey, dans les Landes. Le Point indique que le couple entretient alors une relation "libre".
Qu'avait conclu l'enquête sur sa mort ?
Le 10 janvier 2010, Krisztina Radi est retrouvée morte à son domicile. "Selon les premières constatations confirmées par certains éléments techniques, le décès est dû à un suicide par pendaison", avait expliqué à l'AFP une source proche de l'enquête. Une autopsie pratiquée au lendemain du décès a confirmé cette version.
KrisztinaRady a "laissé un mot, dont la teneur a été réservée à la famille, pour expliquer son geste", avait expliqué le parquet qui "confirme l'absence d'intervention d'un tiers et que la cause du décès est une asphyxie due à la pendaison".
Le chanteur de Noir Désir avait été auditionné à l'époque. "Il a été entendu de façon tout à fait classique comme après tout suicide", avait confirmé son avocat de l'époque, Olivier Metzner.
Pourquoi Bertrand Cantat a-t-il alors été pointé du doigt ?
La famille de Krisztina Rady ainsi que son ancien compagnon accusent Bertrand Cantat d'avoir eu, pendant de nombreuses années, un comportement violent à l'égard de son ancienne compagne. "D'une certaine manière, il la terrorisait. Il avait plusieurs fois cassé ses téléphones, ses lunettes. Il menaçait les hommes qui l'approchaient, il lui avait même cassé le coude", témoignaient ses parents, Csilla et Ferenc Rady, dans Paris Match en 2013.
Elle était prête à tout pour lui, jusqu'à pardonner sa violence.
Csilla et Ferenc Radydans "Paris Match"
Yael Mellul, avocate spécialiste des violences faites aux femmes et présidente de l'association féministe Femme et libre, s'est penchée sur l'affaire en août 2013. Elle estime que l'enquête, qui a conclu au suicide, a été menée trop rapidement. "Le juge d'application des peines [qui a autorisé la remise en liberté de Bertrand Cantat] n'a même pas été entendu. Et pourtant, à l'époque, il était encore soumis à des obligations à son égard : à la moindre plainte pour violence conjugale, c'était retour à la case prison", soulignait-elle.
Ne représentant aucune des parties, elle affirmait agir "en tant que militante". L'avocate se fondait notamment à l'époque sur le livre L'Amour à la mort (éd. L'Archipel), publié en juin 2013. Ses auteurs, Frédéric Vézard et Stéphane Bouchet, y dévoilaient la transcription d'un message téléphonique que Krisztina Rady aurait laissé à ses parents en juillet 2009 dans lequel elle présente Bertrand Cantat comme violent, voire "fou" et dit qu'elle "songe à s'enfuir".
À l'examen très attentif de ce message, on voit que pour elle, la seule issue c'est le suicide.
Yael Mellul
Invoquant l'article 222-7 du Code Civil, qui réprime "les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner", l'avocate souhaitait faire reconnaître la notion de "suicide forcé" par des violences psychologiques.
Quelles suites ont été données à cette affaire ?
Si les parents de Krisztina Rady s'étaient "désolidarisés totalement" de l'initiative de l'avocate, son ex-compagnon François Saubadu avait apporté son soutien à Yael Mellul. Ce dernier l'avait alors mandatée pour demander à la justice des pièces du dossier. Dans une interview accordée à VSD en août 2013, il affirmait avoir de nouveaux éléments à apporter à la justice, et évoquait la "terreur psychologique" exercée par Bertrand Cantat sur son ex-compagne.
En novembre 2013, Yael Mellul avait demandé la réouverture de l'enquête et annoncé avoir saisi le Parlement européen, par le biais de la Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres, afin que "la question du suicide forcé soit posée à la Commission européenne". En décembre, François Saubadu était entendu par la justice. "Il a produit des éléments. On est en train de les vérifier", avait confirmé le parquet, tout en précisant que "l'enquête principale" n'était pas rouverte.
Selon des sources proches du dossier, l'ex-compagnon avait notamment remis à la justice l'original du CD contenant l'enregistrement du message téléphonique laissé par Krisztina Raudy à ses parents, des lettres à son intention signée par la mère de celle-ci, ainsi qu'une lettre d'amour que lui a adressée cette dernière. Et finalement, l'avocate Yael Mellul avait porté plainte, par la voix de son association Femme et libre en avril 2014, pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
L'avocat de Bertrand Cantat, Aurélien Hamelle, dénonçait une plainte "totalement indécente et infondée", accusant sa consœur de "se servir de cette plainte comme d'une tribune pour la cause féministe" et de "mener une croisade politique et judiciaire aux dépens de Bertrand Cantat". La justice avait finalement classé cette plainte sans suite, "pour absence d'infraction".
Pourquoi une nouvelle plainte a-t-elle été déposée ?
En novembre 2017, l'hebdomadaire Le Point (article payant) publie une enquête sur "l'omerta" autour de Bertrand Cantat. L'article s'appuie notamment sur le témoignage anonyme d'un des quatre membres de Noir Désir qui affirme que Krisztina Rady avait menti au moment du procès du chanteur, demandant aux membres du groupe de cacher ce qu'ils savaient afin que ses enfants ne découvrent pas "que leur père était un homme violent". "Nous avons tous décidé de mentir. Nous étions tous sous son emprise", explique le membre du groupe cité par Le Point. Plusieurs sources interrogées par l'hebdomadaire témoignent aussi de comportements violents du chanteur à l'encontre de Krisztina Rady.
Des propos contestés par deux anciens de Noir Désir, le batteur Denis Barthe et le bassiste Jean-Paul Roy. "Cet article fait état d'un mystérieux membre de Noir Désir qui s'exprimerait sous couvert d'anonymat. Nous sommes clairement mis en cause dans ces propos. Nous réfutons totalement ce qui a été dit", a réagi le batteur dans une vidéo publiée sur Facebook. L'avocat de Bertrand Cantat, Antonin Lévy, avait annoncé le 1er décembre l'intention de son client de porter plainte contre le magazine pour "diffamation ou injure".
Qu'a décidé la justice après cette plainte ?
S'appuyant sur ces nouveaux éléments, l'avocate Yael Mellul a décidé de porter plainte à nouveau, toujours pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner". La justice a donc décidé d'ouvrir une nouvelle enquête préliminaire, après avoir entendu la plaignante, révèle Le Journal du dimanche dans son édition du 3 juin.
La procureure a précisé que les éléments apportés par la plaignante étaient "déjà portés à la connaissance du grand public dans la presse nationale" qu'il allait falloir vérifier. "Mais ça ne devrait pas remettre en question la première enquête qui a déjà eu lieu et qui avait donné lieu à un classement sans suite", a précisé le parquet. Selon Yael Mellul, il s'agit de messages qu'elle a échangés sur internet avec "la compagne d'un ancien membre de Noir Désir", allant dans le même sens que les précédentes accusations rapportées par Le Point, en 2017.
De son côté, l'avocat de Bertrand Cantat, Antonin Lévy, assure à franceinfo que le chanteur "demande depuis des semaines à être entendu" dans cette affaire. "Cette énième plainte est fondée sur des mensonges et sera classée sans suite, comme toutes les précédentes", a-t-il réagi, soulignant que "même la famille de Krisztina, pourtant première concernée, ne soutient pas cet acharnement".
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