Beyoncé sujet d'étude à Normale Sup : "C'est tout un phénomène culturel"
Beyoncé au programme de l'ENS ! La prestigieuse École normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris a organisé jeudi un séminaire créé par des étudiants de l'école, consacré à la superstar américaine.
"Beyoncé : nuances d'une icône culturelle". Ouvert à tous, le séminaire a attiré 150 fans, plutôt jeunes, étudiants ou actifs, curieux de voir ce que les sociologues, philosophes, intellectuels peuvent dire de l'artiste. Première séance jeudi 24 novembre. Il en reste encore cinq jusqu'au début du mois de février.
"On vit avec Beyoncé, qu'est-ce que cela dit ?, interroge Richard Mémeteau, philosophe de la pop culture, et intervenant lors de cette première séance du séminaire consacré à l'artiste. Qu'est-ce qu'elle représente dans l'ensemble de la culture, y compris dans les cultures les plus institutionnelles, transmises à l'ENS ?"
"Phénomène culturel"
Richard Mémeteau le précise tout de suite face aux quelque 150 curieux, une assistance surtout composée de fans de l'artiste, que lui n'en est pas un. "Je ne vais pas adopter une attitude de surplomb intellectuel face à ce qu'elle représente, et dire aux fans qui la consomment, en tant que produit culturel, comment ils doivent le faire, se défend-il. "Un fan comprendra mieux que moi sa dimension artistique. Je suis là pour parler de ses dimensions culturelles et politiques."
Victor Kandelaft, lui, est fan de Beyoncé. "Il s'agit de voir en fait ce qui est passionnant avec Beyoncé comme avec toute pop star et superstar", explique-t-il. C'est d'ailleurs pour cela que l’étudiant de Normale Sup' a créé ce séminaire. "Je m'intéresse au rôle d'influence culturelle qu'elle représente, précise-t-il, Le but n'étant pas de l'aduler ou la déboulonner, mais de voir en quoi, comme tout phénomène culturel, elle révèle une certaine complexité."
Complexité et richesse des références qu'elle convoque. Comme dans son clip tourné au musée du Louvre, où elle chante notamment devant les tableaux Le radeau de la méduse et Le sacre de Napoléon. Ou encore dans une vidéo publiée sur Instagram, où elle se réapproprie le célèbre tube Vogue de Madonna, en transformant les paroles et en citant des artistes noires qui l'ont inspirée, là où Madonna rendait hommage à d'autres artistes dans la version originale. Queen B, la reine Beyoncé, et ses engagements, féministes, afroféministes, son soutien au mouvement Black Lives Matter, seront aussi étudiés durant les six séances du séminaire.
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Icône féminine noire
Johanna, cheffe de projet dans le digital, est dans les premiers rangs et prend des notes. "Ce n'est pas juste quelqu'un qui bouge ses fesses. C'est tout un phénomène culturel." Elle assiste à ce séminaire "d'abord en tant que fan".
"Moi, je suis née dans les années 1980. La vision de la femme était beaucoup plus limitée. Quand elle est arrivée, elle me ressemblait et elle avait du succès. C'est pour cela que je trouve que c’est une personnalité intéressante à étudier aujourd’hui."
Johanna, cheffe de projetà franceinfo
Il était logique que l'ENS se penche sur Beyoncé, selon Valentine Truchard, une des étudiantes de Normale Sup’ qui co-anime le séminaire. "Le chercheur se pose des questions sur le monde dans lequel il vit aujourd'hui, comme sur le monde d'hier, souligne-t-elle, Ce qui nous intéresse, c'est de faire dialoguer passé et présent."
"En faisant dialoguer le travail de Roland Barthes sur le mythe ou encore celui de Pierre Bourdieu sur la culture légitime avec Beyoncé, cela permet d'apporter quelque chose de nouveau, d'enrichir le savoir."
Valentine Truchard, étudianteà franceinfo
L'école les a totalement soutenus dans leur projet. Nadeije Laneyrie Dagen est la directrice du département des arts. Elle rappelle que l'ENS a déjà organisé un séminaire d'étudiants sur le rap il y a quelques années, et se dit "presque offusquée" qu'on s'étonne de l'organisation de ce séminaire sur Beyoncé dans ce qui peut être vu comme "un temple patrimonial de notre société".
"Bousculer les enseignements"
"Si les étudiants ne s'occupent pas, ne s'intéressent pas à leur époque, alors cela ne sert à rien d’enseigner quoi que ce soit", insiste-t-elle. "À l'ENS, nous sommes là pour faire des liens entre la haute culture, si tant est que cela signifie quelque chose, et la société d'aujourd'hui."
"Ce sont des normaliens et ils font évoluer cette institution selon leur génération. Et puis, ils nous bousculent, nous secouent dans nos enseignements. Et c'est très bien comme ça !"
Nadeije Laneyrie Dagen, directrice du département des artsà franceinfo
Dans d’autres écoles, en revanche, des rigidités persistent. Dans le public, Lola, étudiante en master 2 dans une école de commerce, doit réaliser un mémoire de fin d'études. "Je souhaite le faire sur la place et l'image des femmes dans l'industrie musicale. Beyoncé est un très bon exemple pour mes recherches, et donc ce séminaire me sera très utile", précise-t-elle. "Cela m'aidera aussi, je l'espère, à légitimer, crédibiliser l'intérêt de mon mémoire auprès de mon directeur de mémoire. Pour l'instant, il ne valide pas mon sujet."
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