On a écouté l'album "Cowboy Carter" : Beyoncé revient à ses origines texanes et s'approprie la country

Le très attendu "Cowboy Carter" sort enfin. Queen Bey raconte une histoire. Celle d'une femme noire qui, avec ses sonorités R&B, pop et hip-hop, voyage dans les origines de la country, et dans sa propre vie.
Article rédigé par Yemcel Sadou
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
La chanteuse américaine Beyoncé sort son nouvel album "Cowboy Carter" aux sonorités country. (PARKWOOD ENTERTAINMENT)

Parti pour devenir l’album de l’année, Cowboy Carter qui sort vendredi 29 mars, rafraîchit la musique country avec des sonorités R&B, pop et hip-hop. Beyoncé invente son propre sous-genre et donne des leçons d’histoire entre percussions et hommage aux pionniers.

"Pour que les choses restent les mêmes, elles doivent changer à nouveau". Beyoncé salue son "vieil ami", la country, en ouverture de son nouvel album. Cette première chanson porte un titre fort, Ameriican Requiem, une prière en musique se remémorant les âmes des artistes noirs défunts, pionniers du genre. "Amen". Le ton est solennel, la reine de l’industrie musicale rappelle ses origines.

Dolly Parton et Miley Cyrus

Née à Houston au Texas, ville du sud des Etats-Unis où la country s’est développée, Beyoncé a grandi avec les sonorités du genre. Et ce n’est pas la première fois qu'elle s’y attaque. En 2016 elle sortait Daddy Lessons, pour son album Lemonade. Elle performe le titre la même année aux Country Music Awards et reçoit une vague de critiques racistes. "Puis le rejet est arrivé, ils ont dit que je n’étais ‘pas assez country’", fustige-t-elle en introduction de l’album.

Fidèle au genre dans lequel se raconter est obligatoire, Beyoncé fait son introspection, parle de ses doutes, de ses combats et des difficultés qu’elle parvient à surmonter. Elle évoque les défis qui l’ont poussée à se réapproprier le genre. Cet album est le second d’une trilogie débutée en 2022 avec l’album Renaissance. Beyoncé se réapproprie avec ce projet en trois actes les genres musicaux nés grâce aux artistes noirs. Après la house, place à la country, qui puise dans les racines afro-américaines.

Plus question que les Noirs soient tenus à l’écart de la country contemporaine. Beyoncé veut rassembler les artistes d'hier et d'aujourd'hui. Elle laisse la légende Willie Nelson se transformer en animateur radio. Il ponctue l’album d’interludes. "Bienvenue à l’heure de la fumette sur KNTRY Radio Texas". Un hommage aux émissions populaires consacrées à la musique country qui se multiplièrent dans les années 30. L’album est jonché de collaborations avec des artistes mordus de country. On retrouve Miley Cyrus, Post Malone, Shaboozey et les jeunes prodiges du genre, Willie Jones et Tanner Adell.

C’est surtout deux reprises de titres inoubliables qui interpellent. D’abord celle du mémorable Jolene de Dolly Parton. Beyoncé change les paroles de ce classique de 1973. Outre le refrain incontournable dans lequel Dolly Parton implore Jolene de ne lui pas voler son amoureux, Beyoncé rappelle tout de même qu’elle est une "queen" et une "banjee créole de Louisiane"

On note aussi les sous-entendus multiples à sa relation avec Jay-Z et à l’adultère présumé de celui-ci, largement distillé dans l’album Lemonade. Une reprise néanmoins timide qui ne parvient pas à la hauteur de l'originale.

Autre adaptation, celle de Blackbird des Beatles. Beyoncé constitue un nouveau groupe composé des espoirs du genre, les nouvelles femmes noires de la country. On retrouve les cœurs harmonieux de Reyna Roberts, Brittney Spencer et Tiera Kennedy, et le doux couplet de Tanner Adell, fraîchement arrivée dans la scène country.

"Vrai son du pays"

"Cette chanson particulière s'étend sur toute une gamme de genres. Et c'est ce qui en fait une expérience d'écoute unique."

Au tour de Linda Carter, première artiste féminine noire à obtenir un succès commercial dans la country, de s’improviser animatrice. Elle introduit l’ultra dansant Ya Ya qui reprend les paroles du tube à succès Good Vibrations (1966), des Beach Boys. La version de Beyoncé invite plutôt à twerker et à se déhancher sans vergogne.

L’excellent Riiverdance invite aussi à la danse, cette fois country et "sans les mains", avec des notes de banjo en version électronique. Cet instrument fait partie de ceux apportés par les esclaves africains déportés aux Amériques et aux Caraïbes dans les années 1600.

Beyoncé s’amuse à mélanger les genres. Elle se laisse aller à un rap effréné dans le titre Spaghettii ou revient au sacré avec les notes de gospel immaculées de Just For Fun

Honky tonk, rockabilly, country blues ou pop… On ne compte plus les multiples sous-genres de la country et Beyoncé s’inspire de chacun d’eux dans ses 23 morceaux. À travers ses ballades comme l’émouvant titre lyrique Daughter ou la pop entraînante de Bodyguard, Beyoncé partage des valeurs sociales, familiales voire religieuses, mais surtout populaires.

Elle propose une expérience musicale millimétrée où chaque chanson a une place minutieuse, complète la précédente et raconte une histoire. Celle d'une femme noire qui voyage dans les origines de la country et dans sa propre vie.

"La country-music est un peu comme le blues… Elle est simple, honnête. J'aime ce vrai son du pays, cette pureté en elle… Nous ne devrions jamais délaisser ce son, ces mélodies de nos collines et de nos montagnes." Les mots justes de Ray Charles, le chanteur noir du légendaire I Can't Stop Loving You (1962), résonnent encore 62 ans plus tard avec la musique de Queen Bey. Après cet album, la country ne risque pas d'être délaissée.

"Cowboy Carter", le nouvel album de Beyoncé est disponible sur toutes les plateformes musicales

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