"Cette édition virtuelle est née de l’intelligence collective" : la directrice de We Love Green raconte la réinvention du festival en mode digital
Privé de bois de Vincennes en raison de la pandémie, le festival parisien We Love Green se réinvente provisoirement sur internet ce week-end avec une édition 100% digitale et des concerts à suivre sur Culturebox. Nous avons parlé à sa directrice Marie Sabot.
Le festival parisien éco-responsable We Love Green, qui avait réuni 80 000 personnes l’an passé au Bois de Vincennes lors de sa 8e édition, a dû jeter l’éponge comme bien d’autres cette année en raison de la pandémie. Mais l’événement propose néanmoins ce week-end une jolie programmation sur internet, mêlant comme dans le vrai festival concerts, débats et réflexions sur l’avenir de la planète. Toutes choses que l’on pourra savourer devant son écran et pourquoi pas entre amis, en dégustant un menu spécial concocté par des chefs à la fibre bio, tel l'engagé Bertrand Grébaut de Septime.
Marie Sabot, co-directrice du festival We Love Green, revient pour nous sur les mois de doutes et de fructueux échanges qui ont mené à cette édition en ligne. Elle détaille également les festivités du week-end et trace quelques pistes pour le futur. Un futur encore et toujours vert.
Catherine Ringer chante les Rita Mitsouko pour We Love Green en ligne 2020
Vous avez été parmi les derniers à annoncer l’annulation de l’édition 2020 de We Love Green. Cela a été difficile d’abandonner la partie ?
Marie Sabot : Le chemin a été long avant d’aboutir à l’annulation. Mais dès la fin février nous avons compris que les assureurs avaient exclu la pandémie de nos contrats d’annulation et que nous ne toucherions pas un centime. La structuration d’un festival comme le nôtre, c’est cinq semaines de montage en extérieur, on construit une ville. A ce moment là, l’atelier déco était déjà en action, la scénographie était en train d’être construite donc on a compris qu’il allait falloir devancer les mauvaises nouvelles parce qu’on serait sans filet.
Dès la fin février nos bureaux ont fermé pour protéger nos équipes et nous avons alors travaillé durant un mois à un projet de festival différent, reporté à courant septembre. Mais le risque nous a fait jeter l’éponge : sur un budget total de 8 millions, nous avions déjà engagé un million d’euros, nous ne pouvions pas prendre le risque d’en dépenser deux ou trois de plus en risquant une nouvelle annulation au 15 août. Nous n’aurions jamais pu nous en relever.
Comment est née cette idée d’édition virtuelle ?
Nous avons beaucoup travaillé en période de confinement. Après avoir renoncé à reporter le festival, je crois que j’ai dû faire au moins deux visio-conférences par jour avec des festivals français et internationaux. Nous avons énormément échangé sur comment se réinventer, trouver des financements et des solutions. L’idée de l’édition virtuelle est née de cet énorme brainstorming et de l’intelligence collective. Mais c’est vraiment notre équipe, une équipe en or que je remercie du fond du coeur, qui a rendu possible cette édition digitale. Dans cette petite famille, une quinzaine de permanents à l’année rejoints par une quarantaine de personnes de janvier à juin, tout le monde a apporté ses idées, ses contacts, une vraie fourmilière.
Quels sont les points forts musicaux de cette édition 100% internet?
D’abord nous avons la master piece sur Culturebox avec Catherine Ringer, filmée dans un cadre champêtre au Parc Floral, ouvert exceptionnellement pour nous par la Mairie de Paris. Nous avons aussi trois sessions des groupes Lous and the Yakuza, Saint DX et Crystal Murray (disponibles dimanche 7 juin à 10h). Et trois soirées spéciales sur France Inter avec des rediffusions de concerts de Courtney Barnett, Beck et Metronomy, ainsi qu’un live inédit de Rone. Plusieurs sessions DJ de collectifs électroniques parisiens animeront le dance-floor. Ils ont été filmés dans différents lieux comme Le Petit Palace ou La Bellevilloise, presque sans public mais dans un esprit de fête proche du Boiler Room.
Et côté conférences et échanges autour de la question environnementale ?
Nous venons de confirmer une table ronde entre Bertrand Badré, ancien directeur de la Banque Mondiale, et Pascal Canfin, député européen chargé du Green Deal. On va entrer dans le dur, on va parler finances : que se passe-t-il ? Où sont les lobbys ? Nous aurons aussi la militante écologiste indienne Vandana Shiva, en direct de New Delhi, et l’astrophysicien Aurélien Barrau (qui plaide pour une révolution écologique ndlr). Ils discuteront ensemble à distance avec un journaliste sur des sujets sur lesquels nous nous sommes accordés. C’est une première. Nous aurons aussi des interventions de Live Magazine, avec plusieurs vidéos de récits vécus et haletants écrits par des journalistes et des auteurs. Par exemple on va vous raconter en 10 minutes comment un journaliste a parcouru l’Afrique et rencontré tous ces gamins qui fabriquent des ballons de foot avec tout ce qu’ils trouvent et réalisent des championnats incroyables.
Qu’est ce que cette crise du Covid-19 vous a appris en tant qu’organisatrice de festival ?
La première chose que cela m’a appris c’est l’extraordinaire réactivité de notre équipe. Elle nous a permis de rebondir dans différentes directions en nous accrochant aux rêves de chacun. Cette énergie est énorme. Elle te donne la foi. Elle conjure l’abattement. Celle des festivals est également remarquable : on ne s’est jamais sentis aussi connectés entre festivals. Il y a eu une connexion très forte de tout ce milieu de la culture qui est à la fois très fragile et constitué de gens ultra passionnés. Cela m’a donné envie d’explorer d’autres métiers. Durant toute cette période de réflexion, nous avons eu énormément de propositions intéressantes, de lieux, de projets, de conférences, de sessions live. De fil en aiguille, on s’est dit qu’on allait continuer toute l’année. Nous allons étudier toutes ces idées et faire le tri mais je pense que nous allons devenir polymorphes et continuer à avancer avec toutes ces initiatives de façon pérenne. Avec bien sûr le festival au cœur du projet parce qu’il nous tient énormément à cœur et que c’est le nerf de la guerre.
Etes vous confiante pour l’édition 2021 de We Love Green?
Je suis confiante parce que les artistes sont là, qu’ils ont envie de jouer et qu’on avait de très belles propositions cette année. Cinquante pour cent au moins de la programmation prévue à l’origine en 2020 sera là en 2021. Mais il y aura d’autres surprises actuellement en discussion. Même si nous voulons nous ouvrir à de nouveaux projets, toujours sur le thème de l’écologie, tellement crucial à l’heure actuelle, on est shootés à l’adrénaline du live parce qu’on monte, on démonte, on disparaît, et ça c’est quelque chose qu’on ne nous enlèvera pas. Mais les talents de nos équipes sont très diversifiés et on se sent désormais légitimes pour aller explorer d’autres sujets et d’autres formats.
L'édition digitale 2020 de We Love Green prévue jusqu'au dimanche 7 juin vous est présentée dans cet article. Vous pouvez retrouver le détail de la programmation ici et démarrer votre tour du propriétaire par là.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.