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Charles Aznavour, le chanteur qui défiait les tabous

Au cours de sa longue carrière musicale, chantant à la première personne, Charles Aznavour a endossé de multiples habits : l'homosexuel travesti, le proxénète, le mari trompé et même l'homme séduisant une fille de 16 ans. Avant-gardiste, Charles Aznavour n'a jamais hésité à évoquer des thèmes dont on ne parlait pas, quitte à être accusé d'obscénité et parfois même censuré.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Charles Aznavour en 1974
 (Grylla / Sipa)

Charles Aznavour "a abordé des thèmes sociaux extrêmement importants à une époque où les chanteurs (...) chantent des amourettes", a souligné l'auteur-interprète Benjamin Biolay. Il "a chanté des chansons que ne pouvaient pas chanter les autres (...), il écrivait des textes trop crus", a affirmé se son côté à l'AFP Bertrand Dicale, spécialiste de la chanson française.

Sujet : N. Lemarignier, M. Bitton  


1
L'homosexualité
"Nul n'a le droit en vérité/ De me blamer, de me juger/ Et je précise/ Que c'est bien la nature qui/ est seule responsable si/ je suis un homo, comme ils disent..." En 1972, la chanson "Comme ils disent" sort à une époque où les homosexuels font l'objet de lois discriminatoires en France et où faire son coming-out est tout simplement impensable. C'est la première chanson en France à aborder ce thème tabou avec empathie. "Je me suis dit que jusqu'ici toutes les chansons qu'on a faites sur l'homosexualité étaient de petites rigolades", avait confié son auteur, affirmant qu'il avait voulu "une chanson tout à fait normale". À l'époque, cette chanson chantée par une star internationale, artiste très apprécié des femmes, laisse sans voix un grand nombre d'auditeurs, jusqu'à ses amis homosexuels.

Reportage : M. Berrurier, N. El Andaloussi, P. Desmulie

2
L'érotisme
Cette chanson ne choquerait pas grand-monde aujourd'hui. Pourtant, en 1955, "Après l'amour", qui dépeint le tableau d'un couple encore au lit, "quand nos corps se détendent, quand nos souffles sont courts", est jugée trop érotique. "Tu glisses tes doigts/ Par ma chemise entr'ouverte", dit encore le texte... Le titre est immédiatement censuré. Soixante ans plus tard, dans son dernier album "Encores" (2015), le chanteur alors âgé de 91 ans chante des textes tout aussi charnels : "J'aime l'odeur de tes aisselles", ose-t-il dans "Des ténèbres à la lumière". Dans ses chansons, Aznavour "ne disait jamais +tu es belle+, il dit +j'ai envie de toi+ (...) Il se construit cette réputation de chanteur sulfureux, qui va très loin", souligne Bertrand Dicale.
3
L'adultère
"Je veux te dire Adieu", une chanson écrite par Gilbert Bécaud, heurte les oreilles pudibondes du public de 1956, d'autant plus que la chanson, au texte empreint d'une sensualité et d'un érotisme assumés, parle d'adultère : "Puisque un autre que moi peut arracher tes plaintes/ Faisant jaillir de toi des râles et des mots", chante-t-il avant d'être, là encore, frappé de censure.
4
La prostitution
"Moi j'fais mon rond..." Dans un argot parisien, Charles Aznavour se plaît à chanter en 1956 les détails de la vie d'un maquereau : "Dans une abbaye de s'offre à tous" (maison close), il parle de sa "mistonne" (jeune femme) qui "fait son boulonnage" (travail)...
5
Entre des adultes et des mineurs
"Donne tes seize ans" : le titre de 1963 est sans équivoque. De nos jours, cette chanson aurait valu à Charles Aznavour d'être cloué au pilori sur les réseaux sociaux. Le chanteur s'adresse à un "cœur d'enfant" et lui dit que "le chemin des amants est le seul qu'il faut suivre".

"Mourir d'aimer" : en 1971, cette chanson, qui fait partie des classiques de Charles Aznavour, est tirée du film du même nom et inspirée par l'affaire Gabrielle Russier, une enseignante qui s'était suicidée après avoir eu une relation avec un élève mineur.
6
Le Génocide arménien
Vingt-six ans avant la reconnaissance officielle en France du Génocide des Arméniens de 1915, Charles Aznavour, lui-même d'origine arménienne, chante "Ils sont tombés" (1975), évoquant ce massacre qui "les a frappés sans demander leur âge/ Puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants d'Arménie".
7
La misogynie
Critiquée pour son ton misogyne et moralisateur envers les femmes, la chanson "Tu t'laisses aller" (1960) est interdite dans des pays comme l'Allemagne. Aznavour en écrit des années plus tard une version "féminine", chantée par Line Renaud et Annie Cordy (cette dernière avait joué le jeu d'un duo acerbe dans l'émission "Top à Charles Aznavour" en 1973).

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