Charles Aznavour, mentor et conseiller de générations d'artistes
Aznavour n'avait jamais oublié qu'avant de donner, dans sa jeunesse, il avait reçu. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il rencontre Charles Trenet et Edith Piaf, et cette dernière le prend sous son aile. Il écrit pour "la Môme" mais aussi pour Juliette Gréco, Maurice Chevalier... Mais il doit attendre une quinzaine d'années pour rencontrer le succès avec "Sur ma vie" puis "Je m'voyais déjà".
Arrivé au zénith de la chanson française à 35 ans passés, il restera proche des jeunes générations durant près de soixante ans, jusqu'à la fin de sa vie. En 1961, Aznavour fait cadeau de "Retiens la nuit" à Johnny Hallyday. "Il donne à un yéyé une chanson qui va lui permettre de toucher des quadragénaires", souligne auprès de l'AFP le journaliste Bertrand Dicale. "C'est aussi lui qui conseille à Johnny de ne plus raconter sa jeunesse américaine fantasmée." Voyant qu'il ne sait pas monter à cheval, Aznavour lui dit de "ne jamais mentir au public".
"Il m'a redonné le moral", se souvient Michel Sardou
Michel Sardou doit aussi beaucoup à Aznavour. "Charles était un ami, un conseiller, un père", témoigne auprès de l'AFP l'auteur de "La Maladie d'amour". "Nous n'avons jamais collaboré ensemble, mais il m'a suivi, il m'a corrigé. Il m'a redonné le moral." "Lors de mon premier récital à l'Olympia, je m'étais fait assassiner par la critique, à juste titre, car je n'avais pas le répertoire pour", raconte Michel Sardou. "Il était venu me voir en loges, avec un gros livre où il avait regroupé toutes les mauvaises critiques qu'il avait reçues. Il m'a dit : Tu lis ça ce soir, et demain tu iras beaucoup mieux !"Au début des années 70, Aznavour suit de près "une transmutation de la chanson française, dans un paysage plus moderne", explique à l'AFP le journaliste Didier Varrod, évoquant notamment l'éclosion de Julien Clerc, apprécié du chanteur.
Un mentor pour Liza Minelli
Son rayonnement international est tel qu'il devient aussi un "mentor" pour Liza Minnelli, qu'il amène à Paris en 1969. "La première soirée à l'Olympia a été un succès immédiat", expliquait-il à l'AFP en 2017. "Son spectacle était fait avec beaucoup de mes chansons et une manière très française de les interpréter, pas vraiment Broadway". "Il m'a vraiment appris tout ce que je sais du chant - comment chaque chanson est une histoire différente", confirmait la star américaine en 2013."Dans les années 1980, il saura aussi accompagner l'explosion de Michel Berger, de France Gall...", souligne Didier Varrod. En 1996, il découvre la chanteuse québécoise Lynda Lemay au festival de Montreux, en Suisse. Il la conseille dans ses choix professionnels et devient son éditeur.
En 2014, c'est avez Zaz qu'Aznavoir réenregistre en duo "J'aime Paris au mois de mai". "Je me suis retrouvée en studio entre Quincy Jones et Charles", a confié la chanteuse au Parisien. "C'était surréaliste. Charles me donnait plein de conseils."
Les rappeurs et slameurs lui rendent hommage
MC Solaar a salué lundi sur Europe 1 sa volonté de transmettre son expérience: "Je l'ai vu (...) fréquenter des jeunes. Comme s'il voulait paver la route pour que les gens n'aient pas les difficultés qu'il a eues."Charles Aznavour s'est aussi naturellement tourné vers les rappeurs et slameurs. "Parce que ce sont eux qui écrivent le mieux", déclarait-il en 2009. "Ils n'écrivent pas dans la géométrie que j'aime, mais c'est très, très bien écrit", disait celui chanta avec Kery James, Oxmo Puccino ou encore Grand Corps Malade.
Les témoignages depuis lundi en attestent : les rappeurs admiraient ce fils d'émigrés arméniens débarqués à Marseille. "Ses parents n'ont pas de papiers, pas de passeport", rappelle Bertrand Dicale. "Pourtant, le monde entier finit par connaître Aznavour, le chanteur français. Pour un gamin qui vient d'une banlieue, qui a des parents qui ont un accent, qui a lui-même un accent, qui est le guide ? Qui est l'espoir ?"
"Son histoire est magnifique", conclut le rappeur Soprano. "C'est un des rares qui a compris notre art des mots."
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