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Christophe ouvre la malle aux trésors avec "Paradis retrouvé"

En hommage à son producteur Francis Dreyfus, fondateur des disques Motors disparu en 2010, qui lui réclamait un tel disque depuis longtemps, Christophe sort un album de maquettes inédites des années 70 et 80, glanées dans ses précieux fonds de tiroirs. "Paradis Retrouvé" contient une brassée de bijoux bruts de décoffrage qui valaient le coup d'être exhumés. Merci Francis.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le chanteur Christophe dans les années 70.
 (BMG)

Pour une fois, élargissez la focale à propos de Christophe. Oubliez deux secondes le chanteur des "Mots bleus"; mettez de côté le trésor national classé "variété". Imaginez juste un passionné de sons, mordu de synthétiseurs, expérimentant sans relâche, en phase avec son époque - ici les années 70 - et avec quelques longueurs d'avance.

Figurez vous Christophe dans la pénombre nocturne d'un studio (Ferber sans doute), entouré de ses claviers et machines. Le Beau Bizarre improvise. Il cherche "le" son. En fait, il ne cherche pas vraiment, il trouve. Rien de laborieux dans sa quête. Pas d'urgence. Ce magicien se laisse juste "traverser" par l'inspiration, comme il dit. Les paroles viendront après. Ici elles sont souvent aux abonnés absents, le chant étant en mode freestyle dans un "yaourt anglais" où seule compte la sonorité, encore elle.

Expérimentations au synthétiseur
"Paradis retrouvé", un 13 titres, contient beaucoup d’expérimentations sonores. Si l'on a parfois l'impression d'entendre un ado bidouiller dans sa chambre, la plupart de ces esquisses sont suffisamment abouties pour mériter de voir le jour.
 
"En général, ce que je garde c'est pour m'en resservir", explique Christophe. "La plupart des morceaux de cette sélection proviennent de la période 1972-1982. Tout ça vient de ma volonté d'expérimenter sur de nouveaux synthétiseurs".
 
De fait, sur ce disque, deux titres, le romantique "Fairlight" et le très moderne "Harp Odyssey", portent carrément des noms de synthés.

Une poignée de merveilles
Parmi les merveilles, il y a d’abord l’"Hommage à Jean-Michel Desjeunes", un blues synthétique rêveur totalement envoûtant. Et très actuel.

Remarquable également, "Baby The Babe", qui fait écho à Suicide (Alan Vega et Martin Rev), dont Christophe est un grand admirateur depuis le début. On entend aussi ici et là des échos des Stones ("Take it") , de Led Zep et même de Pink Floyd, autres grands expérimentateurs.
 
"Same Thing", une impro récréative entre deux morceaux saisie en 75, est une autre perle majeure, avec un chant en "simili anglais", qui rappelle un Robert Plant virant Dylan sur la fin. L’aspect spontané et brouillon, particulièrement criant, n’a rien de désagréable, au contraire. Il nous fait regretter que Christophe, connu pour son perfectionnisme, ne se soit pas lâché davantage et plus souvent sur ses albums officiels.
 
"French touch" avant l'heure
Réjouissant aussi de constater combien l'entêtant "Stay Away" contient en germe une certaine "french touch" et annonce à la fois Sébastien Tellier et Jean-Benoît Dunckel de Air.
 
Quant à "L'italiano", un hommage très convaincant aux chanteurs italiens, il peut provoquer le fou rire (le côté outré de l'imitation est vraiment très drôle), prouvant au passage le sens de l'auto-dérision de Daniel Bevilacqua.
 
En fait, on pourrait presque citer toutes ces plages très synthétiques, de «Carrie» à «I Sing for». Car en fait de "déchets" et autres "chutes", on ne voit  rien à jeter du tout sur "Paradis retrouvé".

L'album étant un "Volume 1", il semble appelé à avoir une ou plusieurs suites. C'est que plus d'un millier de maquettes et d'ébauches de cette trempe dorment encore dans les archives de ce défricheur ! Rendez-vous après son prochain véritable album, successeur de l'acclamé "Aimer ce que nous sommes" (2008), semble-t-il déjà bien avancé.

Christophe "Paradis retrouvé" (Motors/BMG)

Christophe est en concert exceptionnel le mardi 23 avril à 20h30 au MK2 Quai de Seine à l'occasion de la sortie de "Paradis retrouvé". Le concert, dans un cadre intimiste, sera suivi de la projection d'un film "coup de coeur" choisi par le musicien, grand cinéphile. Il s'agit de "La Balade Sauvage" de Terrence Malick sorti en 1973.

Pour prolonger cette soirée, un cycle de trois grands films marquants choisis par Christophe sont programmés du 27 avril au 12 mai 2013 au MK2 Quai de Seine. "Shame" de Steve McQueen, "Pierrot le Fou" de Jean-Luc Godard et "Elephant Man" de David Lynch. Renseignements et réservations sur le site MK2.com

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