Gauvain Sers, la révélation de la tournée de Renaud
"Bonsoir c’est Renaud, vous allez bien ?" il est un peu moins de 20h ce samedi 28 janvier 2017 quand retentit cette voix immédiatement identifiable dans l’immense Halle Tony Garnier de Lyon où s’entassent quelque 12.000 personnes sur au moins 4 générations : celle du chanteur, la soixantaine voire plus ; des étudiants ou jeunes parents venus avec leurs bambins sur les épaules, que Renaud invite à venir s’accouder à la barrière devant la scène ; et puis les quadras qui ont grandi avec le succès du "chanteur énervant" des années 70-80 quand ils reprenaient, ados, ses chansons en colonies ou au lycée, comme l’auteur de ces lignes.
Alors oui forcément, si on est venu, c’est surtout pour voir la légende, le mythe, le phénix qui n’en finit pas de renaître après de multiples (dé)boires, et c’est pour en prendre plein les yeux avec des décors vidéos projetés époustouflants et un final clipesque, mais aussi pour écouter ses fameuses saillies verbales à destination de l’actualité ("Renaud président !" scande le public), pour chanter avec lui, et souvent même mieux que lui. La voix n’est plus celle qu’on a connue, elle déraille, elle chevrote, elle lutte pour arriver à sortir péniblement les mélodies, mais qu’importe, il y a la présence, les tripes, l’humour, la chaleur humaine, et surtout la générosité. "Ma voix est caverneuse, comme disent les journaleux, mais elle est aussi généreuse, je donne tout ce que j’ai", confie le chanteur à son public, conquis d’avance.
Une première partie inattendue
Ce public plus ou moins fan, qui a fait la queue sous la pluie pendant plusieurs heures pour être "bien placé", ne savait pas obligatoirement qu’il y avait une première partie, et généralement, les premières parties, on a plutôt hâte que ça se termine. C’est pourquoi on est un peu surpris quand un quart d’heure avant l’heure prévue du concert, on entend Renaud au micro qui nous interpelle : "Vous allez bien ?" Clameur de la salle. "Je voudrais vous présenter un jeune chanteur : Gauvain Sers. Il porte une casquette et j’espère que ça lui portera chance, comme moi à mes débuts. Écoutez-le bien, c’est l’avenir de la chanson française. Retenez son nom, il ira loin.""L’avenir de la chanson française", rien que ça. On se dit que l’auteur de pépites comme Hexagone, La médaille ou Mistral gagnant a replongé dans les vapeurs des boissons anisées, qu’il plaisante, qu’il exagère. Et puis arrive ce gavroche, qui se présente comme un "Creusois d’origine, Parisien d’adoption" (huées sympathiques de la salle), "à casquette en velours côtelé marron, avec sa guitare" et qui va nous chanter cinq ou six chansons. Il est accompagné d’un autre guitariste, originaire lui de Corrèze, et qui se fond littéralement dans le style des morceaux : pas de fioritures, mais un très beau toucher et un soutien tout en finesse qui relève d’autant plus les textes.
Entre poésie et engagement
Gauvain Sers commence avec Pourvu, belle ballade qui égrène tous les traits de caractère que devrait avoir sa future moitié. Un texte à la fois poétique, drôle, touchant, dont l’esprit n’est pas sans rappeler Mon amoureux ou papa Renaud listait les qualités attendues pour son futur gendre (d’ailleurs, Renan Luce, compagnon de Lolita a-t-il rempli tous les critères ?).Puis il enchaine avec un texte beaucoup plus engagé, Hénin-Beaumont, où un facteur du Nord crie sa rage contre le score du Front National dans sa commune. Le public de Renaud qu’on sait ancré à gauche et foncièrement anti-extrême-droite est acquis d’avance et acclame le jeune chanteur.
Suit Entre République et Nation, évoquant l’attentat contre Charlie hebdo et la marche du 11 janvier 2015, qui fait écho au dernier tube de Renaud J’ai embrassé un flic que la star reprendra une heure plus tard dans son show.
La chanson suivante Mon fils est parti au Djihad, empreinte de gravité et malheureusement tellement actuelle, sur ces jeunes qui se font endoctriner et en arrivent à commettre le pire, émeut et touche tous les âges représentés dans la salle.
Le public est plus que conquis et reprend en chœur le dernier morceau Dans mes poches au refrain tellement simple qu’il ne sort plus de la tête. Des bons mots, une écriture légère, à la fois subtile et évidente, qui évoque parfois Brassens mais indubitablement Renaud, et notamment Dans ton sac.
Le public "dans la poche"
Les 12.000 gônes venus ce soir-là scandent "Une autre, une autre" au petit Creusois à casquette, et l’enthousiasme n’est pas feint, on sent qu’on vient de découvrir une pépite, et l’afflux après le concert pour acheter le CD 5 titres En attendant l’album, et obtenir une dédicace, ne fait que confirmer ce qu’on a ressenti dans cette première partie : non, Renaud n’a pas exagéré, on vient d’entendre l’avenir de la chanson française et même s’il n’en est pas à son coup d’essai (il a déjà joué en première partie de Tryo et d’Yves Jamait), on lui souhaite de tout cœur que cette tournée lui permette de toucher (à tous les sens du terme) un large public.D’ailleurs l’auteur de ces lignes n’a pas pu s’empêcher de le lui dire : "C’était super, on aurait dit un mélange entre Renaud et Saez", "ça me va bien" a répondu en souriant le jeune chanteur. Alors à moi aussi ça me va bien : bonne chance et bonne route à vous, Gauvain Sers, nul doute qu’elle ne fait que commencer.
Gauvain Sers s'est confié à nos confrères de France 3 Nouvelle Aquitaine
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