Jeanne Moreau, une voix en dix chansons
L'actrice à la voix inimitable avait interprété des succès comme "J'ai la mémoire qui flanche" ou la chanson du film "India Song" de Marguerite Duras. "C'est une jolie façon de s'exprimer. Voyez toutes les émotions, tous les messages que l'on peut faire passer en trois ou quatre minutes", disait-elle.
Elle a aussi découvert le monde des musiciens lors du tournage d'"Ascenseur pour l'échafaud" (1957) de Louis Malle. "Je me suis retrouvée un soir avec Miles Davis, le contrebassiste Pierre Michelot, le pianiste René Urtreger et le batteur Kenny Clarke. Miles a composé la bande originale en une nuit. A l'époque, j'adorais le jazz. Cet univers m'a enchanté", se souvenait-elle.
Le peintre Serge Rezvani, alias Cyrus Bassiak, un ami de son premier mari Jean-Louis Richard, avait un jour improvisé "Le Tourbillon" qui relatait l'histoire tumultueuse du jeune couple. Il deviendra son complice pour de futures chansons et albums. "On s'est connu, on s'est reconnu, On s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vue On s'est retrouvé, on s'est réchauffé, Puis on s'est séparé." Ce couplet mythique est presque devenu "le symbole" de "Jules et Jim" (1962), "presque de François Truffaut lui-même...", dira-t-elle.
"C'était une chanson écrite sept ans avant pour Jean-Louis et moi ! 'Le Tourbillon' n'avait rien à voir avec 'Jules et Jim', mais ça collait avec l'ambiance du film, une femme qui hésite entre les hommes, et décide de les aimer tous", expliquait-elle bien des années plus tard.
En 1995, Vanessa Paradis lui rendra hommage à Cannes en chantant cette chanson à la douce mélancolie. Présidente du jury cette année-là, Jeanne Moreau entamera un duo impromptu avec la chanteuse, offrant un grand moment d'émotion dans le palais des Festivals.
En 1963, sa voix vive et gaie fait recette et, enregistré ensuite sous l'impulsion du producteur Jacques Canetti, l'album de ses douze premières chansons obtient le grand prix du disque l'année suivante. Parmi elles, "La peau Léon", "L'horloger", "La vie de cocagne", "L'amour flou".
Grâce à Jacques Canetti "j'ai découvert qu'à travers des chansons, je pouvais exprimer des secrets, lâcher prise, me moquer, m'amuser et laisser vivre une femme, parfois une enfant que je croyais avoir réduite au silence", déclara Jeanne Moreau dans une présentation de ses succès musicaux en CD-DVD.
D'autres albums suivront, dont "Les chansons de Clarisse" (1967), plus mélancoliques, inspirées d'un roman de la poétesse Elsa Triolet, et un album sur des poèmes du belge Norge (1981), avec la très moderne chanson "Le nombril".
"Il fallait pour moi qu'il y ait une rencontre qui aille au-delà de la chanson. Comme avec Marguerite Duras sur 'India Song'. (...) Je lui disais : 'Ecrivez, Margot, écrivez, je vous chanterai...'"
Dans l'album "Jeanne chante Jeanne" (1970), elle interprétait des textes dont elle était l'auteur et qui parlaient d'elle-même, comme "L'enfant que j'étais" ou "La célébrité la publicité".
En 1975, dans le film du Brésilien Carlos Diegues "Joana Francesa" (Jeanne la Française), Jeanne Moreau incarnait une tenancière de maison close de São Paulo qui accompagne un colonel au fin fond de l'Etat d'Alagoas. Elle y chantait une chanson éponyme, composée par Chico Buarque, sur un texte qui mêle français et portugais.
En 2010, elle enregistrera un album avec Etienne Daho, en hommage au poète Jean Genet, dont elle fut l'amie. Ils poursuivront l'aventure sur scène à Paris puis au festival d'Avignon en 2011. Une heure durant, ils feront sourdre la poésie du "Condamné à Mort", à mi-chemin entre lecture et chant.
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