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Léo Ferré et son chimpanzé Pépée : chronique d'un drame annoncé

Les admirateurs de Léo Ferré le savent : le poète et musicien avait adopté avec son épouse en 1961 un bébé chimpanzé. Une guenon prénommée Pépée, qu'ils aimaient follement, et traitaient comme un enfant. Aujourd'hui, la belle-fille de Léo Ferré, Annie Butor, adolescente à l'époque, revient sur cette affaire tragique dans un livre de souvenirs, "Comment voulez vous que j'oublie".
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Léo Ferré et Madeleine Rabereau, qui fut sa seconde épouse de 1952 à 1973.
 (Phébus)

Dans cet ouvrage à paraître vendredi 5 avril aux éditions Phébus, Annie Butor, fille de Madeleine, seconde épouse de Léo Ferré, se souvient de ses 18 ans de vie commune à trois avec celui qui écrivit pour elle "Jolie môme" . Elle raconte l'histoire d'amour entre Léo et Madeleine, débutée dans la disette, pousuivie avec la gloire et terminée cruellement au moment de l'agonie de leur "fille", le chimpanzé Pépée en 1968.

Le portrait qu'elle dresse de Léo Ferré, qui écrivit "Avec le temps" peu après avoir abandonné lâchement Madeleine, est assez amer. Lui qui avait choisi et beaucoup revendiqué cette vie d'isolement, allait livrer son épouse, seule, face à toute une ménagerie d'animaux dans un domaine de 40 hectares isolé au fin fond du lot, Perdrigal.

Annie Butor défend surtout la mémoire de sa mère, objet des accusations les plus dures de certains "journalistes charognards" après la fuite de Léo Ferré et la mort de Pépée. Ceux-ci parlèrent alors de vengeance, de "massacre , d'"assassinat" de tous les animaux. Annie Butor évoque, elle, "une femme qui essayait follement de tenir face à leur rêve inaccessible".

Concernant le chimpanzé Pépée, Annie Butor a tout vécu de cette adoption singulière. Des premiers avertissements du propriétaire de l'animal - "il faut qu'un chimpanzé sache qui est le maître sinon vous allez au désastre" - à l'amour fou pour cet animal que sa mère et son beau-père l'obligeaient à appeler "seu-soeur", puis à l'accident et à la fuite de Léo Ferré. Le Nouvel Observateur publiait cette semaine les bonnes feuilles de son livre à ce sujet. En voici quatre extraits édifiants.

Une véritable ménagerie au château de Perdrigal
"Ils s'étaient entourés peu à peu d'un véritable zoo d'animaux en souffrance: chiens, chats, taureau (Arthur), vaches aux noms de la mère et des tantes de Léo (Charlotte, Titine, Fifine), moutons, cochon (Baba), autres chimpanzés achetés au hasard de cirques ambulants. Une vieille Zaza, "qui avait les mains de Piaf" selon Léo, ne quittait plus sa cage, elle était dangereuse. Lui même y pénétrait rarement, il en avait peur. Le personnage le plus important de leur étrange vie restait avant tout Pépée."

Pépée traitée comme un enfant
"Pépée avait sa chambre, ses jouets, elle déjeûnait avec nous, faisait la sieste, conduisait la voiture sur les genoux de Léo. Le soir, avant d'enfiler son pyjama, elle buvait gentiment sa tisane avant de nous serrer très fort dans ses bras."

Un animal sournois et une mère hypnotisée
"Un jour que je me promenais derrière ma mère dans une des allées du château à Perdrigal, Pépée grimpa soudainement dans un arbre au-dessus de moi et se laissa chuter violemment sur ma tête. Je tombai sous le choc, presque évanouie, elle me mordit, je poussai un cri, et devant ma mère interrogative qui se retourna, Pépée prit immédiatement un air innocent des plus innocents et se mit à m'embrasser avec une tendre mimique là où elle m'avait mordu, "Tu t'es fait mal, elle te console, c'est ta seu-soeur". Impassible, indifférente, elle continua son chemin, et Pépée me remordit : l'enfer !"

Le lâche abandon de Léo
(Léo est parti seul pour un gala à Elbeuf à la suite d'une violente dispute au sujet de Pépée, qui agonise à la suite d'une méchante chute. Il ne reviendra plus. Par lettre du 29 mars 1968, il explique à Madeleine) "qu'il ne veut se fixer nulle part et lui donne ce qui ressemble à une feuille de route : mettre le studio à mon nom, fourguer les parts en blanc, "larguer les petits et tout le reste", lui parle de son "impuissance" devant la situation, de sa volonté de vivre seul. Il reconnaît avoir "le mauvais rôle" et avoue commettre "une saloperie" en abandonnant Pépée, mais il fallait, conclut-il "que l'un des deux fasse ce pas".

"Comment voulez que j'oublie" (Madeleine et Léo Ferré, 1950-1973), éditions Phébus, 224 pages (17 euros) publié le 5 avril 2013

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