Mille visages de Boris Vian à la BnF
On pourrait faire une énumération à la Vian : des beaux manuscrits, des photos de famille, un étui à trompette, des disques et des pochettes, un catalogue de jazz, des dessins de théâtre, des films et des affiches et aussi des chansons ...
Cette exposition propose une accumulation réjouissante qui transporte littéralement dans le monde de Boris Vian.
Pour Ann Mary, commissaire de l’exposition, «le but était de montrer toutes les facettes de Boris Vian. Pas seulement le Boris Vian romancier ou chansonnier, mais tous les aspects de sa création (théâtre, opéra, peinture, cinéma). Toutes les curiosités, le foisonnement d’œuvres qu’il a pu produire en très peu de temps puisqu’il est mort à 39 ans.»
Trompette et « Bouts-rimés »
Très tôt, les parents de Boris Vian, grands bourgeois cultivés et fantaisistes, encouragent les quatre enfants à développer leurs capacités créatives et leur goût pour la lecture et la musique. La famille joue à « bout-rimés » : à partir de rimes imposées, chacun doit composer un poème. En 1941, dans Cent sonnets, un recueil de 100 poèmes écrits par jeu et à l’adresse de sa famille et de ses amis, pointe déjà l’art et la manière de Boris Vian : énumérations, variations sur les proverbes, jeu sur les mots.
C’est à cette époque aussi qu’il commence à écrire ses premières fictions. Il a rencontré Michelle Léglise, qui deviendra sa femme et Jacques Loustalot, borgne impertinent, dit le major. Cet «alter égo» libre et baroque a inspiré le héros de son premier roman, Vercoquin et le plancton.
Le jazz
L’autre passion précoce de Vian : le jazz. A 14 ans il commence la trompette, s’inscrit au Hot club de Jazz et monte avec ses frères Alain et Lelio des orchestres amateurs. Là encore la famille Vian soutient et encourage : le père fait construire au fond du jardin une salle de bal où les frères Vian organisent des fêtes et les fameuses surprises parties décrites plus tard dans les romans de Vian.
Le décor est planté. L’œuvre et la vie de Vian vont se déployer à l’ombre de ces deux piliers: les mots et la musique.
Scénographie en forme de nénuphar
L’exposition est construire autour de cette idée, évoquée par une forme de fleur de nénuphar, en référence à l’Ecume des jours. La tige centrale, est parcourue par sa sève, le jazz et le roman : «le jazz parce qu’il a nourri toute son œuvre et le roman parce que c’est la forme la plus aboutie de son travail.» précise Ann Mary. Les fleurs, de part et d’autre de ces cimaises courbes et mouvantes, évoquent les différentes périodes de sa vie, au gré des rencontres.
Boris Vian et son double
Du romancier, l’exposition montre les deux figures : la face lumineuse, celle du Boris Vian, auteur prometteur de l’Ecume des jours, et son double noir, sulfureux écrivain de J’irai cracher sur vos tombes, Vernon Sullivan, «qui comme la tige centrale de l’exposition, infléchit la trajectoire de sa vie, comme s’il avait voulu lui-même saboter sa carrière», explique Ann Mary.
Une infirmité cardiaque est diagnostiquée chez Vian à l’adolescence. Est-ce ce cœur menacé d’arrachement qui fait de lui un sur-actif de la création, un boulimique de la vie ?
Ecrivain, musicien, chroniqueur radio, acteur, essayiste, scénariste, traducteur, metteur en scène, pour endosser tous ces rôles, Boris Vian emprunte plus de trente pseudonymes, anagrammes, (Bison Ravi, Brisavion …) ou pas (Honoré Bazac, Butagaz, Agénor Bouillon, Jules Dupont...).
L’exposition montre bien cette diversité et quelques raretés. On peut y voir quatre tableaux peints par Vian, pour la première fois réunis, des lettres inédites et le manuscrit de la pièce de théâtre Le chevalier de neige, avec des notes d’intention de mise en scène de Vian.
La plupart des trésors présentés dans cette exposition font partie du fond de la BnF depuis 1990, ensemble complété par des prêts de la famille de Boris Vian et des collections particulières. « Il s’agissait de mettre en valeur ce fond, dans les tiroirs depuis 1990».
«Je voulais que cette exposition soit vivante et gaie. On a donc travaillé aussi sur les couleurs. Dans ce couloir, d’où tout part et où tout revient. On va du jaune au rouge. Le jaune couleur de l’enfance et de la jeunesse dans l’œuvre de Vian, vers le rouge, couleur de la mort.»
La mémoire de Vian est également incarnée dans le parcours de l’exposition par un grand nombre d’archives filmées et sonores.
Les frères Vian "Sheikh of Araby". A l'intérieur du cabaret de jazz "Le Tabou", les frères Vian, Boris à la trompette, Alain à la batterie et Lélio à la guitare, interprètent "Sheikh of Araby".
Vian toujours vivant
La mort survient prématurément en 1959, pendant la projection de J’irai cracher sur vos tombes.
Peu ou mal reconnu de son vivant, Boris Vian, en bon promoteur de la pataphysique, fut un infatigable pourvoyeur de « solutions imaginaires ».
Un peu plus de 50 ans après sa mort, l'œuvre de Vian est toujours bien vivante. Plusieurs projets dans les mois à venir en sont la preuve : Michel Gondry s'empare de l'Écume des jours : le tournage démarrera au printemps prochain, avec Audrey Tautou, Léa Seydoux, Romain Duris et Gad Elmaleh. L'adaptation en bande dessinée de l'oeuvre doit aussi paraître chez Delcourt au printemps 2012.
Boris Vian
Bibliothèque nationale de France
Du 18 octobre 2011 au 15 janvier 2012
mardi - samedi de 10h à 19h
dimanche de 13h à 19h
sauf lundi et jours fériés
tarif plein : 7 €
tarif réduit : 5 €
Livres :
Boris Vian, Catalogue de l'exposition
Coédition Bibliothèque nationale de France / Gallimard
Sous la direction d'Ann Mary
39 €
Boris Vian Post-Scriptum
Le Cherche-Midi oct 2011
Dessins, manuscrits, inédits
Édition conçue, commentée et annotée par Nicole Bertolt
29,90 €
Abécédaire en 26 chansonnettes
Formulette production octobre 2011
Illustrations de Tomi Ungerer, textes de Boris Vian, interprétation par Debout sur le Zinc
19,90 €
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