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Ambronay 2021 : avec sa voix magique, la mezzo-soprano Lucile Richardot envoûte les festivaliers de l'Abbatiale

Le 42e festival de musique ancienne et baroque d'Ambronay entame son deuxième week-end. Le public de l'Abbatiale retrouve l'une de ses coqueluches, la très charismatique mezzo-soprano Lucile Richardot. Récit.

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Lucile Richardot et l'ensemble Faenza au Festival d'Ambronay le 17 septembre 2021. (BERTRAND PICHENE :/ FESTIVA LD'AMBRONAY)

Dans les couloirs de l'Abbaye d'Ambronay, en ce deuxième week-end de festival, Lucile Richardot ne passe pas inaperçue avec ses rires sonores et sa bonne humeur communicative. Surtout, la chanteuse, mezzo-soprano aujourd'hui très demandée, fait partie de la grande famille du festival. "Je suis venue plusieurs années avec différents ensembles, dont Les Correspondances de Sébastien Daucé. C'était des rôles magnifiques, avec des passages solistes très courts, mais ça m'a identifiée ! Je me souviens avoir été ovationnée dans un concert où on était plutôt dans un mode choral", raconte-t-elle, encore touchée. "Les festivaliers sont tellement fidèles ici qu'ils reconnaissent très vite les personnages récurrents. C'est toujours flatteur."

Une voix exceptionnelle de "bas-dessus" à Ambronay

Ce qu'on vient chercher, chez Lucile Richardot, c'est une vraie présence sur scène ("Il faut rendre accessible, organique, une musique qui parfois est très cérébrale…", avoue-t-elle), et surtout une voix. Une voix qui vous envoûte, imméditament. Très reconnaissable, chaude et ronde, et à la tessiture singulière. "Bas-dessus est le terme employé dans le baroque français. Ça me correspond assez parce que ce n'est pas le mezzo au sens rossinien ou mozartien, c'est vraiment une voix qui fait l'entre-deux, qui aura à la fois du grave, surtout du medium, et parfois des petites notes aiguës accidentelles", explique-t-elle.

Lucile Richardot et l'ensemble Faenza au Festival d'Ambronay le 17 septembre 2021. (BERTRAND PICHENE / FESTIVAL D'AMBRONAY 2021)

Ce vendredi 17 septembre, Lucille Richardot fait l'ouverture avec un récital consacré à une figure de la musique du 17e siècle, Anne de La Barre, l'une des plus célèbres chanteuses de son époque en France, nous explique-t-on, au point que Louis XIV l'appela à être musicienne de la Chambre du roi, faveur rarissime pour une femme. Mais sa notoriété dépassait les frontières puisque le concert intitulé Le voyage d'Anne de La Barre au septentrion, nous parle d'un périple en Scandinavie, quand elle fut invitée en 1652 par la reine Christine de Suède.

Sur les traces d'Anne de La Barre à travers les grands compositeurs

"Je raconte une histoire un peu fantasmée d'Anne de La Barre, parce qu'elle était en réalité soprano. On a choisi, dans le répertoire de son époque qu'elle appréciait, la musique que j'étais capable de chanter", précise Lucile. "Ça reste dans les affects qu'elle aborde : la fureur, la douceur, la tendresse, l'humour aussi, tout faisait partie d'un même spectacle."

Conçu avec le théorbiste Marco Horvat, à la tête de l'ensemble Faenza, le voyage est une séduisante compilation de chants en français, en latin et, beaucoup, en italien. Comme cette puissante Cantate sur la mort du roi de Suède signée du Napolitain Luigi Rossi : "Gustave est mort, qu'on ne parle pas de paix", lance hiératique et guerrière Lucile Richardot empruntant les mots de Christine, la veuve du roi, avant de chanter sa douleur et sa solitude. En italien aussi, et très inspiré par Rossi, l'air Sospiri, ohimé, du compositeur Joseph Chabanceau de La Barre, frère de notre star voyageuse. Joli, profond.

Théâtrale

Plus théâtrale, une pièce composée par Constantijn Huygens, musicien et secrétaire du Prince d'Orange installé à Haye, là où fait étape Anne de La Barre à son invitation. Lucile Richardot s'amuse à chanter, en la mimant, la sérénade d'un amant faussement éconduit par sa belle à la fenêtre. Les spectateurs de l'Abbatiale sont conquis. La séduction opère pleinement, Lucile Richardot joue de son timbre exceptionnel, mais aussi de ses regards, de ses poses, de ses sourires.

Le départ d'Anne de La Barre de Hollande est raconté par un air émouvant de Constantijn, Quoi Clorinde, tu pars ?, cette fois en vieux français – avec la prononciation restituée et non sans une certaine opulence par Lucile Richardot -. "Tu pars et tu ne veux pas que mon cœur en ressente ?", lance-t-elle, offrant des crescendos et des diminuendos d'une grande grâce.

Variété

"C'est une grande variété de genre", nous avait prévenus Lucile Richardot, "entre la musique profane et la musique sacrée, les Leçons des ténèbres de Michel Lambert et le Domine in furore de Huygens, les chansons comiques, la cantate tragique, les airs de ballet de cour, sortes de mini-opéras". Ces derniers évoquent le retour en France d'Anne de La Barre. De Charles Dassoucy un Adieu à la cour de Savoie très apprécié et de Jean-Baptiste Lully, surtout, des airs de ballets de toute beauté. Comme cette Plainte d'Ariane (tirée du Ballet de la naissance de Vénus), où la complicité avec les violonistes Alice Julien-Laferrière et Anaëlle Blanc-Verdin, la violiste Christine Plubeau et les autres musiciens de l'ensemble Faenza fait des merveilles.

Dans l'Air de la loterie tiré du Ballet de l'Impatience de Lully joué en bis, les musiciens ont glissé quelques notes de la chanson Joyeux anniversaire. à l'attention de la chanteuse qui se voit aussitôt félicitée parles spectateurs. Une date de plus à marquer dans la longue complicité entre Lucile Richardot et son public fidèle de l'Abbatiale.

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