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Cecilia Bartoli en diva russe à Versailles
La mezzo-soprano italienne Cecilia Bartoli a créé l'événement, il y a quelques jours, en se produisant à la Galerie des Glaces à Versailles pour un concert privé. Au programme, quelques airs baroques créés à Saint-Petersbourg, à la cour des Tsars, qui sont l'objet de son nouveau disque. Nous avons eu la chance d'y être. En voici les moments mémorables.
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A star exceptionnelle, lieu exceptionnel. C'est à Versailles que la mezzo-soprano italienne est venue présenter une partie du programme de son nouveau disque, "St Petersbourg" (Decca).
De Versailles…
Le contenu est très XVIIIe, l'ambiance de cour. Le lieu se prêtait donc à merveille au spectacle, d'autant que Cecilia Bartoli est une habituée des lieux. Il faut dire que le Château, en ce jour de fermeture au public, en impose au visiteur, même malgré la pluie battante. Avant le début du concert, dans le Salon d'Hercules ou sur le chemin de la Galerie des Glaces, on a pu croiser des gentilshommes et des dames en perruque et costume d'époque. Ils errent comme une présence fantomatique au milieu d'un Rolando Villazon (le ténor franco-mexicain) et d'une Donna Leon (l'écrivain américaine), bien contemporains, eux, ou autres personnalités et journalistes parlant toutes les langues. Car l'orchestre était italien ("Les Barocchisti", dirigés par Diego Fasolis), la maison de disque anglaise, le lancement mondial. Opération internationale donc.
…à la cour de Russie
Une autre présence notable, par les médias et les officiels, est celle des Russes. Et pour cause. Le nouveau disque de Cecilia Bartoli part de là, de sa curiosité pour la musique jouée à la cour des trois grandes impératrices de Russie, de 1730 à la fin du XVIIIe siècle. Car Anna Ivanovna (la nièce de Pierre le Grand), puis Elisabeth Ière et enfin Catherine II, dite la Grande – de sacrées personnalités sociales et politiques - ont développé les arts à grande échelle. Au niveau musical, ça s'est traduit par l'importation des goûts et des tendances en vogue en Occident. Opéra, puis opéra bouffe et ballet sont introduits à la cour par les trois tsarines, qui ont fait venir leurs compositeurs, italiens ou allemands, parmi lesquels les napolitains Francesco Araia, et Domenico Cimarosa, et l'allemand Hermann Friedrich Raupach. Cecilia Bartoli, avec l'ensemble "I Barocchisti" s'est associée au travail de chercheurs dans les archives du Théâtre Mariinsky pour découvrir et transcrire leurs partitions. C'est donc une musique inédite depuis le XVIIIe qu'elle présente dans son projet, dont le concert à Versailles est un premier aperçu. Quand elle s'avance sur la scène, la démarche de Cecilia Bartoli est royale, ses pas suivant le rythme de la marche de Hermann Raupach (tirée "d'Alceste") que l'orchestre de Fasolis a déjà commencée. Sur scène, d'emblée, la chanteuse toute de blanc vêtue impressionne par sa capacité à habiter l'espace, à l'occuper pleinement, malgré les gigantesques dimensions de la Galerie des Glaces et son imposante beauté. Cecilia Bartoli ne chante pas seulement, elle donne de sa personne.
Premier compositeur convoqué, Araia, le premier aussi dont on joua un opéra en Russie. L'émotion est grande, les textes crépusculaires (chant de mort), tirées de "La forza dell'amore e dell'odio" sont servis par une musique lente et douce, très napolitaine. Moins grave, mais mélancolique, l'un des morceaux phares de la recherche de Cecilia Bartoli, la préface à "La Clémence de Titus" de Johan Adolf Hasse, spécialement écrite par Domenico Dall'Oglio et Luigi Madonis pour une représentation à l'occasion du couronnement de la Tsarine Elisabeth en 1742. La mezzo touche par son dialogue avec la flûte. Dernier morceau évoquant le sacrifice héroïque : l'air "Idu na smert", tiré toujours "d'Alceste" de Raupach, chanté en russe, est de toute beauté. Comme la robe que la chanteuse vient d'endosser pour changer de registre, la suite du concert est plus verte et légère. Champêtre même, avec l'air du berger de Francesco Domenico Araia (tiré de "Seleuco"). Cecilia Bartoli assure le spectacle, show woman comme peu savent l'être. Tour à tour, elle s'étonne de voir s'approcher le chant des oiseaux, joue littéralement en duo avec le haut-bois, surfe sur les arpèges, tient les notes en bouche pendant de longues secondes. La salle y est très sensible, à juste titre. La virtuosité des deux derniers morceaux de Raupach, "O placido il mare", tiré de "Siroe, re di Persia", et un dernier air "d'Alceste" en bis, en russe, chantés avec la même générosité par Cecilia Bartoli, ne peut que confirmer l'impression générale. Le pari russe est gagné. La mezzo star, maintenant très souriante, est désormais en fourrure blanche et toque russe assortie. Très applaudie. Tsarine. Impériale. Cecilia Bartoli en concert le 1er et 7 novembre au Théâtre des Champs Elysées à Paris.
De Versailles…
Le contenu est très XVIIIe, l'ambiance de cour. Le lieu se prêtait donc à merveille au spectacle, d'autant que Cecilia Bartoli est une habituée des lieux. Il faut dire que le Château, en ce jour de fermeture au public, en impose au visiteur, même malgré la pluie battante. Avant le début du concert, dans le Salon d'Hercules ou sur le chemin de la Galerie des Glaces, on a pu croiser des gentilshommes et des dames en perruque et costume d'époque. Ils errent comme une présence fantomatique au milieu d'un Rolando Villazon (le ténor franco-mexicain) et d'une Donna Leon (l'écrivain américaine), bien contemporains, eux, ou autres personnalités et journalistes parlant toutes les langues. Car l'orchestre était italien ("Les Barocchisti", dirigés par Diego Fasolis), la maison de disque anglaise, le lancement mondial. Opération internationale donc.
…à la cour de Russie
Une autre présence notable, par les médias et les officiels, est celle des Russes. Et pour cause. Le nouveau disque de Cecilia Bartoli part de là, de sa curiosité pour la musique jouée à la cour des trois grandes impératrices de Russie, de 1730 à la fin du XVIIIe siècle. Car Anna Ivanovna (la nièce de Pierre le Grand), puis Elisabeth Ière et enfin Catherine II, dite la Grande – de sacrées personnalités sociales et politiques - ont développé les arts à grande échelle. Au niveau musical, ça s'est traduit par l'importation des goûts et des tendances en vogue en Occident. Opéra, puis opéra bouffe et ballet sont introduits à la cour par les trois tsarines, qui ont fait venir leurs compositeurs, italiens ou allemands, parmi lesquels les napolitains Francesco Araia, et Domenico Cimarosa, et l'allemand Hermann Friedrich Raupach. Cecilia Bartoli, avec l'ensemble "I Barocchisti" s'est associée au travail de chercheurs dans les archives du Théâtre Mariinsky pour découvrir et transcrire leurs partitions. C'est donc une musique inédite depuis le XVIIIe qu'elle présente dans son projet, dont le concert à Versailles est un premier aperçu. Quand elle s'avance sur la scène, la démarche de Cecilia Bartoli est royale, ses pas suivant le rythme de la marche de Hermann Raupach (tirée "d'Alceste") que l'orchestre de Fasolis a déjà commencée. Sur scène, d'emblée, la chanteuse toute de blanc vêtue impressionne par sa capacité à habiter l'espace, à l'occuper pleinement, malgré les gigantesques dimensions de la Galerie des Glaces et son imposante beauté. Cecilia Bartoli ne chante pas seulement, elle donne de sa personne.
Premier compositeur convoqué, Araia, le premier aussi dont on joua un opéra en Russie. L'émotion est grande, les textes crépusculaires (chant de mort), tirées de "La forza dell'amore e dell'odio" sont servis par une musique lente et douce, très napolitaine. Moins grave, mais mélancolique, l'un des morceaux phares de la recherche de Cecilia Bartoli, la préface à "La Clémence de Titus" de Johan Adolf Hasse, spécialement écrite par Domenico Dall'Oglio et Luigi Madonis pour une représentation à l'occasion du couronnement de la Tsarine Elisabeth en 1742. La mezzo touche par son dialogue avec la flûte. Dernier morceau évoquant le sacrifice héroïque : l'air "Idu na smert", tiré toujours "d'Alceste" de Raupach, chanté en russe, est de toute beauté. Comme la robe que la chanteuse vient d'endosser pour changer de registre, la suite du concert est plus verte et légère. Champêtre même, avec l'air du berger de Francesco Domenico Araia (tiré de "Seleuco"). Cecilia Bartoli assure le spectacle, show woman comme peu savent l'être. Tour à tour, elle s'étonne de voir s'approcher le chant des oiseaux, joue littéralement en duo avec le haut-bois, surfe sur les arpèges, tient les notes en bouche pendant de longues secondes. La salle y est très sensible, à juste titre. La virtuosité des deux derniers morceaux de Raupach, "O placido il mare", tiré de "Siroe, re di Persia", et un dernier air "d'Alceste" en bis, en russe, chantés avec la même générosité par Cecilia Bartoli, ne peut que confirmer l'impression générale. Le pari russe est gagné. La mezzo star, maintenant très souriante, est désormais en fourrure blanche et toque russe assortie. Très applaudie. Tsarine. Impériale. Cecilia Bartoli en concert le 1er et 7 novembre au Théâtre des Champs Elysées à Paris.
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