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Claire Gibault : "Claudio Abbado, c'était l'humilité et le partage"

Claire Gibault est l'une des rares femmes chefs d'orchestre françaises d'ampleur internationale. Très proche de Claudio Abbado, elle en fut la disciple et l'assistante musicale à la Scala, à Covent Garden et à l'Opéra de Vienne, avant de devenir l'adjointe de son Mozart Orchestra de Bologne. Avec sa "bénédition", elle en a imaginé un petit frère, le Paris Mozart Orchestra, qu'elle dirige.
Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Claire Gibault a travaillé auprès de Claudio Abbado à l’orchestre Mozart de Bologne
 (DR)
Quel est votre sentiment après la mort de Claudio Abbado ?
Je suis bouleversée, parce que c’était un être cher. Sa mort est un grand coup. C’est une telle personnalité de la vie musicale, ce fut mon maître, mon mentor, j’ai été si souvent son assistante, puis son adjointe à Bologne. J’ai pris de ses nouvelles mardi dernier, je ne pensais pas qu’il partirait si vite…

Que restera-t-il de Claudio Abbado ?
C’était un homme moderne, toujours en pleine évolution, en désir de perfectionnement, jusqu’aux derniers instants. Il restera son engagement pour la musique contemporaine, la création, l’art vivant, son engagement pour les jeunes –rappelons qu’il a créé l’Orchestre des Jeunes de la Communauté européenne, l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler, et le Mozart Orchestra de Bologne, très attentif aux jeunes… Abbado était toujours à l’écoute de l’évolution sociale de la musique. Il a clairement défendu la place des femmes dans la musique – parmi ses nombreux assistants musicaux, il en a eu plusieurs, ce qui est rare. Enfin, en termes d’interprétation musicale, Claudio Abbado se nourrissait toujours de nouveaux apports, comme récemment celui des courants de la stylistique baroque. Et sa carrière discographique est extraordinaire : sa particularité a été de réenregistrer, à 20 ans d’écart, des morceaux qu’il jugeait perfectibles, en les travaillant beaucoup.

Comment définiriez-vous sa « politique musicale » ?
Il a toujours voulu garder le désir et le profond amour de la musique avec le souci de surtout ne pas être dans la carrière et l’académisme. Il s’est pour cela nourri auprès des jeunes, de leur ferveur, leur curiosité et leur appétit. Abbado, c’est ce besoin de transmettre et en même temps de se renouveler.

Comment était l’homme ?
Son attitude de chef était empreinte d'humilité et d’un grand sens du partage, très proche des musiciens et des assistants. C’est ce que j’appelle « l’autorité partagée ». Il a marqué par sa grande présence aux répétitions à l’Opéra, y compris les répétitions scéniques ou techniques au piano. Malgré son importance mondiale, il a fait tomber le « divismo » (« starisation » en français, ndr) dont sont en revanche atteints d’autres chefs.

Que vous a-t-il appris ?
A moins diriger. C’est ce qu’il m’a dit une fois à Bologne : « Tes musiciens sont très bons. Dirige-les moins et laisse parler l’interprétation musicale et la grâce. » J’y ai souvent repensé. De même, j’ai appris de son attitude et j’ai beaucoup regardé sa technique de chef d’orchestre : de la grâce, de la souplesse et de la majesté.

Si vous deviez ne retenir qu’un seul moment de son répertoire ?
Ce serait l’intégrale des Symphonies de Mahler. Après sa longue maladie, il a incarné l’approche de la mort vécue par Mahler, cette intensité des sentiments et de la souffrance.



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