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Dessine-moi un festival, une série de l'été : Michel Lethiec à Prades

Ils sont chanteurs, chefs d'orchestre, producteurs, patrons de salle… ou simples mélomanes. Pour le plaisir de la musique, ils consacrent leur été à faire vivre un festival. Baroque ou romantique, Boulez ou Mozart. A la ville, dans les champs, ou en bord de mer, qu'est-ce qui fait que ça marche ou pas ? Rencontre, aujourd'hui, avec Michel Lethiec, à la tête du "Festival Pablo Casals".
Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le clarinettiste Michel Lethiec est à la tête du Festival Pablo Casals.
 (Josep Molina)

Clarinettiste soliste de dimension internationale, Michel Lethiec n'est pas seulement un grand concertiste. C'est aussi un chercheur, très actif dans la diffusion du patrimoine musical, et un enseignant passionné. Création de concerts, découvertes et transmission, ces facettes sont présentes dans le festival Pablo Casals qu'il dirige. Pablo Casals ? L'illustre violoncelliste catalan du début du XXe siècle exilé en France à Prades (de l'autre côté des Pyrénées) s'était, des années durant, contraint au silence pour protester contre le régime franquiste. Mais à la demande insistante de ses amis musiciens, en 1950, il acceptait de rompre ce silence à l'occasion du bicentenaire de la mort de Bach. Une série de concerts était organisée avec de grands musiciens venus de loin pour jouer avec lui dans cette petite ville au pied du Canigou. Le festival de Prades était né. En mémoire de la figure tutélaire de Pablo Casals, le festival aujourd'hui invite parmi les plus grands musiciens de chambre, mais aussi leurs étudiants, appelés à se produire ensuite à Paris et dans d'autres capitales internationales.

Le violoncelliste Pablo Casals au travail, cette fois au piano.
 (Droits Réservés.)

Qu'est-ce qui vous pousse à vous investir dans ce festival, l’été ?
D'abord, je n’ai pas vraiment la sensation de labeur, mais plutôt la sentiment d’avoir la chance de faire ce que j’aime durant toute l’année : jouer, enseigner et composer un programme. Pour moi ces différentes activités sont complémentaires et nécessaires à mon équilibre artistique. Et puis il y a la spécificité de ce festival, intimement lié à la figure de Pablo Casals. Pablo Casals est pour moi (comme pour tous les interprètes) un exemple, un mythe, une légende comme artiste, et comme homme et artiste engagé. Continuer et faire connaître ce qu'il a bâti à Prades est donc une grande responsabilité et un grand bonheur ! Et j'ai un attachement à cette bourgade du Conflent à laquelle Casals a donné ses lettres de noblesse musicales et qu'il a fait connaître internationalement.

Sur quel critère choisissez-vous les musiciens invités ?
La qualité artistique bien sûr, mais également la personnalité. A Prades - et ce depuis 1950 -  les artistes restent deux semaines sur place, pour les répétitions, les concerts, les cours... Cela demande une réelle ouverture sur les autres personnalités musicales et un sens très important du partage… D'ailleurs tous ces grands solistes sont également professeurs dans les plus importantes institutions internationales. Pensez quand-même que l’académie de Prades accueille chaque été 140 étudiants venus de tous les horizons !
Concert dans les Grottes des Canalettes dans le cadre du festival.
 (Nemo Perier Stefanovitch)

Côté public, que faut-il pour que ça marche ? Et y a-t-il un public propre au Festival Pablo Casals ?
Nous avons la chance d’accueillir à Prades un public très mélangé, de France et d’étranger, et de toutes générations. A côté des grands classiques, la programmation fait la part belle au répertoire moderne et aux découvertes (classiques ou contemporaines). Le public est donc en général assez friand de nouveaux répertoires et curieux. Chaque été je propose une quarantaine de concerts aux programmes différents mais complémentaires, avec une sorte de fil rouge (chronologique, thématique, selon les tonalités...) qui guide inconsciemment les auditeurs. Voici pour le côté artistique. Et puis dans ce qu'apprécie le public, il y a aussi le fait de partager la vie de ces très grands noms pendant deux semaines : en concert mais aussi dans les master classes, dans les répétitions, et au restaurant sur place ! Et observer leur manière de servir les compositeurs et le répertoire aussi simplement, sans égo, c'est formidable...
Concert en l'église de Villefranche, dans le cadre du Festival Pablo Casals.
 (Josep Molina)

Question budget, comment se débrouiller pour ne pas perdre d'argent ?
Le terme "se débrouiller" est vraiment d’actualité. Bien que les festivals fassent marcher l’économie d’une manière importante, les pouvoirs publics, tout comme les différents mécènes, ne montrent pas en ce moment un enthousiasme débordant à promouvoir la culture ! Nous concernant, si nos différents partenaires réduisent leurs aides, ils restent en général fidèles au Festival Pablo Casals qui représente - par les circonstances de sa création - un événement singulier dans le paysage musical. Mais il faut trouver sans cesse de nouvelles idées de programmation pour équilibrer rêves et réalité budgétaire… Le public est lui aussi victime de la crise !

Un souvenir de festival...
Parmi mes trop nombreux souvenirs, peut-être deux émotions : celle, au milieu des années 1980, du retour à Prades, après de nombreuses années, du pianiste Mieczyslaw Horszowski, ce jeune homme de 94 ans, qui illustre d’une manière extraordinaire la tradition et la continuité du Festival de Pablo Casals ! Et puis celle liée à ces jeunes étudiants de l’Académie du festival qui, devenus de grands solistes (les François Salque, Edgar Moreau et tant d’autres), reviennent à Prades aux côtés de leurs anciens professeurs…

Festival Pablo Casals à Prades
Jusqu'au 15 août 2015 

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