Interview : Jean-Frédéric Neuburger consacré sous la pyramide du Louvre
La précocité n’est pas, à priori, une qualité rare en musique classique. Ni, somme toute, la double casquette d’interprète et de compositeur. Mais additionnez ces deux talents et ajoutez une vocation de pédagogue et une curiosité à tout horizon musical : le mélange devient intéressant. Il caractérise la personnalité de Jean-Frédéric Neuburger, figure du jeune piano français, le seul de sa génération à qui l’Auditorium du Louvre, à Paris, consacre un cycle de concerts. Un honneur, si l’on pense qu’il succède, à ce titre, à des monuments tels Jordi Savall, Boris Berezovsky ou Viktoria Mullova.
Premières gammes à huit ans, Conservatoire national de Paris à treize, et une cascade de premiers prix aux concours incontournables de la profession. Jean-Frédéric Neuburger est enfin, depuis l’âge de 22 ans, en charge, au Conservatoire, de l’importante classe « d’accompagnement ». Admirateur de Dutilleux et de Boulez, c’est un compositeur (son œuvre Sinfonia sera jouée au Louvre), un interprète (un disque « Ravel » vient de sortir chez Mirare), et plus simplement un passeur.
Cela concerne évidemment ma classe au Conservatoire, mais aussi ma volonté d’ouvrir le grand public notamment à la musique d’aujourd’hui. Lorsqu’on a une activité scénique, on peut avoir une ambition sinon « éducative», du moins « initiatique » par rapport au public. Un rôle comparable à celui d’un guide dans un musée. Il m’arrive de faire une présentation avant un concert, ou de rédiger moi-même une notice pédagogique pour présenter un disque. Mais surtout, ma pédagogie est la programmation même, qui met en relief des œuvres contrastées et qui peuvent révéler au public des univers nouveaux.
Est-ce ce le sens par exemple, de la programmation au Louvre ?
Oui, même si le répertoire choisi est le fruit d’une concertation avec l’Auditorium. Un exemple : le concert d’ouverture a proposé des œuvres de Maurice Ravel en seconde partie, après une première consacrée à Mozart et Chopin suivis, subitement, de l’œuvre d’un contemporain, Michael Jarrell. Il y a donc un vide historique entre ces deux périodes, Chopin (fin XIXe) et Jarrell (aujourd’hui). Ecouter du Ravel après Jarrell permet de comprendre que ce dernier existe par ce qu’auparavant il y eut un Ravel. De la même manière, nous proposons le 15 janvier avec Bertrand Chamayou un programme à deux pianos et percussions, de musique principalement du XXe siècle mais comprenant des esthétiques extrêmement différentes. Quelles sont vos sources d’inspiration pour la composition ?
L’étude d’œuvres majeures du répertoire contemporain peut faire un déclic. Mais c’est d’abord un stimulus extérieur, ma musique est due à une sensation générale de révolte ou d’incompréhension ou au contraire de joie un peu extatique que l’on peut ressentir face aux événements de la vie. Ça peut être politique ou plus personnel, ou relever de l’inconscient.
Vous êtes également sensible à la musique de variété…
Oui, Stevie Wonder en tête. Ou encore Ray Charles, un Daniel Balavoine, ou la musique plus électro, de Radiohead, qui m’a influencé au niveau du timbre. Cet univers m’attire par sa régularité rythmique, qu’on trouve peu, en revanche, dans la musique contemporaine. A mon tour, j’essaie de la retrouver dans certaines pièces. Peu de gens peuvent penser que cela vient de l’écoute de la variété. On imagine sans doute l’influence d’un Xenakis…
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.