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L'agilité d'un jongleur, l'énergie d'un fauve : la percussionniste Adélaïde Ferrière sort un merveilleux premier disque, "Contemporary"

Elle avait créé la surprise aux Victoires de la musique classique 2017 avec son marimba. Depuis la percussionniste Adélaïde Ferrière a sorti un premier disque merveilleux où elle jongle avec dextérité entre Xenakis et Mantovani. Rencontre (réalisée avant le confinement).

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Adélaïde Ferrière au marimba devant le Sacré-Coeur à Paris.  (ADRIEN ROUX)

Paris, 16e arrondissement. A deux pas du Trocadéro, l'hôtel particulier de la fondation Singer Polignac. Adélaïde Ferrière, jeune percussionniste de tout juste 23 ans, y est en résidence. Un mécénat de choix - et de poids - pour cette discipline musicale si peu exposée. C'est là que nous l'avons rencontrée fin février, quand l'épidémie du coronavirus n'imposait pas encore le confinement.

Entre tambours, marimba et vibraphone

Cheveux roux abondants le plus souvent tirés en arrière, silhouette fluette, sourire jovial, réserve naturelle. L'apparence est trompeuse : entourée de ses caisses, tambours, marimba, vibraphone et autres percussions, la musicienne dévoile l'énergie d'un fauve. Le grand public l'a découverte il y a trois ans aux Victoires de la musique classique, aux prises avec son marimba sur un arrangement du Libertango d'Astor Piazzolla, maîtrisant ses baguettes aux pointes recouvertes de laine avec l'agilité d'un jongleur. 

Ce soir-là de février 2017, Adélaïde Ferrière décrochait la précieuse statuette de verre dans la catégorie Révélation instrumentale. "C'était la première fois que la percussion était nommée, ça a suscité un intérêt pour l'instrument", dit-elle humblement, avant d'ajouter : "évidemment, la Victoire m'a propulsée, je l'ai eue alors que j'étais encore étudiante".

Famille de musiciens

Adélaïde Ferrière a grandi à Dijon, dans une famille de musiciens. Père percussionniste, mère pianiste, la jeune musicienne en formation suit la trace des deux à la fois. "L'aspect rythmique de la percussion et la pratique mélodique et harmonique du piano s'enrichissent mutuellement. C'est pourquoi j'ai voulu poursuivre les deux en parallèle", explique-t-elle. Mais venu le moment du choix pour une carrière de concertiste, les percussions l'ont emporté. "Pour la diversité qu'elles offrent, pour l'aspect scénique, l'énergie, la force sonore", dit-elle en s'animant aussitôt.

Non loin d'elle, les instruments, soigneusement rangés, occupent la moitié de la grande pièce de répétitions où nous discutons. Il y a par exemple des bongos (des peaux de couleur jaune), des toms (caisses de batterie), des congas (tambours cubains), une grosse caisse, des wood-blocks (blocs de bois creux)…

Le marimba, "grand frère du xylophone"

Parmi les percussions, le marimba, ce "grand frère du xylophone", a une place à part chez Adélaïde Ferrière, pour sa dimension mélodique, proche du piano, certes, mais pas seulement. Physiquement il en impose, avec ses plus de deux mètres de longueur, ses grandes lames à la texture grave et au son doux, rond, travaillé ("c'est du bois précieux !", prévient-elle), et ses baguettes, "sorte de prolongement du corps", ajoute la musicienne.

La pochette du disque de la percussionniste Adélaïde Ferrière, "Contemporary".  (EVIDENCE/LITTLE TRIBECA)

Justement, le rapport au corps, voici qui est primordial chez Adélaïde, qui a par ailleurs fait beaucoup de danse. Le corps, le son et l'espace : "c'est une grande part de ce qui me plaît, ça prend vraiment une scène".

Un premier disque hommage au répertoire contemporain

Adélaïde Ferrière a sorti en février, juste avant l'épidémie du coronavirus, son premier disque, Contemporary, chez Evidence, label de Little Tribeca, excellente référence en classique. Le titre ne souffre pas d'ambiguïté. "La musique contemporaine, c'est notre répertoire phare. Les pièces de Xenakis c'est un peu nos sonates de Chopin", s'enthousiasme notre musicienne qui créé un ensemble portant le nom du musicien français d'origine grecque mort en 2001.

"Xenakis, Mantovani, Hurel, ce sont ces grands compositeurs qui ont développé les percussions après ce qu'avaient déjà entamé Messiaen, Boulez ou Bartok. Et c'est quelque chose qu'il faut faire avancer. Je suis aussi très investie dans la création contemporaine, justement pour renouveler ce répertoire, de manière à ne pas faire que de la transcription de Bach, de Rameau ou d'autres".

Entre force et sensibilité

Adélaïde Ferrière a "encadré" les pièces du disque avec les deux "piliers" que sont Rebonds et Psappha de Xenakis. "Des œuvres très dures physiquement et techniquement qui me touchent pour leur force sonore brute. C'est une sorte de dépassement de soi". L'empreinte mathématique si spécifique de Xenakis y est d'ailleurs très perceptible. "Rebonds est une multiplication de rythmes, d'effets, qui vont jusqu'à la phase finale, vraiment !", renchérit Adélaïde. Il s'en dégage une certaine magie.

Les autres pièces offrent encore autre chose. Et notamment une grande sensibilité dans le timbre, plutôt inattendue dans cette famille d'instruments. "La palette est assez complète des atmosphères et du jeu qu'on peut avoir sur marimba, vibraphone et d'autres percussions". De la poésie dans After Syrinx de Richard Rodney Bennett, une mystérieuse violence dans Moi, jeu… de Bruno Mantovani, des tonalités jazz dans le vibraphone de Omar de Donatoni. "Et puis il y a les deux Loops de Philippe Hurel, continuité de boucles de valeurs rythmiques qui peuvent rappeler Rebonds". Un voyage plein de surprises.

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