L'inquiétude des orchestres et du choeur de Radio France
"Radio France n'a pas les moyens de financer deux orchestres symphoniques, un choeur et une maîtrise pour un coût de 60 millions, ne générant que 2 millions de recettes de billetterie", a affirmé Mathieu Gallet dans un entretien à Radio France la semaine dernière.
La Maîtrise n'est pas menacée
Dans les faits, la maîtrise n'est pas remise en cause : ce choeur d'enfants exceptionnel de près de 180 élèves en formation (mi-temps pédagogique), non rémunérés, ne coûte pas très cher et joue un rôle pédagogique indéniable.
En outre, la maîtrise a diversifié son recrutement en ouvrant en 2007 une antenne à Bondy, en zone d'éducation prioritaire, et brille en concert sous la houlette de sa directrice, Sofi Jeannin.
Les deux orchestres et le choeur professionnel s'interrogent
Les deux orchestres (250 musiciens au total) ainsi que le seul grand choeur professionnel en France à vocation symphonique, avec une centaine d'interprètes, sont en revanche dans le collimateur.
L'Orchestre National de France est, en 1934, le premier orchestre symphonique permanent créé en France. Il joue ses premiers concerts au Théâtre des Champs-Élysées (TCE), et s'y produit régulièrement en vertu d'un partenariat avec Radio France (qui participe à hauteur d'un tiers au capital du Théâtre des Champs-Élysées). D'où sans doute l'idée de Mathieu Gallet de "cofinancer" le National avec la Caisse des Dépôts, propriétaire et mécène du TCE.
Problème : la Caisse et le TCE refusent "catégoriquement" d'accueillir le National (coût estimé: 10 millions d'euros) et soulignent que le théâtre n'a pas la capacité de l'héberger. "Nous sommes indésirables au TCE, et nous nous opposerons par tous les moyens à une sortie du National", constate auprès de l'AFP Jean-Paul Quennesson, délégué Sud et membre de la représentation permanente du National.
De son côté, l'Orchestre Philharmonique de Radio France est né en 1937 sur les bases d'un premier orchestre de radio fondé en 1928 par André Messager, puis refondé en 1976 sous l'inspiration de Pierre Boulez. À l'origine, le Philharmonique était davantage orienté vers la musique contemporaine, tandis que le National interprétait le grand répertoire classique.
Les orchestres, "concurrents" ou "complémentaires" ?
"La complémentarité entre les deux orchestres n'est aujourd'hui pas évidente, on constate plutôt une concurrence", estime, citée par l'AFP, la députée PS Martine Martinel, auteur d'un rapport sur Radio France pour la commission culture de l'Assemblée nationale en octobre 2014.
Elle souligne l'inflation du coût des formations musicales (55 millions en 2009, 58 millions en 2014) et la baisse des concerts diffusés à l'antenne (190 en 2012 contre 222 en 2011).
Pourtant, le renforcement de l'identité de chaque orchestre est au programme depuis plusieurs années. "Le National pourrait se recentrer sur la musique française, y compris les répertoires et compositeurs méconnus, tandis que le Philharmonique aurait un répertoire plus large, plus audacieux à certains égards", suggère Jean-Pierre Quennesson, lui même corniste au National.
"Il est faux de dire qu'on joue la même chose", s'insurge une musicienne du Philharmonique. "Cela fait partie d'une campagne de dénigrement. On a dépensé beaucoup pour les travaux et le nouvel Auditorium (ouvert en novembre) et on cherche à libérer des salles pour des soirées privées ou des défilés de mode", dit-elle à l'AFP.
Les musiciens excluent toute fusion des orchestres
Si la fusion des deux orchestres est catégoriquement rejetée par les musiciens, l'intersyndicale n'est pas hostile à une baisse négociée des effectifs, pourvu qu'elle soit "proportionnée" aux efforts demandés au reste de la maison. "Le problème, c'est que ça coûte cher de faire partir les gens", rappelle la musicienne du Philharmonique, présente depuis 31 ans dans l'orchestre. "Et puis il y a une limite: on ne peut pas jouer du Wagner ou du Strauss avec un orchestre fait pour du Mozart !"
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