Les valses viennoises de Johann Strauss II : une bande son inépuisable
Bien que sans public, le concert du nouvel an se tiendra à Vienne le 1er janvier à 11h, diffusé en direct sur France Musique et France 2. Et comme chaque année, il mettra à l’honneur la famille Strauss, dont l’incontournable fils Johann a composé les valses les plus célèbres.
Près de 200 ans après sa naissance, le 25 octobre 1825, Johann Strauss II, dit Johan Strauss fils, reste l’indétrônable star des valses viennoises. Ses compositions sont devenues l’archétype du faste de Vienne au XIXe siècle, et aujourd’hui encore, il est impossible d’évoquer cette époque sans avoir en tête Le beau Danube bleu, Sang viennois ou La Valse de l'empereur.
Entre romantisme et cliché kitch
En musique, les années 1800 sont celles du romantisme, déjà amorcées par Beethoven. Le thème final de sa Symphonie pastorale a des airs de valse viennoise avant l’heure. Brahms, Chopin, Liszt et d’autres vont embrayer le pas avec des mélodies tournoyantes, symbolisant les affres du cœur, et les tourments de l’âme. Le fils aîné de la famille Strauss s’engouffre lui aussi dans la brèche du romantisme, mais sur un ton plus léger, avec des notes virevoltantes semblant nous emmener en permanence dans les nuages.
Le rythme en trois temps de la valse invite naturellement à tourner, encore et encore. Une musique qui pourrait dessiner le tourbillon des sentiments, et qui par la force des choses a parfois viré dans le cliché légèrement mièvre. La série des films Sissi reste indissociable des valses viennoises. Quant au très populaire André Rieux, il en a fait son répertoire récurrent. Et ne parlons pas de la chanson sirupeuse de François Feldman, paroxysme de la bluette grand public.
Après Strauss, d’autres compositeurs continueront de magnifier la valse. On peut notamment citer Chostakovitch et sa fameuse Valse n°2, remise au goût du jour par un spot publicitaire.
Parodies et détournements
C’est d’ailleurs souvent par le biais de la culture populaire que les morceaux de musique classique retrouvent leur notoriété. Et les valses viennoises n’échappent pas à la règle. Le beau Danube bleu est sans doute la valse la plus reprise au monde. Elle figure dans d’innombrables films, du Chant du Danube d'Alfred Hitchcock, à Titanic, en passant par le dessin animé Horton, les films français Marius et Jeannette et La belle verte, ou encore des blockbusters américains comme True lies. Des utilisations multiples, qu'elles soient romantiques ou humoristiques.
Dans les films d’animation, si l’Ouverture de Guillaume Tell de Rossini revient immanquablement pour illustrer des poursuites, les valses viennoises sont toujours là dès qu’il s’agit d’accompagner les personnages dans leurs facéties enjouées.
Mais s’il y a bien un film qui a rendu plus que célèbre Le beau Danube bleu, c’est 2001, L’Odysée de l’espace…
Utilisation à contre-emploi
En 1968, Stanley Kubrick prend le contre-pied de cette musique festive et légère, en l’associant au manège céleste d’un vaisseau spatial. Dès lors, la valse du Beau Danube bleu prend une dimension encore plus féerique qu’elle ne l’était déjà auparavant. Et Kubrick verse carrément dans la métaphysique en utilisant la musique d’un autre Strauss, Richard, sans lien de parenté avec Johann. L’ouverture tonitruante de Ainsi parlait Zarathoustra devient la référence de musique pour space-operas et annonce les trompettes luxuriantes de John Williams dans Star Wars, presque 10 ans plus tard, en 1977.
Un autre film avait déjà utilisé Le Beau Danube Bleu à contre-emploi. En 1953, la scène finale tragique du Salaire de la peur voit Mario, joué par Yves Montand, conduire son camion au son de la célèbre valse, en zigzaguant sur une route escarpée. Emporté par l’euphorie à l’idée de revoir sa dulcinée, le chauffeur aventurier qui a survécu à toutes les péripéties, finit sa course au fond d’un ravin, par imprudence. La légèreté de la musique de Strauss prend ici une tournure dramatique. Le tourbillon de la valse qui emporte la vie, dans le mauvais sens du terme. Une relecture de l’œuvre musicale de Strauss qui pointe le fatalisme et l’absurdité de l’existence.
La preuve qu’une même musique s’accorde à différentes situations, et qu’on peut lui trouver une consonance triste ou joyeuse, inquiétante ou sereine, drôle ou poignante, selon le contexte auquel on l’associe. La musique adoucit les mœurs ? Sans doute, mais elle est surtout capable de colorer à loisir les images, réelles ou imaginaires, et nous offrir une mise en perspective parfois inattendue.
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