Maîtrise de Notre-Dame de Paris : les défis du nouveau directeur Henri Chalet
Nous rencontrons Henri Chalet quelques jours avant son entrée en fonction à la tête de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris. Le lieu : la sacristie de la Cathédrale, pour ne pas trop s'éloigner des répétitions en cours du "Requiem" de Mozart, dernier concert de l'ère Lionel Sow, qui a dirigé les ensembles pendant près de dix ans. Henri Chalet était son adjoint, chef de chœur assistant, prof d’écriture et de direction de chœur pour le chœur d'adultes. Organiste et chef de chœur, ancien membre (dès huit ans) puis directeur de la Maîtrise des petits chanteurs de Saint-Christophe, son nom est associé aussi à celui de Laurence Equilbey, dont il avait pris la direction de l'ensemble "Le Jeune chœur de Paris" en 2010.
Vous reprenez le flambeau de Lionel Sow à la direction de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris. Quels sont vos chantiers ?
Il y a d'abord la programmation à assurer : l'idée est d'avoir un large panel, de la musique ancienne jusqu'à la musique contemporaine, avec des créations. Et de belles collaborations d'ensembles invités. Question répertoire, c'est de la musique sacrée. Et il y a toujours une alchimie à trouver entre un répertoire qui donne envie de venir et des morceaux intéressants à découvrir, plus difficiles d'accès. Le premier répertoire peut souvent entraîner le public à découvrir les seconds. Il est en tout les cas important de permettre aux gens, même non habitués, de goûter à cette expérience musicale, qu'ils aimeront ou pas, mais à laquelle ils ne seront pas indifférents.
Et puis, il y a la liturgie que la maîtrise se doit d'accompagner…
Absolument. Pensez qu'il y a, à Notre-Dame, à peu près 1500 offices par an ! Le chœur n'est évidemment pas là tout le temps. Mais, selon les offices, on se répartit : un jour juste le chœur d'enfant, un autre le chœur d'adultes, ou encore tous les ensembles réunis pour les gros offices. C'est très formateur, et ça nous donne beaucoup de musique à monter, pour laquelle la Cathédrale est très ouverte, dans un équilibre entre les chants avec l'assemblée et la musique polyphonique où le chœur est seul.
L'autre grand volet de la maîtrise de Notre-Dame est celui de la formation...
C'est un rôle important, qui n'est pas toujours visible. Beaucoup de chanteurs, sortant de chez nous deviennent professionnels, ou poursuivent leurs études. L'un de mes principaux chantiers est de pérenniser le travail commencé par Lionel Sow, de reconnaissance des diplômes avec le Conservatoire de Région à Paris et le pôle supérieur pour la licence. Ça nous permettra d'avoir une lisibilité autre que celle des concerts et de la liturgie.
Quel esprit transmettez-vous à vos chanteurs ?
L'idée est de les mener vers une recherche musicale et artistique liée à ce lieu. La musique qui résonne dans cette cathédrale a une fonction, au-delà des concerts. Elle doit sublimer la liturgie et les processions. Il faut que le touriste, le paroissien et l'individu lambda qui viennent à Notre-Dame aient véritablement un choc : non seulement lié à l'architecture et la beauté de la liturgie, mais aussi à cause de la musique. Je dois transmettre ça aux chanteurs qui, au début sont impressionnés, mais y font l'habitude. Régulièrement je leur demande de renouveler cette recherche, c'est une remise en question : pourquoi est-on est là, pourquoi autant d'énergie dépensée ?
A cause de ce lieu, Notre-Dame…
Oui, ce qui marque ici, pour les jeunes qui viennent chanter, c'est le lieu. En rentrant par la sacristie, on sent d'emblée un poids sur les épaules qui peut être un peu déroutant. De même que voir le flot de touristes qui nous écoutent - bienveillants certes à notre égard, mais très présents - est étonnant. Ce lieu a une âme extrêmement forte. On n'a pas de routine ici, grâce à la force de la pierre. Car il y a l'histoire aussi de cette cathédrale qui entre en jeu, y compris l'histoire de la musique, puisque les débuts de la polyphonie ont eu lieu avec l'école de Notre-Dame au Moyen-Age, en même temps que les pierres qui s'élevaient. Toute cette force ne peut pas laisser indifférent.
Quelle est la particularité de la formation de la maîtrise ?
Sur le plan du répertoire, dès qu'on est à la cathédrale, notre but est de faire de la musique sacrée. Mais, entre nous, on tient aussi à faire des spectacles basés sur de la musique profane. L'idée est quand-même de s'ouvrir le plus possible. Autre spécificité, ces enfants et jeunes adultes ont la chance de se produire avec les moyens – assez exceptionnels - de la cathédrale : un orchestre professionnel ou composé d'étudiants en fin de cursus, des chanteurs en renfort également pros, un cadre et des orgues majestueux. Ce qui existe rarement dans un conservatoire… Nos projets tendent vers le professionnel et, du coup, la recherche artistique est plus poussée. Nos jeunes sont vraiment aspirés vers le haut.
Qu'attendez-vous des enfants et des jeunes adultes à la sortie de la maîtrise ?
Notre but n'est pas qu'ils deviennent à tout prix professionnels. Mais qu'ils s'enrichissent de la force de ce lieu, et sans en faire leur métier, qu'ils en tirent une culture très forte pour poursuivre, pour le plaisir, la musique ou d'autres arts.
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