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Nouveau chef du "Berliner Philharmoniker" : en attendant la fumée blanche

Le monde de la musique classique a les yeux rivés sur la capitale allemande où les membres de l'Orchestre philharmonique, le très prestigieux "Berliner Philharmoniker", vont élire leur nouveau chef. Une désignation qui par son importance, sa rareté et son rituel a des faux airs d'élection pontificale.
Article rédigé par franceinfo - Lorenzo Ciavarini Azzi (avec AFP)
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La Philharmonie de Berlin. 
 (MUHS/CARO FOTOS/SIPA)

Qui remplace-t-on ?

Sa célèbre tignasse est désormais blanche, le britannique Sir Simon Rattle, 60 ans, rend son poste de "directeur artistique" du Philharmoniker en 2018. Depuis qu'il a annoncé son départ, Rattle a été engagé comme Directeur musical du London Symphony Orchestra à partir de 2017, un an avant son départ de Berlin. Il a récemment estimé dans une interview que Berlin était le "plus difficile job de chef d'orchestre au monde, et en même temps le meilleur". 

La procédure

Les membres du Berliner Philharmoniker ont cette caractéristique unique de choisir eux-mêmes celui qui va les diriger. Partout ailleurs, le choix revient au conseil d'administration de l'orchestre, parfois aux responsables politiques. Le Philharmonique de Vienne, qui se veut le rival de Berlin, est une exception et se targue de fonctionner sans chef attitré.

Enfermé dans le plus grand secret, le prestigieux orchestre choisit son nouveau chef. Cent-vingt-quatre musiciens doivent se retrouver à 10 heures quelque part dans Berlin. Bulletins de vote, urnes, rien ne manque. Les téléphones portables sont confisqués. Il devrait y avoir plusieurs tours, avec une liste des candidats se rétrécissant, jusqu'à ce qu'une "majorité claire" se dessine sur un nom, a expliqué la porte-parole de l'orchestre, Elisabeth Hilsdorf. Il faudra ensuite lui téléphoner pour s'assurer qu'il accepte l'offre. S'il refuse, le processus recommence. Lorsqu'une issue semble proche, la presse qui s'est manifestée à temps est conviée à un point de rendez-vous, d'où elle est conduite au lieu du vote. Les musiciens sont tenus au secret, mais le monde de la musique classique  bruisse du nom des prétendants.

L'enjeu

L'enjeu est de taille. D'abord pour le prestige de la charge. L'orchestre est formé par des solistes, parmi les meilleurs en Allemagne et dans le monde. De plus, le poste de directeur artistique est rarement sur le marché et à ce titre la comparaison avec l'élection du saint père est justifiée. Simon Rattle n'est que le sixième chef de cet orchestre créé en 1862, après Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1895-1922), Wilhelm Furtwängler (1922-1934 et 1952-1954), Herbert von Karajan (1956-1989) et Claudio Abbado (1990-2002). Par ailleurs on aura constaté que ces trois derniers noms seuls donnent une idée du niveau d'excellence requis pour le poste ! Pour l'anecdote, rappelons que ce poste fut convoité par de nombreux chefs parmi lesquels le très respecté Lorin Maazel à qui les musiciens du Berliner ont pourtant préféré Abbado pour succéder à von Karajan !

Les candidats en lice

En théorie "tout chef d'orchestre vivant" peut être considéré comme un candidat, ont récemment expliqué les deux délégués de l'orchestre, Peter Riegelbauer et Ulrich Knoerzer. Etant l'une des meilleures formations au monde, le Philharmonique de Berlin peut en effet se choisir un chef parmi les meilleurs.

Jusqu'à récemment, nombre d'experts voyaient un coude à coude entre l'Israélo-Argentin Daniel Barenboïm, 72 ans (mais qui a assuré qu'il n'était pas candidat), et l'Allemand Christian Thielemann, 56 ans, deux chefs qui ont déjà été en lice pour ce pupitre dans le passé. Daniel Barenboim dirige le premier opéra berlinois, le Staatsoper, dont il a transformé l'orchestre pour en faire le deuxième meilleur de Berlin. Il avait déjà été pressenti pour succéder à Herbert von Karajan, chef de 1956 à 1989. Il est un ardent défenseur du rôle social et politique de l'art, salué notamment pour son West-Eastern Divan Orchestra, dans lequel jouent des jeunes talents israéliens et palestiniens.
Christian Thielemann est le préféré des parieurs. Ce Berlinois n'a pratiquement pas de rival sur le terrain du répertoire allemand, de Beethoven, Brahms, Wagner et Strauss. Mais après les efforts déployés par Rattle pour élargir le répertoire du Philharmonique, abordant la musique baroque et contemporaine, rajeunissant les rangs de l'orchestre et de son public, le classicisme de Thielemann pourrait être vu comme un pas en arrière. Son mauvais caractère est aussi légendaire, et des esclandres ont émaillé ses mandats à la tête du Philharmonique  de Munich, ou de l'opéra de Dresde  qu'il dirige aujourd'hui.

Les autres candidats les plus souvent cités :
- le letton Andris Nelsons, 37 ans, actuellement chef de l'Orchestre symphonique de Birmingham, l'ancienne formation de Rattle, et Directeur musical du Symphonique de Boston.
-  le vénézuélien Gustavo Dudamel, 34 ans, considéré comme l'un des chefs d'orchestre les plus charismatiques du moment, a été engagé comme chef principal du Philharmonique  de Los Angeles en 2009, et il vient de renouveler son contrat jusqu'à 2021.
- le russe Kirill Petrenko, 43 ans. Notoirement fanatiquement  méticuleux, préparant à fond et répétant sans relâche, actuellement Directeur musical de l'opéra de l'Etat de Bavière à Munich. C'est aussi lui qui dirige actuellement le "Ring" au Festival Wagner de Bayreuth.
- l'italien Riccardo Chailly, 62 ans, est apprécié et respecté en Allemagne, directeur musical de la Scala de Milan.
- l'autre Italien en course est Riccardo Muti, 73 ans, actuellement directeur musical du Symphonique de Chicago, qui a dirigé le Philharmonique de Berlin à de multiples reprises depuis 1972.
- le russe d'origine lettone Mariss Jansons, 72 ans, que Rattle l'a décrit comme "le meilleur d'entre nous", est actuellement chef principal du Symphonique de la radio bavaroise à Munich et du Concertgebouw d'Amsterdam.

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