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Philippe Jaroussky, grande figure d’Ambronay, retrouve le festival avec son Académie de jeunes musiciens

Ambronay, prestigieux festival baroque, et lieu de transmission musicale, a accueilli l’Académie Jaroussky pour un grand concert Vivaldi/Bach. Nous avons assisté aux répétitions, où la figure tutélaire du contre-ténor n’était jamais loin.

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Philippe Jaroussky avec son Académie à Ambronay le samedi 14 septembre 2019. A la droite de Jaroussky, le ténor Benoît Rameau. (LORENZO CIAVARINI AZZI/FRANCEINFO CULTURE)

Festival dédié au patrimoine musical ancien, Ambronay s’est toujours entouré de jeunes qui gravitent autour des bâtiments, un instrument à la main. Ceux que l’on croise ce samedi 14 septembre dans le cloître, se dirigeant d’un pas décidé vers l’Abbatiale, sont à deux doigts de passer professionnels. Manon, Amélie, Maxime, Benoît et les autres sont la promotion Vivaldi de l’Académie Jaroussky et s’apprêtent, ce soir, à donner leur dernier grand concert avant de se séparer. "Et c’est un concert important parce que c’est le premier de l’académie qui s’exporte, en dehors donc de la Seine Musicale où ils sont en résidence", dit fièrement Philippe Jaroussky. Au programme, une alternance de pièces de Vivaldi et de Bach, qui donne à chacun des jeunes, chanteurs et instrumentistes, des rôles de choix en soliste.

Sous l’œil attentif et bienveillant des professeurs

17 heures : les répétitions se font au pas de course. L’ensemble du concert est à filer, Julien Chauvin, chef et violoniste qui dirige l’ensemble, a "l’énergie bienveillante" (dixit son ami Jaroussky) pour que tout cela tienne. Il a le sourire, comme à son habitude, le geste aussi. Rassurant, et ferme à la fois. Et le regard permanent sur les musiciens, comme il le fait déjà avec son excellent Concert de la Loge qui offre un liant à l’ensemble au programme. Les jeunes se succèdent sous le regard des professeurs, le violoncelliste Christian Pierre La Marca, la violoniste Geneviève Laurenceau et surtout Philippe Jaroussky lui-même, toujours extrêmement attentif, les partitions dans les mains.

Manon Galy et Clara Garde, de l'Académie Jaroussky, en répétition du concert Bach Vivaldi le 14 sepembre 2019. Sur la gauche, Julien Chauvin à la tête du Concert de la Loge.  (BERTRAND PICHENE)

Pour Benoît Rameau, 27 ans, ténor, et Manon Galy, 23 ans, violoniste, les répétitions sont aussi l’occasion de "donner sa voix, dire si le tempo convient ou ne convient pas, d’aller le dire à Julien Chauvin, il faut savoir s’imposer un peu et prendre des initiatives". Pas facile "quand tout cela va si vite" . Mais l’écoute des profs est là. Surtout, selon Manon, "ce qui est génial, c’est qu’ils se permettent de conseiller tous les jeunes, quel que soit leur spécialité. Il n’y a pas la famille des violons, celle des chanteurs et ainsi de suite. C’est un travail commun".

Philippe Jaroussky mouille sa chemise

Et les profs, pour les concerts, ne sont pas que profs. "Ils n’ont pas une posture de pédagogues je sais tout. Avec eux, il y a un rapport à la fois de passeur et de collègue un peu, et ça nous met à l’aise aussi", se réjouit Benoît. "On mouille notre chemise", admet Philippe Jaroussky. "C’est un des points forts de l’Académie, avec mes collègues, on partage la scène avec eux, ce qui est parfois presque plus anxiogène pour nous que pour eux (rires)". Benoît lui-même chante en duo avec Philippe Jaroussy un extrait du Magnificat, l’une des œuvres vocales majeures de Bach, le Et misericordia. "Quand on joue avec eux, on les considère comme des gens qui ont déjà des choses à dire, on leur fait confiance". "Oui, ils nous font confiance !", renchérit Manon, "ce qui n’arrive pas souvent, notamment en France. Dans cette académie on nous laisse beaucoup de liberté, on nous met en avant, ce qui nous prépare très bien pour la suite".

Philippe Jaroussky et Benoît Rameau le 14 septembre sur la scène de l'Abbatiale d'Ambronay pour les répétitions du concert Bach/VIvaldi. (LORENZO CIAVARINI AZZI / FRANCEINFO CULTURE)

Pendant les répétitions de l’après-midi, Philippe Jaroussky préfère ne pas trop donner de conseils. Il écoute, entend, réagit par des gestes, comme un clin d’œil à tout ce qui s’est dit dans l’année. "Je suis très précis sur la technique vocale : j’ai moi-même énormément travaillé la projection, j’ai poli ma voix année après année, c’est le fruit d’un long travail. Et pour ça je pense que je suis capable de leur expliquer ce que c’est. Il y a un vrai travail de fond, technique, d’expression, de précision, et de solidification aussi de leur personnalité. Et puis aussi il y a un travail sur l’humain. S’ouvrir aux autres. Cultiver les amitiés musicales" . Comme celle qui le lie depuis plus de quinze à Julien Chauvin, rencontré lorsque tous deux étaient dirigés par Jean-Christophe Spinosi.

Acoustique magique

Une certaine nostalgie semble gagner Philippe Jaroussky : il y a vingt ans, presque jour pour jour, il chantait à Ambronay pour la première fois. "Une soirée importante dans le lancement de ma carrière. Beaucoup de moments magiques : il y a une ferveur du baroque ici, et une atmosphère si particulière de l’abbaye". Sur la scène, le contre-ténor retrouve une dalle noire au milieu : "je me suis dit : j’ai passé tellement de temps à chanter sur cette dalle, des moments également douloureux, comme lors d’un concert Farinelli après mon année sabbatique. Je m’étais réveillé aphone ce jour-là, j’ai fait le concert, mais en luttant". Puis il pense à ses jeunes talents : "Beaucoup d’entre eux ont été surpris par le lieu. On est portés par une acoustique qui sur scène est magique !."

Les répétitions se sont terminées. Benoît Rameau y a chanté également un extrait de Griselda de Vivaldi, Manon Galy a joué deux concertos du Vénitien. Ni l’un ni l’autre ne sont pourtant des "baroqueux". Pour Manon, "venir à Ambronay avec un ensemble comme le Concert de la Loge et avec lequel on a déjà joué, on est en confiance", dit-elle. Et de conclure : "Dans un lieu comme ça, jouer du Bach ou du Vivaldi, c’est juste parfait pour les sons des instruments. C’est comme si on jouait dans l’essence même de la musique. C’est beau, c’est grandiose".

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