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Avec "The 2nd Law", Muse change mais ne surprend pas

Les anglais de Muse sortaient la semaine passée leur sixième album "The 2nd Law". Analyse objective par un ancien aficionado du groupe de cette nouvelle livraison, parfaitement inscrite dans la lignée des précédents. Malheureusement.
Article rédigé par franceinfo - Lucas Ottin
France Télévisions
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Temps de lecture : 4min
Matthew Bellamy en live
 (AFP)

Muse - The 2nd Law
 (DR)

Et l'album s'ouvre sur le titre "Supremacy". Un riff de guitare saturée et une caisse claire des plus martiales précèdent l'entrée puissante de l'ensemble de cordes qui ne nous quittera plus tout au long des 13 titres qui composent l'album. On pense inévitablement à "Kashmir" de Led Zeppelin. Les parties, éphémères, se succèdent sans véritable continuité, mais l'énergie est bien présente, en particulier dans le final de la chanson, où Matthew Bellamy nous gratifie d'une de ses superbes envolées vocales.

Vient ensuite "Madness", plus dans la lignée du précédent album, "The Resistance" : Muse mêle dorénavant nombre d'éléments de musique électronique à ses compositions. Les basses sont profondes, le beat minimaliste, on sent l'influence de la scène electro actuelle. Matthew tente un timide solo de guitare, un peu trop ressemblant à la mélodie de chant (comme le seront tous ceux qui ponctueront le disque), avant que s'enchaînent les refrains, gonflés de choeurs et d'effets en tous genres. L'ennui s'installe tranquillement.

Le clip de Madness

Un fade out (diminution progressive du son, qui fera office de transition poussive tout au long de l'album) laisse ensuite place à "Panic Station". Et c'est maintenant le doute qui pointe le bout de son nez suspicieux : est ce que ce riff de basse ne ressemble pas un peu trop à celui d'"Another one bites the dust", de Queen ? Puis effectivement c'est la panique, Matthew se laisse pousser une belle moustache Mercuryenne, les trompettes s'emballent, et l'on a droit à un authentique tube des années 80, genre Patrick Hernandez. Heureusement, la limite morale et commerciale des 3 minutes est vite atteinte, et un autre fade out des plus subtils vient calmer les quelques amateurs de disco qui s'échinaient déjà sur le dancefloor du recyclage musical.

Passons sur le "Prelude", inutile extrait (57 secondes !) de musique classique tout droit sorti de la BO de Pocahontas.

"Survival" est quant à lui un morceau ultrapuissant. Très vite la grandiloquence avérée de la production vient remplir le spectre sonore d'une multitude de cordes et de choeurs masculins et féminins. La stéréo est vertigineuse, mais on en attendait pas moins de l'hymne officiel des JO de Londres, dont le clip est d'ailleurs des plus réussis. Des Carmina Burana sous amphétamines accompagnent donc Matthew Bellamy dans une autre épopée lyrique, alternant voix haut perchée et solo de guitare. On en oublierait presque les deux autres musiciens, dont la présence est un peu éludée par celle de leur leader et de la moitié des choeurs de l'Armée Rouge.

Le clip de "Survival"

On enchaîne ensuite avec "Follow Me", qui après un début très Depeche Mode nous sert un refrain où apparaît le nouveau credo du groupe : la Dubstep. Pour le coup, les instruments de prédilection des trois musiciens ont totalement disparu, et l'on a droit ici à un morceau purement electro. La voix est par contre décidément très présente, doublée, triplée, quadruplée jusqu'à l'écoeurement.

Et c'est "Animals" qui donne le change, puisqu'on y retrouve le Muse des débuts : une batterie au quart de poil, une basse très présente, et des mélodies parfaitement ciselées qui ont fait le succès du groupe. On retrouve les influences classiques de Matthew, les harmonies de guitare un poil hispanisantes, et surtout un son un peu moins propre qui paradoxalement fait du bien aux oreilles. Définitivement le morceau le plus humain de cette galette.

Les trois titres suivants sont assez anecdotiques, très proches des ambiances de l'album précédent, sans véritablement sortir du lot. La ballade "Explorers" fera gentiment son effet en live sur les jeunes filles en fleur, mais "Big Freeze" et "Save Me", malgré leur production encore une fois irréprochable, manquent totalement de corps et d'intention.

Muse at Wembley - 2010
 (DR)

"Liquid State", composée et chantée par le bassiste Christopher Wolstenholme (c'était également le cas de "Save Me"), prend un peu l'album à contre-pied, puisque son mélange electro-rock fonctionne assez bien. C'est tout particulièrement le refrain et sa cassure rythmique parfaitement amenée qui permettent de se rendre compte que c'est la première fois, en 11 pistes, que l'on a envie de secouer la tête.

Enfin nous arrivons au morceau phare de l'album, "The 2nd Law : Unsustainable". Et l'on ne s'y trompe pas : si le titre fait penser à celui d'un mauvais blockbuster américain, c'est parce que la chanson pourrait en être la BO. Né de la rencontre débile entre le Seigneur des Anneaux et un Datsik en petite forme, ce titre est à double tranchant. En effet, en même temps qu'une proche fin du monde due à l'inconscience environnementale du genre humain (dixit la présentatrice télé du clip), cette chanson annonce l'abandon total, par l'un des groupes les plus excitants des années 2000, de toute recherche artistique, au bénéfice d'une évolution uniquement basée sur les modes et courants en vogue.

Le clip de The 2nd Law : Unsustainable

Mais Muse ça a aussi été ça (à regarder jusqu'au bout) :

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