"Daft Punk, une vie de robots", le livre définitif sur le duo casqué

Les débuts, les albums, les films, les concerts, les influences : la trajectoire des Daft Punk passée au crible avec des photos, des témoignages, des analyses et des anecdotes à foison, le tout bordé de belles tranches d'humour. Si vous êtes fans du duo, c'est le livre qu'il vous faut.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les Daft Punk (Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homen-Christo) jouent le 26 janvier 2014 à la 56e cérémonie des Grammy Awards, au Staples Center de Los Angeles (Californie, États-Unis). (KEVORK DJANSEZIAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Depuis leur séparation surprise en 2021, les Daft Punk vous manquent ? Ils manquent aussi aux auteurs de ce livre, qui ont concocté amoureusement cet ouvrage consolateur. On aurait pu penser que cet hommage foisonnant, fourmillant d'anecdotes et gorgé de sève, aurait été made in France. Mais il a été réalisé par des Britanniques, les deux co-fondateurs de l'ancien excellent magazine sur la club culture Jockey Slut (1993-2004), Paul Benney et John Burgess, aujourd'hui à la tête du semestriel Disco Pogo. Quoi de plus normal en réalité, puisque Daft Punk a débuté outre-Manche sur le label écossais Soma, et a eu une carrière si internationale que la plupart ignorent que le duo casqué est français.

Daft Punk, une vie de robots balaye l'ensemble de l'épopée musicale de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homen Christo, des prémices du tout premier 45T sous le nom de Daft Punk en 1994, à leur séparation un jour de février 2021 avec une vidéo baptisée Epilogue, postée sur Youtube. Et puisque "tout le monde a sa version préférée des Daft Punk", comme le remarquent les auteurs, toutes les versions de ce groupe visionnaire qui n'a cessé de casser les codes et repousser les frontières, en studio, en live, mais aussi au plan visuel, sont ici décortiquées de façon divertissante et souvent avec humour.

Photos et témoignages réjouissants des débuts

On y déguste d'abord leur première interview dans la presse anglaise, chez Jockey Slut. On y savoure ensuite la couverture que le magazine leur avait consacrée en 1996, l'une des dernières où ils apparaissaient à visage découvert. Des articles parus à l'époque dans Mixmag et Muzik donnent une bonne idée de la perception du groupe chez les Britanniques – les journalistes soulignant régulièrement la difficulté à tirer quelque chose du taiseux et timide Guy-Man, "qui ferait passer le penseur de Rodin pour un bouffon du roi primesautier".

On scrute aussi l'interview par fax du tandem, saturée de dessins et de gribouillis, publiée en 1997 dans le Melody Maker, et la photo grandeur nature de la cassette DAT originale que les Daft Punk avaient envoyée au label Soma, hôte de leurs deux premiers maxis (The New Wave/Alive en avril 1994 et Da Funk / Rollin' & Scratchin' en août 1995).

La couverture du livre "Daft Punk, une vie de robots" de Disco Pogo (2024). (EDITIONS MARABOUT)

Le récit à cinq voix de la rencontre du duo avec la bande turbulente de ce label écossais est à la fois drôlissime et passionnante, un des musts du livre. Ils se souviennent de deux garçons discrets mais très déterminés et sûrs de ce qu'ils voulaient, y compris pour les visuels, et dont la musique "sonnait comme personne d'autre à l'époque." Ils racontent aussi le tourbillon de folie que vécut le label durant deux ans grâce à eux. Lorsque le titre Da Funk décolla, suite à son passage sur Radio 1, le label se mit à recevoir tellement de coups de fil au bureau qu'ils avaient pris l'habitude de blaguer en décrochant le téléphone – au lieu de dire "Soma Records, bonjour !", ils disaient "Da Funk, bonjour !", se souvient le directeur du label Stuart McMillan.

L'histoire des deux premiers albums, Homework et Discovery, sont racontées, aujourd'hui, sous cette même forme chorale par ceux qui l'ont vue se dérouler sous leurs yeux, comme leur manager Pedro Winter, Erol Alkan, et leurs amis les frères Dewaele alias Soulwax et 2 Many Dj's (qui signent la préface du livre).

Vivant, drôle et bien informé

Cet ouvrage est de ceux que l'on peut ouvrir à n'importe quelle page, parce que tout y est réjouissant, à commencer par les photos des premiers temps, lorsqu'ils commençaient à jouer avec les masques et les lunettes de farces et attrapes. Le genre de livre que l'on peut picorer à tout moment en étant sûr de sourire ou d'apprendre quelque chose. Y sont détaillés par exemple les artistes, une quarantaine, dont Thomas récite les noms sur le titre Teachers, hommage à leurs inspirateurs, de George Clinton à Jeff Mills en passant par Kenny Dope et DJ Hell.

Y sont aussi analysés un par un la douzaine de maxis sortis sur le label Roulé de Thomas Bangalter. Leur utilisation des samples fait également l'objet d'un article, tout comme leur filmographie singulière et leurs clips. Sans oublier une évocation émue de leurs incroyables performances aux platines aux soirées Bugged Out!, à Manchester, Londres ou Ibiza, qui ont construit leur réputation tout autant que leur musique.

Une interview de James Murphy de LCD Soundsystem, auteur du hit Daft Punk is playing at my house, est au menu, ainsi qu'un témoignage captivant de Tony Gardner, spécialiste des prothèses pour Hollywood qui a conçu les fameux casques en fibre de verre du duo, avec leurs LED de couleurs changeantes, un vrai défi technologique à l'époque.

Les Daft Punk au sommet de la fameuse pyramide de leur live inauguré au festival de Coachella, le 29 avril 2006, à Indio (Californie, États-Unis). (KARL WALTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Et puis, bien sûr, un livre sur Daft Punk ne pourrait être complet sans un entretien avec leur manageur Pedro Winter, aujourd'hui à la tête du label Ed Banger, qui se souvient ici de "la plus belle période de sa vie". Une période où il faisait partie des copains porteurs de valises contenant le matériel de scène des futurs robots, c'est-à-dire l'intégralité de leur home-studio (TR-909, séquenceurs, Juno 106, SP 1200) et les caisses de câbles qui allaient avec. Une période où le manageur passait son temps à dire "non" aux sollicitations dont ses poulains faisaient l'objet, au point qu'il était surnommé "Mr No"… jusqu'à la proposition (au cachet mirobolant) du festival Coachella de faire jouer Daft Punk en 2006, à laquelle il répondit "oui", après une semaine de réflexion avec "les garçons".

Le livre revient bien sûr sur les coulisses de ce show spectaculaire, la fameuse pyramide, qui fit "halluciner" tout le petit monde de l'électronique et les festivals en son temps, changeant à tout jamais les live de musiques électroniques. Qui pour relever le challenge aujourd'hui ?

"Daft Punk, une vie de robots" par Disco Pogo, préface de David et Stephen Dewaele (Marabout, 35 euros)

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