L'électro sombre d'Arnaud Rebotini s'apprête à électriser Rock en Seine
Harmonies sombres et mélodies hypnotiques
Il n'est jamais aussi à l'aise que sur une scène, entouré de ses synthés, boîtes à rythme et autres machines destinées à électriser le public sur des harmonies sombres et des mélodies hypnotiques. Arnaud Rebotini, Nancéen de 47 ans, producteur/compositeur reconnu de l'underground français, est tombé dans la musique très jeune à grands coups de hip-hop, de rock metal, de techno et même de country.Quand on le voit entouré de claviers, de câbles et d'engins indescriptibles, on ne peut s'empêcher de penser à Kraftwerk, papes de la techno allemande dans les années 1970, à leurs machines électroniques futuristes mais surtout à leurs sonorités industrielles atypiques, totalement novatrices pour l'époque.
Black Strobe, entre new wave et techno
En 1997, Arnaud Rebotini rencontre Ivan Smagghe avec lequel il fonde Black Strobe. Ils vont être parmi les premiers français à produire de l'électroclash. C'est-à-dire ? "En gros, c'est un sous-style qui mélange de la techno avec du rock, et qui est arrivé à un moment où on a redécouvert la new wave. C'est vrai qu'à l'époque, c'était assez novateur et on nous a un peu pris pour des fous."Une volonté d'être à l'avant-garde pas étrangère à ses influences musicales, de la techno allemande des années 1970 au "Krautrock" (rock expérimental de cette période), en passant par le rythm and blues ou la country, les précurseurs du rock'n'roll. "Ma patte musicale se situe un peu au milieu de tout ça. Ce qui explique aussi pourquoi je n'arrive pas à rester dans un carcan, et que ma musique évolue sans cesse."
Car Black Strobe et Arnaud Rebotini en solo, ce sont deux univers bien distincts, correspondant à deux visions différentes du producteur.
"Pour moi, la musique c'est une recette. J'ai mes ingrédients issus de mes influences et de mon univers artistique, et en fonction de la recette que j'applique, telle ou telle ambiance sort à l'arrivée. Quand je fais du Black Strobe, c'est plus la musique populaire que j'écoute qui se dégage des morceaux, comme la country ou le rock, alors que pour mes projets personnels, c'est de la musique de club... C'est plus expérimental."
En 2007, sort "Burn Your Own Church" sur lequel figure cette reprise de "I'm a man", grand classique de blues chanté par Bo Diddley en 1955.
Elle figure parmi plusieurs bandes-annonces, dont celle de "Django Unchained" (2012) de Quentin Tarantino.
De l'amour du live
A côté de son groupe Black Strobe, Arnaud Rebotini joue beaucoup en club, mais faire le DJ, très peu pour lui. Son amour du live se manifeste par un refus de l'ordinateur et de la musique pré-enregistrée. À chaque show, le producteur s'entoure de ses machines et construit ses morceaux au fur et à mesure de sa performance.
"J'ai toujours été plus producteur que DJ. Attention, je ne dis pas qu'il ne faut pas faire de set avec musique pré-enregistrée, ça donne une certaine liberté pour créer un bon show. Mais moi, c'est quelque chose que je ne fais pas car j'ai un réel plaisir à jouer avec mes machines. Ce que j'aime, c'est élaborer mon show, présenter un personnage !"
À rebours des DJ sautillant avec les bras en l'air, ou de ceux mimant la transe sur scène, Arnaud Rebotini cultive une certaine élégance, bien aidé par ses costumes italiens et sa sobriété naturelle.
"Quand je suis en live, je suis vraiment en représentation. On ne le dirait peut-être pas, mais je me donne à fond. C'est un mélange de concentration et de plaisir. J'éprouve beaucoup de sensations à ressentir l'énergie dans la salle, et à la maintenir avec mon show. Mais je dois rester concentré parce que je joue réellement."
"La radicalité, ça devient facile"
Cette recherche de concret et de pureté, Arnaud Rebotini la revendique : "Plus je vieillis, plus je m'aperçois que j'aime le vintage, l'authenticité, et jouer de mes instruments en fait totalement partie."Une forme de "revival" qui semble à la mode aujourd'hui. "C'est devenu de plus en plus difficile d'épater les gens car ils sont habitués maintenant à en prendre plein la vue. Même la radicalité, ça devient facile. Donc je peux comprendre que les gens veulent revenir à du concret, mais honnêtement le "revival" ce n'est pas nouveau. Au fur et à mesure que la musique évolue, certains ne se reconnaissent plus dans la nouveauté et préfèrent l'ancien. Et là, on est dans une période un peu molle alors les gens reviennent au passé."
À l'image de ce retour à la mode des années 1980, tant au niveau musical, que stylistique ou cinématographique. Une époque qui a beaucoup inspiré Arnaud Rebotini à ses débuts mais qui ne l'intéresse plus aujourd'hui.
Dès que je sens que ce que je fais devient commun, je passe à autre chose. Le style années 80 j'étais à fond dedans à mes débuts, avec la new wave par exemple, mais maintenant ça ne m'intéresse plus. C'est devenu branché."
Compositeur de "120 battements par minute"
Outre ses projets solo et Black Strobe, Arnaud Rebotini a ajouté une autre corde à son arc : composer pour des films. Très discret dans le cinéma depuis le début de sa carrière, en 2010 son morceau "Un Cheval d'Orgueil" est utilisé pour accompagner "WARdisease", un court-métrage sur les armes à feu réalisé par Marie Magescas, fait entièrement à partir d'images d'archives.
En 2014, Robin Campillo le contacte et lui demande de réaliser la bande originale de son film "Eastern Boys". Une collaboration qui a fonctionné puisqu'il fait de nouveau appel à lui pour celle de "120 battements par minute", en salles depuis mercredi 23 août, Grand Prix du Jury à Cannes en 2017, et sortie la plus attendue de la rentrée.
J'ai beaucoup de plaisir à composer des bandes originales, en fait c'est assez reposant parce que t'es juste au service de l'oeuvre cinématographique. Robin est venu me voir avec des idées très précises, je suis allé sur le tournage des scènes de club pour m'inspirer, et tout s'est fait plus ou moins naturellement. Il connaît très bien ma discographie et vu qu'on a déjà travaillé ensemble, le processus de création a été super fluide."
A ce film qui aborde des thématiques graves et lourdes, sa bande originale apporte un dynamisme salutaire. Avec, en point d'orgue, une reprise de "Smalltown Boy" de Bronski Beat, tube légendaire des années 1980 évoquant la vie difficile d'un homosexuel, complètement raccord avec le thème, l'époque et l'ambiance du film.
"Cette reprise, c'était une demande de Robin. Il voulait que je remixe le morceau comme s'il passait dans un club en 1993. Il en ressort un son plus "house", très en vogue en boîte à cette époque."
Prochain projet ? "Je suis sur un nouvel album mais je ne peux pas en dire plus". En attendant, sa performance live à Rock en Seine dimanche soir s'annonce comme l'une des plus excitantes de la soirée de clôture du festival.
Arnaud Rebotini est en performance live à Rock en Seine dimanche 27 août, à 20h05, sur la scène Firestone.
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