Laura Littardi : «Inner Dance», l’hommage à la pop d’une belle voix du jazz
Elle a quitté sa Ligurie natale il y a près de 30 ans, pour finalement poser ses valises à Paris. Chanteuse au timbre chaud et grave, improvisatrice virtuose, compositrice, arrangeuse, pédagogue... Progressivement, Laura Littardi s’est imposée en France comme une figure incontournable, respectée, estimée, du jazz vocal. Dix ans après un premier opus, «Senza Paura», elle a sorti son deuxième album, «Inner Dance», dédié en grande partie à ses premières amours : la pop et la soul des années 70. Elle y propose une lecture inédite de grands succès de Stevie Wonder, Neil Young ou Toto. Elle y offre aussi trois compositions personnelles.
Laura Littardi : "Sunny Days", extrait de "Inner Dance" (Littardi, 2012)
Son parcoursAprès des études de langues étrangères, au début des années 1980, Laura Littardi effectue des séjours à Londres (deux ans), puis à Munich (dix mois), avant un bref retour en Italie. Entre deux contrats professionnels, cette autodidacte en musique rejoint un groupe pop qui l'emmène chanter un été en Israël, puis, plus tard, cinq mois à travers l'Europe. Arrivée à Paris fin 1984, elle sera secrétaire de direction, puis responsable d'un magasin de vêtements aux Halles pendant quelques mois. A la fin de son contrat, elle décide de se consacrer entièrement à la musique. Elle devient chanteuse dans un groupe de rock progressif.
A la fin des années 1980, Laura Littardi fait une année d'études à l'école de jazz parisienne CIM. Elle qui ne lisait pas la musique prend des cours particuliers pour accélérer sa formation. Au CIM, elle noue des liens avec des artistes comme le chanteur Thierry Péala ou le pianiste Bruno Angelini, et commence à chanter dans des restaurants et des bars. En 1995, elle intègre comme alto l'ensemble vocal Six 1/2, le temps de participer à un disque et de reprendre sa route. Elle rejoint, pour cinq ans, le groupe du saxophoniste Sylvain Beuf, Octovoice. En 2002, Laura Littardi enregistre son premier album solo, "Senza Paura" avec son trio de l'époque, constitué avec Pierrick Hardy à la guitare et Nicolas Krassik au violon. Et en 2012, enfin, elle sort l'album "Inner Dance", qu'elle a préparé et peaufiné avec grand soin, entourée d'excellents musiciens.
Laura Littardi : "Lotta Love" (Neil Young), extrait de "Inner Dance", au Festival de Fort de Condé (Aisne) en juillet 2010, avec Carine Bonnefoy (piano), Mauro Gargano (contrebasse), Guillaume Dommartin (batterie)
"Inner Dance", une "passerelle" entre deux époques, deux univers
- Comment l'idée d'enregistrer des tubes pop et soul des années 70 vous est-elle venue ?
- "Inner Dance", c'est un projet qui s'est imposé à moi ! C'est arrivé grâce à un déménagement il y a cinq ans. Quand on déménage, la chaîne hi-fi est la dernière chose que l'on débranche. Pendant que je faisais mes cartons, j'écoutais mes vieux vinyles. Il y en avait que je n'avais pas écoutés depuis vingt ans... J'étais en extase, un tas de souvenirs remontaient... Pour moi, la musique a toujours été une compagne de vie, de voyage, incroyable. Je me suis rendu compte que j'aimais toujours autant cette musique qui avait été très importante pour moi. Que c'était de là que je venais. Mais en même temps, il y avait eu un parcours. J'ai eu très envie de créer une passerelle, un passage musical, vers le jazz. J'ai horreur des étiquettes, je trouve qu'elles rétrécissent les choses... De plus, je me suis rappelée que j'avais déjà eu cette idée en 1989 ! J'avais été sélectionnée pour animer des jam sessions au festival jazz de Nice avec mon quartet. Je débutais dans le jazz. J'avais eu l'intuition que certains titres de soul s'apparentaient très bien au jazz, en particulier si on les jouait en acoustique, sans le synthétiseur ou la basse électrique. Comme mon groupe était composé de puristes, ma proposition de reprendre ces titres est tombée à l'eau ! (rires) Je n'avais pas la connaissance et les arguments pour la défendre. Il m'a fallu tracer mon chemin, apprendre... Des années plus tard, les choses se sont faites toutes seules. En réécoutant ces morceaux, il y a eu cette envie de rendre hommage à cette musique qui m'avait tant donné, mais qu'elle soit enrichie de tout mon parcours. Donc, hommage au jazz.
- Comment avez-vous abordé les huit chansons du disque que vous vouliez réarranger ?
- Mon challenge, c'était de me réapproprier totalement ces morceaux, non seulement à travers un arrangement, mais aussi à travers une interprétation, et qu'au bout du compte, ces titres forment un tout. Je ne voulais pas me contenter de chanter la mélodie telle qu'elle avait été écrite, tout en changeant juste l'habillement, l'arrangement autour. J'ai eu envie d'aller plus loin, plus en profondeur. Parfois, je me suis permis des changements dans la forme même du morceau. J'ai brouillé un peu les pistes !
- Vous avez glissé trois compositions personnelles dans l'album ("Sunny days", "Beautiful Flower", I'm praying"). Quelles sont vos sources d'inspiration ?
- Ce qui m'inspire beaucoup, ce sont les gens, les rencontres, les situations du point de vue de l'humain. La vie. Je me sens un peu comme un papier absorbant, je l'étais même trop et avec les années, il m'a fallu apprendre à le gérer. En même temps, j'aime bien cette qualité de pouvoir être touchée par les gens, les choses de la vie, une couleur, une odeur. Souvent, des petites choses m'émerveillent, me rendent heureuse. En même temps, il faut garder les pieds sur terre. Mais ce côté a dû contribuer à m'orienter vers une expression artistique.
- Ecrivez-vous d'abord la mélodie ou le texte ?
- Je n'ai pas de règle. Parfois, c'est une couleur harmonique qui m'inspire, parfois un groove. Parfois, la mélodie survient directement. Il est rare que le texte surgisse en premier, j'ai tendance à l'écrire une fois que la mélodie est bien établie. En revanche, il existe un thème, "Al tramonto", que j'ai composé en pensant à Thierry Péala, ainsi qu'à Bruno Angelini (je l'ai d'ailleurs invité à jouer sur le morceau), même si je ne les mentionne pas dans le texte. Il figure dans mon premier disque. Dans ce titre, les mots et la mélodie se sont déroulés comme un fil, en même temps. C'est très rare.
- Aujourd'hui, y a-t-il une langue qui vous inspire particulièrement pour l'écriture ?
- Pas vraiment. Au tout début, il m'arrivait déjà d'écrire en français. Pour "Inner Dance", j'ai écrit en anglais par souci de cohérence avec le projet. J'avoue que j'adore chanter en anglais ! Pour le disque que j'ai fait en italien en 2002, l'idée n'était même pas venue de moi. C'est un musicien et ami italien qui m'avait dit : "Laura, tu devrais chanter en italien, c'est une langue tellement belle !"
Propos recueillis par A. Y.
Deux chansons inédites
> Laura Littardi : "Wish you were here" (Gilmour / Waters), de Pink Floyd
> Laura Littardi : "Walking in your footsteps" (Sting), de Police
Laura Littardi en concert à Paris
Sunside
Vendredi 25 mai 2012, 21H
Avec Mauro Gargano (contrebasse), Guillaume Dommartin (batterie), Carine Bonnefoy (piano)
60, rue des Lombards
75001 Paris
Réservations au 01 40 26 46 60 ou en ligne
« Inner Dance » (Great Winds / Musea)
Album sorti en janvier 2012
Laura Littardi : chant, composition, arrangements
Carine Bonnefoy : piano
Mauro Gargano : contrebasse
Guillaume Dommartin, Fabrice Moreau : batterie
Francesco Bearzatti : saxophone, clarinette
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