Le DJ et producteur Jamie xx fait des vagues sur le dance-floor avec son nouvel album "In Waves"
Il y a neuf ans, son premier album solo In Colour (2015), un patchwork chatoyant de textures et de styles, traçait un chemin à part et bousculait la dance music britannique. Architecte sonore du trio d'indie pop The xx (avec Romy Madley Croft et Oliver Sim), le DJ, producteur et remixeur Jamie xx démontrait, avec cette échappée en solitaire, sa science inouïe du sample. Ou comment composer des hymnes fiévreux d'une profondeur inédite, en piochant dans n'importe quelle source sonore et surtout dans l'incroyable banque musicale qu'abrite son cerveau.
Jamie xx sort vendredi 20 septembre son second album solo, In Waves. Et c'est à une nouvelle orgie de textures, de sensations auditives et de grooves malins que nous convie ce disque inspiré, assuré de nous faire danser en cette rentrée.
Comme dans le premier clip réalisé pour cet album, Treat Each Other Right, c'est à une fête décadente de fin du monde, où rien ne tourne rond, que nous invite le magicien du son. Car sa musique charrie avec finesse sous la boule à facettes toute l'anxiété mélancolique de l'époque. On est loin ici de la dance impérieuse et triomphante au kilomètre. Celle de Jamie xx hoquète, frissonne et s'inquiète, sous son euphorie contagieuse de raveuse.
Depuis 2015, Jamie xx n'est pas resté inactif. Il a composé le troisième album de The xx I See You (2017), il a coproduit et produit les albums de ses comparses Romy Madley Croft (Mid Air, 2023) et Oliver Sim (Hideous Bastard, 2022).
Il a également composé pour un ballet et travaillé pour Frank Ocean et Tyler The Creator. Il s'est aussi découvert une passion pour le surf, qui le pousse à se rendre régulièrement à Biarritz pour prendre la vague – sans doute une des références du titre de ce nouvel opus, In Waves.
De nombreux amis conviés à la fête
Cet album, le Londonien l'a entamé en 2020, durant la pandémie. James Smith, de son vrai nom, a commencé par se replonger dans sa discothèque et celle de ses parents, pleines de vieux disques de soul et de jazz (dont on retrouve la trace sur plusieurs titres), renouant avec l'enthousiasme de ses jeunes années, lorsqu'il mixait fébrilement sur la paire de platines offerte par deux de ses oncles pour ses 10 ans. Un temps pour lui, qui a réactivé, dit-il, la fraîcheur de sa créativité initiale.
Cette fois, le timide et discret Jamie ouvre enfin grand les portes de son studio, et invite nombre de voix amies : celles de Romy et Oliver (Waited All Night), de la chanteuse suédoise Robyn à qui il donne de faux-airs de Madonna entre deux coups de castagnettes (Life), de Honey Dijon (Baddy On The Floor), et celles, hagardes et cotonneuses, de Kelsey Lu, Panda Bear et John Glacier (Dafodil). On remarque également la présence de la chorégraphe irlandaise Oona Doherty sur le final Falling Together, et celle du duo australien The Avalanches (All You Children), ceux-là mêmes dont Jamie xx dit avoir disséqué et imité les méthodes de production dès l'adolescence.
Même sans personne au micro en studio, cet album reste très bavard. Il nous chuchote (littéralement) à l'oreille : "Respire. Le passé est révolu, le futur est incertain. Sois reconnaissant pour le moment présent. Ici et maintenant." Cette voix brumeuse, sur Breather, c'est celle du prof de yoga dont il suivait les cours sur YouTube durant le confinement.
Un talent de prestidigitateur
Le brouhaha des conversations sur le dance-floor s'invite aussi régulièrement dans le champ de notre conscience, jetant habilement le trouble dans la mémoire intime de chacun – ce sentiment de "déjà-vu, déjà vécu". C'est particulièrement vrai sur le titre le plus stupéfiant du lot, Still Summer, qui emprunte sa mélodie au Nights in White Satin des Moody Blues. Ce hit de 1967 qui toquait à notre mémoire sans qu'on puisse d'abord l'identifier, est ici haché menu, transfiguré et twisté avec un talent de prestidigitateur, et on imagine sans peine la transe hédoniste qu'il va susciter en club.
Ailleurs, Jamie, 35 ans, dont l'érudition est digne d'un musicologue, n'hésite pas à dévoiler crûment les coutures de son travail de sorcier du son, une façon de remettre en avant des artistes oubliés. Ainsi, sur l'obsédant Treat Each Other Right, qui sample un titre soul de 1975 (Oh My Love de Almeta Lattimore), il met soudain à nu le titre original en version accélérée, avant de faire repartir les infrabasses à l'attaque des hanches avec une furia irrésistible.
Jamie Smith ose tout, mais il est exigeant. Il avoue d'ailleurs avoir refait cet album plusieurs fois, gagné par le doute et de soudaines poussées d'inspiration. Son travail minutieux d'orfèvre fait toute la différence. Denses, sensibles, intelligents et pleins à craquer de surprises, la plupart des morceaux d'In Waves n'en restent pas moins taillés pour le dance-floor. Une prouesse.
Il a d'ailleurs lancé à Londres en mai dernier son propre club sur mesure, The Floor, pour dix nuits intenses en résidence au MOT, un night-club du sud-est londonien, où il conviait les DJ et artistes qu'il aimait jusqu'au petit matin. Cette réalisation d'un vieux rêve s'est poursuivie cet été avec cinq nuits de folie à New York et cinq autres à Los Angeles. On adorerait qu'il lance une résidence en France. À Biarritz, où il en profiterait pour prendre la vague ?
Jamie xx "In Waves" (XL/Beggars) sort vendredi 20 septembre 2024
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.