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Retour sur 10 ans de Nuits Sonores avec Vincent Carry

Le festival électronique Nuits Sonores souffle ses dix bougies du 16 au 20 mai à Lyon. Son fondateur Vincent Carry revient pour nous sur la genèse de la manifestation et exprime ses souhaits pour le futur.
Article rédigé par franceinfo - Laure Narlian
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Vincent Carry, fondateur et directeur des Nuits Sonores.
 (Arty Farty)

Comment sont nées les Nuits Sonores ?
Vincent Carry :  Plusieurs raisons concomittantes ont présidé à sa naissance. Je travaille dans le milieu de la musique depuis 1988 : clubs, magasins de disques, raves, agences de booking. En 1996, je deviens journaliste et en avril 2002, je constate une montée de la culture fait-divers dans les médias. A ce moment là, je préviens ma direction que je rendrais ma carte de presse si Le Pen est au second tour de la présidentielle. J’ai tenu parole : le 21 avril, j’ai rendu ma carte et j’ai manifesté.

Le 21 juin, le jour de la fête de la musique, on se dit avec des amis qu’on veut monter un évènement dans notre ville. Il faut savoir que Lyon était dans les années 90, sous Raymond Barre, la capitale de la répression anti-techno. C’est là qu’est née l’association Technopol et que la Techno Parade a été conçue. Mais à ce moment-là, c'est le PS Gérard Colomb qui venait d'être élu (aux municipales de 2001), ce qui constituait une alternance importante dans une ville gouvernée à droite depuis un demi-siècle. Son discours sur la jeunesse et la culture était nouveau.

Sur ma table de cuisine, on s’est retrouvé avec Agoria (artiste et dj techno), les trois filles de la structure Arty Farty et Patrice Mourre (fondateur de Technopol) à écrire un projet. On en a ensuite discuté avec l’équipe du maire de Lyon jusqu’à obtenir son accord. La première édition des Nuits Sonores s'est déroulée en 2003. Elle à réuni 16.000 personnes.

Le teaser de Nuits Sonores 2012

Le festival ressemble-t-il toujours à ce que vous aviez imaginé au départ ?
Oui, les valeurs et la structure de base sont les mêmes. Pour les valeurs, l’instransigeance de la programmation et le caractère urbain d’un festival qui se déroule au cœur de la ville et non pas en périphérie, sont intactes. Comme je dis toujours, nos modèles étaient Les Transmusicales avant l’exil au Parc des Expositions pour le côté urbain, et le festival Sonar de Barcelone pour la programmation. Quant à la structure, elle est toujours là, c’est le même schéma : apéros sonores, circuit électronique, 3 grandes nuits,  et l'utilisation des lieux du patrimoine.

De quoi êtes-vous le plus fier ?
D’avoir conservé ces valeurs mais d’abord que le festival soit toujours là, de même que tous ceux qui l’ont fondé et ceux qui l’ont rejoint entre temps. Nuits Sonores est une manifestation très familiale dans son esprit. Il y a un respect et une connivence au sein de l'équipe qui sont assez rare dans ce milieu. Autre objet de fierté : avoir réussi un projet ambitieux et non institutionnel, aussi bien dans sa philosophie que dans son fonctionnement. Nous sommes auto-financés à 82 % aujourd’hui, le reste se partageant entre la ville (13%), la région (3%) ainsi que l’UE et le ministère de la Culture.

Un regret ?
La conquête de cette indépendance se paye par le fait que nous sommes au millimètre financièrement. Mon regret c’est le fait d’être constamment dans une forme de précarité économique. On ne peut pas s’offrir de tête d’affiche par exemple, mais on n’en veut pas, donc ce n’est pas grave, même si nous faisons une exception relative cette année avec New Order pour fêter nos dix ans.

En terme de fréquentation, vous êtes vous laissé dépasser ?
Jusqu’en 2010, la fréquentation a constamment augmenté, jusqu'à atteindre 80.000 personnes. A cette date, nous avons décidé de brider toute forme de croissance. Depuis l’an passé, nous nous efforçons de redéployer le public en contenant la fréquentation de nuit au profit de la fréquentation de jour. Parce qu’il y a un moment où on ne peut plus à la fois grossir et garder intacte la qualité, l’accueil et même l’esthétique. Au-delà de 10.000 personnes au même moment sur le festival, on ne maîtrise plus. Or, je n’ai ni envie d’exiler le festival en périphérie dans un parc des expositions ni de consacrer 15% du budget à la sécurité.

Meilleur souvenir ?
Le set de Laurent Garnier en 2005, en clôture de la troisième édition. C’est indépassable comme moment culte de notre histoire. C’était aux Salins du Midi, en clôture le samedi. Il a pris les platines à 4h du matin et a terminé à 8h avec le lever du soleil, devant 3.000 personnes. C’est la première fois que nous avons pris conscience, au sein de l’équipe, de l’importance de notre festical. Ca a été une vraie bouffée de confiance salutaire après les trois premières années durant lesquelles on avait vraiment dû déplacer des montagnes pour que les choses se fassent. Au petit matin ce jour-là, l’équipe a eu le sentiment d’avoir gagné le premier round.

Les Nuits Sonores dans dix ans ?
Au départ, je n’étais pas sûr de vouloir faire plus de cinq éditions. J’en ai déjà fait le double. Je pense que Nuits Sonores est un projet très prospectif, très progressif, qui a de l’avenir. Dans 10 ans, j’espère que le festival sera plus international, car je constate que plus le public vient de loin, y compris de l’étranger, plus il est concerné. J’espère aussi que Nuits Sonores sera plus ouvert et qu’il aura une dimension professionnelle et politique encore plus importante.

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