Téléphone : ego, c'est trop !
De tous les membres du groupe, le duo de journalistes n'a réussi qu'à s'entretenir avec la bassiste Corine Marienneau et le batteur Richard Kolinka. De la première, ils soulignent qu'elle a tenu à relire tous ses propos. Et du second qu'il pratique la langue de bois sur les dissenssions au sein du groupe. Jean-Louis Aubert et Louis Bertignac n'ont pas souhaité s'exprimer.
Des dérapages, des fausses notes et des cadavres que traîne dans le placard ce groupe étendard d'une génération, on n'aura donc qu'un seul point de vue, un seul son de cloche. Celui de Corine, la blacklistée, l'humiliée, la "chieuse", que ses anciens complices semblent avoir tenté d'effacer de la photo.
Jean-Louis Aubert a déposé la marque Téléphone
Qu'apprend-on dans cette enquête ? D'abord que treize ans après la rupture de 1986, et sans consulter les autres membres du groupe, Jean-Louis Aubert a déposé en toute discrétion la marque "Téléphone" auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). Initiative restée secrète jusqu'a present. Manifestement, Richard Kolinka l'apprend de la bouche même des journalistes juste après qu'il leur a lâché "De toutes façons, l'histoire, la marque Téléphone, ça nous appartient à tous". A voir.
Chanteur et star incontestée du groupe, Jean-Louis Aubert avait déjà obtenu dès 1983, au faîte de la gloire du groupe, de percevoir 40% des droits d'auteur et de reproduction sur la grande majorité des chansons, les autres se contentant de 20% chacun.
Comment les tentatives de reformations ont échoué
"Une reformation de Telephone, c'est une machine à cash garantie. Surtout pour les membres du groupe !", assure Jules Frutos, président du Prodiss, un syndicat qui regroupe quelque 300 producteurs. Alors, pourquoi ne pas céder et s'offrir un dernier tour de piste aussi jackpot qu'enfièvré ? Parce que quelque chose bloque. Entre Jean-Louis Aubert et Corine Marienneau en particulier.
Des tentatives de recoller les morceaux, il y en a eu. La plus sérieuse remonte à 1999, rappelle "M" le magazine du "Monde". Mais elle a finalement tourné en eau de boudin. Les dissensions entre Aubert et Mariennau étaient trop fortes.
Aujourd'hui, elle admet avoir été pénible à cette époque. Pourtant, c'est peut-être elle, toujours écartée des apparitions publiques, qui désire cette reformation le plus ardemment. Mère d'une grande fille, Corine vit des chèques de la Sacem et de l'utilisation de leur musique pour une publicité Malakoff Médéric. Elle préfère parler de "déformation" que de "reformation". Ce qui en dit long...
Systématiquement écartée, Corine veut absolument participer à une éventuelle reformation
Lassée d'être la laissée pour compte, elle a déposé la marque Téléphone à son tour, pour "marquer le coup", en septembre 2009, sur le conseil de son avocat,. En décembre 2009 alors que les rumeurs de reformation scéniques refont surface, Corine tente le tout pour le tout et écrit à ses anciens complices.
"En aucun cas, je n'ai accepté de 'laisser ma place au sein du groupe' et, au contraire je serais ravie de la reprendre si une reformation était envisagée" (...) Je suis disponible pour des retrouvailles et pour une reformation éventuelles". Sans réponse, elle réitère sa missive en août 2010, au moment où les rumeurs de stade de France sont à leur paroxysme. Elle se dit prête à remonter sur scène et préconise de mettre "nos indéniables différences de point de vue en sommeil afin que ces concerts soient une vraie fête pour le public." Elle ne récoltera une fois encore que le silence.
De quoi est-elle coupable ? D'avoir aimé à la fois Louis Bertignac, l'homme de sa vie, et Jean-Louis Aubert, qui l'a brièvement récupérée alors que le premier l'avait délaissée. Mais aussi, fait aggravant, d'avoir commis un livre de souvenirs, "Le Fil du temps", paru en 2006 chez Flammarion, dans lequel elle disait "sa" vérité et ne ménageait pas ses anciens complices. Et en particulier Jean-Louis Aubert, décrit comme un "manipulateur mégalo".
Les autres membres lui auraient proposé un dédommagement
L'autre révélation des deux journalistes n'est pas à la gloire des protagonistes. Gérard Davet et Fabrice Lhomme évoquent un dîner en 2010 chez Louis Bertignac, auquel assistaient Bruno Delport, le manager de Corine, et François Ravard, le manager du groupe. Bruno Delport témoigne avoir "vite compris qu'il était question d'une reformation, mais sans Corine. Je leur ai dit que c'était minable". Au final, croient savoir les journalistes, il "aurait été proposé (à Corine) un dédommagement à hauteur de 200.000 euros" (soit 50.000 euros chacun, manager compris).
"Financièrement, j'aurais eu intérêt à laisser faire une 'déformation' du groupe. Ca m'aurait assuré ma retraite !", souligne l'interessée. "Mais mes aspirations ne sont pas financières. Dans cette affaire, il y a eu beaucoup de gâchis par une petite surdose de narcissisme, de mégalomanie et d'idôlâtrie." Une histoire typique de rock and roll, qui n'a pas épargné ceux qui rêvaient si fort d'un autre monde.
Téléphone "Un autre monde"
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