Enregistré sans public, le festival de la chanson de Sanremo, véritable institution italienne, démarre ce soir
Extrêmement populaire, certains le jugent immoral, suranné ou kitsch : le festival de la chanson italienne de Sanremo est avant tout une institution qui chaque année captive des millions de fans. Sa 71e édition commence ce mardi soir, 2 mars.
Que ce soit pour ses mélodies grandiloquentes, ses polémiques ou les tenues frisant le mauvais goût de certains invités, le festival de cinq jours débutant ce mardi, retransmis en direct à la télévision, est devenu au fil des ans un passe-temps national inspirant à la fois nostalgie et dérision.
Zlatan Ibrahimovic en guest star
Cette année, la pandémie a privé de public les chanteurs, et la mannequin Naomi Campbell a dû renoncer à une apparition en raison des restrictions imposées aux voyages. En lot de consolation, le charismatique attaquant de l'AC Milan Zlatan Ibrahimovic sera présent en guest star lors de la soirée d'ouverture, qui chaque année attire quelque dix millions de spectateurs pour voir les stars de la chanson italienne et commenter les controverses sur les accusations de play-back et de plagiat, les querelles d'ego entre people ou les faux-pas en matière de garde-robe.
Paolo Soddu, co-auteur en 2001 d'un ouvrage sur "le Festival", y voit "un rituel national", une expérience partagée qui révèle "le rêve collectif" de la nation italienne. "Que ça vous plaise ou non, on en parle. Même si vous haïssez le festival, vous le regardez", explique-t-il à l'AFP.
De Mina à Andrea Bocelli
Le festival est né en 1951 pour promouvoir le tourisme dans la ville balnéaire de Sanremo en Ligurie (nord-ouest). La télévision publique RAI y a vu un canal pour présenter les nouveaux visages de la variété italienne devant un public qui se met sur son 31 pour l'occasion. Devenu au fil des ans un passage obligé, Sanremo a accueilli le gotha des interprètes de la péninsule, du timide Lucio Dalla à l'incomparable Mina en passant par le génial Lucio Battisti et l'élégantissime Ornella Vanoni, et même le ténor Andrea Bocelli.
L'un des premiers à avoir accédé à la célébrité grâce à Sanremo fut Domenico Modugno en 1958 : son refrain entêtant "Volare" sut saisir l'esprit insouciant de l'Italie en plein boom économique, trop heureuse d'avoir tourné les pages sombres de la guerre. Au-delà des grands noms de la chanson italienne, le festival a aussi accueilli des stars de renommée mondiale comme Shirley Bassey, Dusty Springflied, Sonny and Cher ou Louis Armstrong.
Une tragédie et des scandales
Les controverses sont légion : Adriano Celentano fit scandale en 1961 en tournant le dos au public, en 2010 une chanson sur l'euthanasie fut jugée de mauvais goût. Le festival a aussi été marqué par la tragédie, notamment en 1967 lorsque Luigi Tenco se suicida quelques heures après l'élimination de sa chanson Ciao amore, ciao, chantée avec sa célèbre petite amie d'alors, Dalida.
Ces dernières décennies, le festival est devenu de plus en plus kitsch, ce qui ne devrait pas surprendre venant d'un événement qui a servi de modèle pour le concours Eurovision, connu pour être le sommet en la matière. Roberto Benigni, la star du film La vie est belle, fit son entrée sur scène à califourchon sur un cheval blanc, Dita von Teese exécuta un strip-tease à l'intérieur d'un verre à martini géant.
Tremplin
L'an dernier, le rappeur Achille Lauro a déboutonné sa cape en velours noir richement brodée pour dévoiler une combinaison moulante presque transparente, destinée selon ce blond platine couvert de tatouages à rappeler le geste de saint François d'Assise se dépouillant de ses vêtements pour signifier son renoncement aux richesses matérielles.
Les poids-lourds de la scène musicale, surnommés les "big", monopolisent l'attention avec des chansons inédites, mais le festival est aussi l'occasion de se faire un nom pour des jeunes moins connus. Les vainqueurs sont choisis à l'issue d'un vote mêlant public, journalistes et téléspectateurs.
Edition sans public
L'édition 2021 a accouché d'un scandale avant même d'avoir débuté : le présentateur vedette de la soirée, Amadeus, qui demandait obstinément qu'un public soit présent physiquement malgré la pandémie, s'est attiré un torrent de critiques alors que la crise sanitaire a mis au chômage de nombreux artistes.
La direction de la Scala de Milan et l'évêque de Sanremo ont même fait pression jusqu'à ce que le ministère de la Culture confirme l'interdiction d'un public en chair et en os.
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