Etienne Daho : le "Blitz" musical du parrain de la pop française
Eté 2017: première écoute
Le 7 juillet dernier était un jour de canicule. Se réfugier au frais au Studio de la Seine, Paris 6e arrondissement était réjouissant. Mais la véritable bonne raison était la première écoute du prochain album d'Etienne Daho. Son 12e en 40 ans de carrière.
Un jour de canicule c'était bien choisi, car le single s'appelle "Les flocons de l'hiver". Une ballade qui dit "tout est blanc, tout givré, tout innocent, tout figé, c'est l'hiver en été". Une ballade assurément trompeuse. Daho y évoque l'été 2013 quand il frôla la mort. Le blanc de l'hôpital devient celui d'une neige estivale. L'écriture de Daho est sinueuse, mais elle parle de lui, le jeune homme chic et secret. Ne disait-il pas en 2015 dans un documentaire sur Arte : "Rien ne vaut ce moment, quand la musique que je suis en train de fabriquer devient la bande son de ce que je suis en train de vivre".
Je suis un psychopathe du son
Les 12 titres sont découverts. Pas tout à fait terminés, mais personne ne sent les défauts de ces morceaux. Etienne Daho apparaît, nul ne l'a vraiment vu arriver. Il est ainsi, discret, comme toujours intimidé. "Vous avez trouvé cela comment ?" demande-t-il. Il n'attend pas de réponse, trop élégant pour cela. Il insiste surtout sur "L'album n'est pas fini. Vous savez, je suis un psychopathe du son. Et dans ces chansons, il y a tellement d'arrangements que les équilibres sont précaires. C'est minutieux." C'est lui qui le dit et cela lui colle si bien à la peau, la minutie. Tellement d'arrangements, la réflexion est juste. Etienne donne le climat et la clé de Blitz, des couches musicales superposées, un enchevêtrement subtil.
12 titres : revue des chansons
Quelques mois plus tard, l'hiver est vraiment arrivé. Daho a bossé en studio et l'album est terminé. "Elles dévalent la vallée", ce sont les premiers mots du nouvel opus. Les filles du canyon déboulent avec une puissance inquiétante, les guitares sont ravageuses et on imagine Daho au volant d'une Buick Riviera sur une route poussiéreuse, volume à fond. Un peu poseur comme sur les Unes des magasines qui s'affichent sur les kiosques. Un western de David Lynch ferait l'affaire. Suite avec la plage 3 : c'est "Le jardin". Daho reprend la main avec sa voix couleur carmin, une pensée à sa soeur défunte. La mélancolie et le paradis perdu sont les terrains vagues à l'âme de Daho.
7e morceau "Voodoo voodoo", métallique et puissance toujours, la voix se faufile, s'insinue comme un serpent dans le brouhaha. Il est loin le temps où certains mettaient en doute la voix du chanteur. Pour son album qui pourrait bien être son plus rock, Etienne Daho glisse du côté de Depeche Mode, parfois de U2, toujours des Brits assurément. Avec un invité mystère : Syd Barrett.
Un hommage à Syd Barrett
L'album a été écrit à Londres d'où le titre "Blitz" et une référence à un Londonien disparu en 2006 : Syd Barrett qui fascine Daho depuis toujours. Fondateur des Floyd, icône brûlée des années 60, inventeur de folie, Barrett sombrera dans la maladie mentale mais laisse l'image du génie en musique. Daho dit souvent que les mélodies et les mots lui ont sauvé la vie. Lui aussi fut un brulé. Mais contrairement à Syd Barrett, il n'a pas renoncé et à 60 ans, il a traversé les époques. Aujourd'hui, même s'il est en voie de devenir le parrain de la pop française, il montre qu'il n'a aucune envie de se poser et de se retourner vers le passé, pour le regretter.Les 12 morceaux produits avec Fabien Waltmann et Jean Louis Pierot prouvent qu'il est toujours un chercheur, un laborantin des mélodies et des sons, l'un des meilleurs de la Pop française.
L'album "Blitz" (Virgin) d'Etienne Daho sort vendredi 16 novembre
Expo: "Daho l'aime pop" à la Philharmonie de Paris à partir du 5 décembre 2017
A lire:
"Daho" de Christophe Conte chez Flammarion
"Avant la vague. Daho 78/81" de P. R. Worms aux editions RVB Books
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