Eurovision : glamour et paillettes à Kiev, mais toute l'Ukraine ne fêtera pas
Un an après une victoire très politique de l'Ukraine devant la Russie, l'émission aux 200 millions de téléspectateurs, connue pour avoir révélé le groupe suédois ABBA, promet une soirée de strass et de paillettes. Mais la fête se tiendra de nouveau dans un contexte chargé. Elle est organisée sans la candidate russe Loulia Samoïlova et surtout dans un pays meurtri par plus de trois ans de guerre.
Fête et paillettes, Italie et Portugal favoris
Il y a le rendez-vous du glamour et du kitsch qui mêle chorégraphies tapageuses et costumes extravagants. Et il y a les candidats : un énergique Italien affublé d'un faux gorille, un crooner portugais en attente d'une greffe de coeur ou encore un duo roumain alliant rap et chants tyroliens qui figurent parmi les 26 prétendants qui se produiront sur la scène du concours. Avant le traditionnel - et interminable - décompte des voix, le spectacle sera ouvert par Israël avec le chanteur IMRI et clos par la France qui espère son premier succès depuis 1977 avec Alma, 28 ans.L'attention se portera en particulier sur le favori des bookmakers, Francesco Gabbani, voix éraillée et moustache rétro, qui a conquis l'Italie avec son entraînant "Occidentali's karma". Le chanteur de 34 ans interprète la chanson aux paroles saupoudrées de références orientales avec un danseur costumé en gorille.
Autre candidat surveillé : Salvador Sobral. Encore inconnu il y a quelque semaines, l'artiste portugais de 27 ans à la barbe clairsemée, qui souffre d'une sévère insuffisance cardiaque, a conquis le public avec son mélancolique morceau jazzy "Amar Pelos Dois" (Aimer pour deux).
Géopolitique : la Russie absente
Conçu comme un ferment d'unité européenne, le concours de l'Eurovision disputé pour la première fois en Suisse en 1956, en pleine Guerre froide, est devenu une chambre d'écho des rivalités nationales. En gagnant le concours l'an dernier, Jamala a ramené l'Eurovision en Ukraine, déjà pays hôte en 2005. Elle était arrivée première avec une ballade évoquant les persécutions subies à l'époque soviétique par les Tatars de Crimée, la péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014. Cette victoire avait logiquement irrité la Russie, d'autant plus que son candidat partait grand favori et était arrivé premier du vote des téléspectateurs. Pénalisé par le vote des jurys professionnels, il avait fini troisième.Cette année, la candidate russe Ioulia Samoïlova, une jeune femme de 27 ans (qui se déplace en fauteuil roulant) a été interdite d'entrée par Kiev pour avoir chanté en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014. Cela a conduit au refus de la Russie de diffuser l'événement et à l'exclusion du pays. Un autre candidat, le Bulgare Kristian Kostov, âgé de 17 ans, s'est également produit en Crimée après son rattachement à la Russie. La délégation bulgare à l'Eurovision a confirmé les faits mais a expliqué qu'il n'avait alors que 14 ans et que "l'accord de ses parents n'avait pas été demandé et qu'il n'était pas accompagné par eux" a annoncé la télévision publique BNT.
Kiev d'un côté, l'est de l'Ukraine de l'autre
Pour l'Ukraine qui a pris il y a trois ans un virage pro-occidental, cette édition constitue surtout une chance de montrer un autre visage au moment où les forces de Kiev combattent des séparatistes prorusses dans l'est du pays dans un conflit qui a fait plus de 10.000 morts.La capitale ukrainienne a déployé d'importants moyens pour accueillir les visiteurs étrangers dans une atmosphère de fête. L'avenue Khrechtchatik, principale artère du centre ville, accueille une vaste zone réservée aux fans avec une scène dédiée. "Cela veut dire beaucoup pour nous de pouvoir accueillir l'Eurovision dans de bonnes conditions", assure à l'AFP Anastasia, retraitée en promenade sur les lieux. Des mesures de sécurité importantes ont été appliquées, la police patrouillant avec des armes semi-automatiques. "Nous faisons des efforts pour nous rapprocher de l'Europe, nous nous réformons en permanence. Ce n'est pas juste un concours de chanson mais une occasion de montrer ce que nous sommes capables de faire", explique Irina, 20 ans, après avoir pris un selfie devant un logo de l'Eurovision.
Dans l'est de l'Ukraine en guerre, les jeunes, fans de l'Eurovision, se préparent à un samedi soir terne : le concours n'y sera pas diffusé à la télévision. La préoccupation peut paraître bien futile pour les quatre millions d'habitants des régions qui ont entamé leur quatrième année de conflit. Mais c'est un symbole de vie. Les amateurs les plus enthousiastes comptent bien braver les obstacles pour visionner la finale et se joindre aux plus de 200 millions de téléspectateurs attendus. Internet leur permettra de contourner le boycott de l'Eurovision par la télévision russe, la seule diffusée dans la région contrôlée par les séparatistes prorusses.
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