: Infographies Eurovision : pourquoi la France est mauvaise perdante
Lisa Angell, la candidate de la France, dénonce une "injustice", après sa 25e place, sur 27, à la dernière édition du concours. Francetv info vous explique pourquoi cela n'est pas vraiment le cas.
Mauvaise perdante, la France ? Lisa Angell l'assure : elle a "les boules", après son échec à l'Eurovision, samedi 23 mai. La candidate tricolore a fini 25e sur 27 lors de la 60e édition de la compétition, avec quatre maigres points. La malédiction se poursuit donc pour l'Hexagone, qui n'a pas gagné depuis L'Oiseau et l'Enfant de Marie Myriam... en 1977
Une fois de plus, cette piètre performance ravive la polémique : le concours de l'Eurovision a-t-il encore un sens, ou est-il perverti par des considérations géopolitiques, avec notamment des alliances entre les pays d'Europe de l'Est ? "La musique et la politique, ça ne marche pas", tacle l'interprète de N'oubliez pas.
"Il faut que la France arrête de participer à cette mascarade", tempête Nathalie André, la directrice de l'unité jeux et divertissements de France 2. Mais pourquoi tout le monde est-il si méchant avec nous ? A-t-on raison de bouder ainsi après un énième échec ? Pas vraiment... Francetv info vous explique pourquoi.
Parce que la Russie et ses amis ne trustent pas la place de numéro 1
Depuis l'éclatement de l'URSS en 1991, le nombre de participants a explosé. Lors de cette 60e édition, 40 pays ont concouru. C'est deux fois plus que dans les années 1980. Et, incontestablement, l'arrivée des ex-républiques soviétiques a bouleversé les anciens équilibres du concours.
"Les pays de l'ancienne URSS sur-votent massivement pour la Russie", constate le géographe Jean-François Gleyze, dans une étude sur les votes à l'Eurovision. Cette année, huit pays de l'ex-URSS participaient au concours, et ont octroyé à eux seuls 73 points à la candidate de Moscou, Polina Gagarina, soit près d'un quart de son total de points.
Malgré leur poids dans le concours, les anciennes républiques soviétiques ne trustent pas le haut du classement. Depuis 1992, première édition après l'éclatement de l'URSS, elles n'ont remporté le concours qu'à cinq reprises. Moins bien que les pays nordiques et leurs huit victoires. Et pas suffisant pour empêcher d'autres pays de gagner à onze reprises. A priori, l'échec de Lisa Angell n'est donc pas dû à un complot de Vladimir Poutine.
Parce que nos voisins s'en sortent mieux que nous
La France bénéficie d'un avantage dans la compétition : elle fait partie du "Big Five". Pour nous, comme pour l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni, pas besoin de passer par l'épreuve des demi-finales : nous sommes automatiquement qualifiés pour la grande finale du concours. En quelque sorte, l'Hexagone achète son ticket, puisque nous devons ce petit coup de pouce à notre statut de contributeur majeur à l'Union européenne de radio-télévision, l'organisateur de l'Eurovision.
Et nos voisins ont beau ne pas être d'anciens membres de l'URSS, surprise, ils s'en sortent sensiblement mieux que nous ces dernières années. Le constat est net, quand on rapporte, pour chaque édition, le nombre de points obtenus par leurs représentants au nombre de points maximum possible.
Après plusieurs années d'absence, l'Italie a ainsi fait son retour dans la compétition en 2011, avec succès. Lors des cinq dernières éditions, ses représentants ont récolté un score moyen de plus de 30% selon notre mode de calcul, quand la France n'obtient même pas 8%. Les candidats transalpins ont terminé troisièmes de l'édition 2015, avec l'une des rares chansons qui n'étaient pas en anglais.
Outre-Rhin aussi, les performances sont meilleures. L'Allemagne essuie un gros gadin cette année, avec la dernière place et aucun point pour sa candidate, mais nos voisins affichent tout de même un score moyen proche des 14% sur les dix dernières éditions. Et se sont même offert une victoire, pas plus tard qu'en 2010, avec leur chanteuse Lena.
Parce que personne (ou presque) n'a aimé la chanson
Ce n'est pas la première fois que la France évoque la géopolitique des votes après un tel échec. Après de nombreuses critiques similaires, le système de vote a été modifié à partir de 2009. Depuis lors, les téléspectateurs ne sont plus les seuls à décider du gagnant de la compétition : le résultat est à moitié déterminé par un jury de professionnels, censé atténuer les alliances historiques. "On va pouvoir gommer le vote un peu géopolitique des autres années", expliquait à l'époque le directeur des antennes de France 3, qui retransmettait la compétition.
Et effectivement, cette année, le jury a été plus clément envers Lisa Angell que ne l'ont été les téléspectateurs. Sur tout le continent, derrière leur petit écran, ils ont presque unanimement rejeté N'oubliez pas : dans 31 pays, le public a classé la Française à la 20e place ou au-delà. Ils n'étaient que 11 jurys nationaux à être aussi sévères.
Ne croyez pas pour autant que Lisa Angell a convaincu les professionnels. S'ils avaient été seuls à décider de son sort, la Française aurait certes récolté 24 points au lieu de quatre, mais elle serait tout de même restée dans les tréfonds du classement.
Parce que même l'Australie ne veut pas de nous
Pour finir de se convaincre de notre échec, prenons de la distance et partons loin, très loin, avec l'Australie. Vous ne rêvez pas : le pays était cette année l'invité d'honneur de la compétition, pour célébrer la 60e édition de l'Eurovision et récompenser au passage la fidélité des téléspectateurs australiens au concours.
S'ils avaient été les seuls à voter, le classement aurait été quasiment inchangé. Måns Zelmerlöw aurait quand même gagné le concours pour la Suède, devant la Russie et l'Italie. De quoi relativiser les conséquences du vote géopolitique.
Quid de Lisa Angell dans tout cela ? Il faut croire que l'Australie a des goûts qui ne sont pas si éloignés de ceux des Européens : le jury comme le public ont relégué la Française dans les bas-fonds du classement. Son sort serait resté inchangé : là aussi, elle aurait terminé antépénultième, devançant seulement le Monténégro et l'Albanie. Et si le problème, finalement, c'était la chanson ?
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.