Huit tubes de Bob Marley et leur message de paix et d'émancipation entendus dans le biopic "One Love"

Alors que sort ces jours-ci le premier biopic sur Bob Marley, "One Love", retour sur quelques-uns des nombreux tubes de l'icône du reggae entendus dans le film et leur message imprégné de religion rastafari.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Bob Marley jouant sur scène en juillet 1980 au Brighton Leisure Center (Grande-Bretagne). (MIKE PRIOR : REFERNS / GETTY IMAGES)

Avec ses chansons, Bob Marley disait vouloir mener "une révolution qu’aucune arme ne pourra arrêter". Il disait aussi que sa musique durerait toujours. Cinquante-deux ans après sa mort, en 1981, à l'âge de 36 ans, force est de constater qu’il disait vrai : ses nombreux tubes, odes à la paix et à l'émancipation, imprégnés de sa foi en la religion rastafari, sont aussi frais et pertinents que lors de leur composition, et ils continuent de galvaniser les foules.

Dans cette playlist, qui fait office de piqûre de rappel avant la sortie événement le 14 février du biopic Bob Marley: One Love de Reinaldo Marcus Green, on retrouve plusieurs titres de l’album Exodus (Jamming, Exodus, Natural Mystic et One Love), paru en juin 1977. Considéré comme l’apogée créatif du roi du reggae, ce disque qui a propulsé Marley au rang de superstar se trouve en effet tout naturellement au cœur du biopic qui se concentre sur les années 1976 à 1978.

Produit par Chris Blackwell, le patron du label Island, Exodus a été enregistré à Londres où Marley et les Wailers s’étaient réfugiés, après qu’il eut miraculeusement réchappé d’une tentative de meurtre à son domicile de Kingston (Jamaïque), fin 1976. Suite à ce traumatisme, le disque semble conçu comme un manuel de survie spirituelle pour surmonter conflits et trahisons. Il s’est transformé en bréviaire universel pour surmonter les épreuves et aller de l’avant, et il l’est encore aujourd’hui, comme beaucoup de classiques de Bob Marley.

"Get Up, Stand Up" (1973)

Co-écrite avec Peter Tosh, cette chanson est une des plus puissantes du répertoire de Marley : militante, vibrante d’urgence, elle est selon Chuck D de Public Enemy, qui la reprise à sa sauce, "un cri de guerre contre l’oppression". Marley l'a écrite au retour d’un voyage à Haïti, où il avait pu constater l’immense dénuement des populations. Les paroles invitent l’auditeur à se lever contre l’injustice, pour l’égalité, et à se battre pour ses idéaux. Un hymne galvanisant qui transcende les époques, les pays et les causes. Dans le biopic, c’est un des premiers hits que l’on entend, alors que Marley tente de percer dans un contexte de violences politiques exacerbées en Jamaïque.

"Jamming" (1977)

Extraite de l’album Exodus, Jamming est une des chansons les plus connues de Marley, également une des plus pop, avec un groove irrésistible, que l’on doit à la remarquable section rythmique des Wailers (Aston et Carlton Barrett) asticotée par la guitare solo de Junior Marvin, recruté par le groupe à l'époque de ce disque. L'allégresse de Jamming est contagieuse. Les paroles, soulignées par les chœurs des I-Threes (dont fait partie Rita Marley) parlent de faire la fête, se persuadant de la confiance retrouvée après le traumatisme de la tentative de meurtre dont Marley a fait l’objet : "Aucune balle ne pourra plus nous arrêter / Nous ne mendierons ni ne nous inclinerons plus / Nous ne saurions être ni achetés ni vendus", chante-t-il. 

"Exodus" (1977)

"Ouvre les yeux. Es-tu satisfait de la vie que tu mènes ?", demande Marley dans cette chanson militante et énergique au rythme marqué. Dotée d’une basse funky et d’une batterie presque disco, elle donne son nom à l’album enregistré à Londres, dont on entrevoit l'élaboration en studio dans le biopic. Exodus, comme l’Exode, cet épisode biblique dans lequel Moïse menait les Hébreux hors d’Égypte, où ils avaient été réduits en esclavage. Une histoire qu’il mêle à celle des rastas marginalisés qu’il presse de se mettre en route loin de Babylone, vers une terre promise, celle de l’Afrique (qui tient aussi lieu de métaphore spirituelle). "Nous savons où nous allons / Nous savons d’où nous venons / Nous quittons Babylone / Nous rejoignons notre mère patrie". Ce single fut le premier de Marley à être massivement joué sur les radios afro-américaines aux États-Unis, marquant une nouvelle étape dans sa popularité.

"Natural Mystic" (1977)

Dans le biopic, ce morceau marque un tournant, lorsque Bob Marley décide de s’adresser à un public plus large et se met en quête d’un nouveau son. Voici venu "le temps de la Révélation", dit-il. Natural Mystic est le titre d’ouverture de l’album Exodus. Une méditation mélancolique et fataliste sur les injustices et les contradictions de la vie. Au début de la chanson, le son monte imperceptiblement, de sorte qu’on a l’impression troublante que les musiciens se rapprochent de nous, doucement, mais sûrement. À la guitare, Junior Marvin fait merveille avec ses petits motifs qui entrent et sortent autour de la voix. Dans ses paroles, Marley fait allusion au livre des Révélations, selon lequel le cycle des souffrances à endurer n’est pas terminé. Certes, "Il souffle dans l’air une mystique naturelle", mais "Bien d’autres encore devront souffrir, bien d’autres encore devront mourir, ne me demande pas pourquoi", chante-t-il. Cependant, comme souvent, ses paroles s'apprécient davantage à l'écoute qu'à la lecture, tant les inflexions de sa voix, qui porte à elle seule la mélodie, sont chargées de sens.

"Simmer Down" (1963)

Comme on le voit dans un flash-back réjouissant du biopic, les jeunes Wailing Wailers décrochent en 1963 une audition avec le producteur Coxsone Dodd, patron du label discographique Studio One, ouvert quelques mois plus tôt à Kingston. Mais Coxsone est loin d’être convaincu par leur prestation. Alors qu’il les congédie sans ménagement, le groupe insiste pour lui jouer une dernière chanson, Simmer Down, un ska énergique dont les paroles demandent aux violents gangs jamaïcains de calmer le jeu. Coxson enregistrera finalement ce titre avec les Wailers, auxquels il adjoindra quelques musiciens maison connus sous le nom de Skatalites. Le single sera numéro un en Jamaïque en 1964. Le premier hit de Bob Marley et ses Wailers.

"No Woman, No Cry" (1975)

Dans cette chanson, dont la meilleure version et la plus connue a été enregistrée sur scène à Londres en 1975 et se trouve sur l’album Live ! (la première version figurant sur l’album Natty Dread de 1974), Marley demande à une femme, semble-t-il la sienne, Rita Marley, de ne pas pleurer sur le passé et d’aller de l’avant. Ce faisant, il se souvient de leur jeunesse démunie dans le ghetto de Trenchtown à Kingston, où ils étaient heureux de partager une simple bouillie de maïs. Bien qu’il l’ait écrite lui-même, Marley a crédité la chanson à son ami d’enfance Vincent Ford, qui tenait une soupe populaire en Jamaïque, afin qu’il touche les royalties et continue à nourrir les déshérités. Reprise par d’innombrables artistes, de Gilberto Gil aux Fugees et à Joe Dassin, cette chanson à la mélodie entêtante est devenue une des nombreuses prières de Marley partant de l’intime pour accéder à l’universel.

"One Love" (1977)

Inspirée du hit de Curtis Mayfield and The Impressions People Get Ready (1965), One Love fut d’abord un ska dans le premier album des Wailing Wailers (1965), avant de devenir un classique dans sa version remaniée pour l’album Exodus, une dizaine d’années plus tard. One Love est une prière lumineuse et entraînante, un plaidoyer pour l’amour fraternel dans lequel Marley appelle de ses vœux l’unité de l’humanité et réaffirme sa gratitude et sa foi en Jah (Dieu dans la religion rastafari). Après les semi-ténèbres des débuts vient la lumière, idéale pour refermer l’album Exodus.

"Redemption Song" (1980)

Ce classique figure dans le tout dernier album studio sorti du vivant de Marley, Uprising (1980). Le roi du reggae sait alors qu’il est atteint d’un cancer et, selon Rita Marley, qu’il n’en a plus pour longtemps à vivre. Ce titre ultra-dépouillé, un folk dans lequel il est seul à la guitare sèche sans accompagnement, referme l’album et apparaît comme un adieu, dans lequel il résume une dernière fois son message de liberté et d’autodétermination, inspiré à la fois des écrits bibliques et de l’un de ses maîtres à penser, le militant noir Marcus Garvey. "Émancipez-vous de l’esclavage mental, personne d’autre que nous ne peut libérer nos esprits", recommande-t-il, invitant l’auditeur à "chanter ces chants de liberté, car je ne connais que des chants de Rédemption".

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