"Il Cannone", le plus célèbre violon de Paganini révèle ses secrets aux rayons X

Considéré comme inestimable, il est aujourd'hui la pièce maîtresse du musée de Gênes d'où il ne sort que rarement et sous très haute sécurité.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Un scientifique présente l'analyse aux rayons X du violon le plus célèbre du monde, "Il Cannone", à Grenoble, le 11 mars 2024. (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

C'est l'un des violons les plus célèbres au monde : "Il Cannone", instrument favori du grand compositeur italien Niccolò Paganini, a passé ce week-end une visite médicale high-tech au Synchrotron de Grenoble (ESRF) où il a été scanné sous toutes les coutures. "Rêve" ou "expérience fantastique", selon ses protagonistes, les tests visaient à évaluer son état de conservation, mais aussi à mieux comprendre ce qui en fait un "instrument exceptionnel", notamment en analysant la structure de son bois.

par le synchroton de Grenoble
Expertise violon "Il Canone" de Paganini par le synchroton de Grenoble (France 3 Alpes / J. Pain / D. Bourget)

Propriété pendant près de quarante ans du maestro qui le légua à sa mort à sa ville natale de Gênes, le "canon", ainsi surnommé pour la puissance de sa "voix", a été fabriqué en 1743 par le célèbre luthier de Crémone, Giuseppe Bartolomeo Guarneri del Gesù.

Pièce maîtresse

Considéré comme inestimable, il est aujourd'hui la pièce maîtresse du musée de Gênes d'où il ne sort que rarement et sous très haute sécurité. Parmi les rares personnes autorisées à en jouer figurent les lauréats du Concours international de violon Paganini, qui a lieu tous les deux ans à Gênes. Il est pourtant venu jusqu'à Grenoble pour y bénéficier d'une "analyse non destructive" au Synchrotron européen (ESRF), un accélérateur de particules de quatrième génération.

Cette technique, appelée micro-tomographie à rayons X, a été testée à l'avance sur deux autres violons par sécurité. Elle offre la possibilité de reconstruire une image 3D du violon jusqu'au niveau de la structure cellulaire du bois, avec la possibilité de zoomer localement n'importe où jusqu'à l'échelle micrométrique, ont expliqué les spécialistes chargés du projet.

Le violon le plus célèbre du monde, "Il Cannone", fabriqué en 1743 et joué par le grand virtuose Niccolò Paganini, à Grenoble, le 11 mars 2024. (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

Pour l'étude, effectuée à la demande de la direction du Concours Paganini, l'instrument était enfermé dans un tube de verre posé sur une machine, elle-même confinée dans une plus grande cage de verre afin que les conditions de température et d'humidité demeurent adéquates, "notre plus grosse crainte", ont confié les membres de l'équipe scientifique.

L'analyse a consisté en "un scan complet à 30 microns pour faire une carte des défauts éventuels, on en a trouvé très peu finalement", puis de zooms encore plus rapprochés sur les zones importantes, a indiqué le scientifique Paul Tafforeau, responsable de la "ligne de lumière BM18", nom de la vaste salle des machines où s'est déroulée l'expérience.

"Le premier objectif, c'est la conservation. Si jamais certains défauts nécessitent une réparation, on aura tous les détails. Travailler sur ce violon était une sorte de rêve"

Paul Tafforeau, scientifique

à l'AFP

Recourant à une dose très faible de rayons X, l'équipe avait à cœur de ne faire courir "aucun risque" au violon, assure l'ancien paléontologue, entre les mains duquel sont passés ces dernières années d'autres artefacts précieux, comme le crâne de Toumaï, plus ancien représentant connu de l'humanité ou de rarissimes fossiles du dinosaure à plumes archéoptéryx.

"Le deuxième aspect, c'est que ça reste un instrument exceptionnel pour ses qualités sonores et avec ces données, on espère mieux comprendre pourquoi il a une telle qualité sonore", a-t-il ajouté.

"Extrême prudence"

"C'est émouvant, il s'agit d'une expérience exceptionnelle", s'est réjouie la Consule générale d'Italie à Lyon Chiara Petracca conviée pour l'occasion. "Cette expérience fantastique, à la croisée de la science, de la musique, et de l'histoire (...) ouvre de nouvelles possibilités pour étudier la conservation d'instruments de musique anciens", a noté de son côté Luigi Paolasini, qui a dirigé le projet à l'ESRF.

"La logistique a été très compliquée parce qu'on n'est pas un musée : les musées ont l'habitude de transférer des objets d'art", a-t-il souligné, notant que l'instrument est "assuré à hauteur de 30 millions d'euros". Les résultats du scanner du violon mettront des mois à être analysés en détail.

Quels qu'ils soient, Alberto Giordano, conservateur à Gênes du précieux instrument, rappelle qu'il est crucial de faire preuve "d'extrême prudence, voire d'abstinence" avec le violon afin de garantir qu'il soit transmis "sans altération aux générations futures". "Moi, je vieillis, mais lui reste pareil, c'est très bien ainsi", plaisante-t-il. "C'est comme le portrait de Dorian Gray, il reste frais comme une rose".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.