Académie du Jazz : le saxophoniste Baptiste Herbin sacré prix Django Reinhardt lors d'une soirée dédiée à Petrucciani
Baptiste Herbin, prix Django Reinhardt 2018 aux inspirations éclectiques
Baptiste Herbin, 31 ans, fougueux saxophoniste originaire de Chartres, a reçu samedi soir le trophée le plus prisé de l'Académie du Jazz, le prix Django Reinhardt. Remis par l'institution depuis 1954, ce prix récompense et encourage un jeune musicien talentueux et prometteur. "Quand j'ai reçu le prix, je ne savais même pas ce que c'était, j'ai regardé sur internet", a-t-il confié à Culturebox."Quand j'ai vu mes pairs comme Alain Jean-Marie ou des frères comme Stéphane Guillaume et Pierrick Pédron parmi les anciens lauréats, j'ai dit 'Ah ! Je fais partie de la famille !' Ça fait plaisir, ça donne confiance et surtout, ça donne envie d'aller plus loin et de continuer les projets musicaux. Ce n'est qu'un commencement." Chaque lauréat de ce prix soutenu par la fondation BNP Paribas reçoit 3000 euros. Baptiste Herbin, dont le dernier album "Dreams and Connections" laisse entrevoir sur certains morceaux sa passion pour le Brésil, va y enregistrer un autre disque en juin avec un effectif 100% local. "C'est le bon moment. Puis je passerai à autre chose de complètement différent... Et j'ai aussi un projet en big band, Herbin plays Herbie." [ndlr : pour Herbie Hancock]
Fabien Mary : son album "Left Arm Blues" sacré Meilleur disque français
Le trompettiste Fabien Mary, 40 ans, a été récompensé au titre du meilleur disque enregistré par un musicien français pour "Left Arm Blues" enregistré sur le label participatif Jazz&People. Une musique née d'un accident : le musicien s'étant cassé le bras droit, il ne pouvait plus jouer de trompette, alors il a écrit en utilisant son bras valide, le gauche.Souvent nommé, jamais primé, il savoure ce moment. Après le concert, il a confié: "Je suis ravi. Je voyais souvent mon nom dans les nommés, et pour une fois on m'appelle et on me dit que je vais avoir un prix ! J'ai toujours aimé écrire des arrangements pour plusieurs cuivres. Ce projet en octet m'a demandé beaucoup de temps en écriture, je suis d'autant plus content qu'il soit récompensé. J'avais composé un répertoire il y a dix ans, et depuis cette époque, à raison d'un ou deux concerts par an, on jouait cette musique. Avec ce bras cassé, c'était le bon moment pour renouveler le répertoire de l'octet. J'en avais envie depuis longtemps mais je n'avais pas trouvé le temps. Mais le disque n'est pas une finalité. Mon but, c'est de jouer la musique sur scène." Actuellement, Fabien Mary écrit un projet pour big band.
Samuel Blaser, musicien européen de l'année 2018
Le lauréat de ce prix peut être distingué pour sa carrière, une année exceptionnelle ou un album remarquable. Le tromboniste suisse Samuel Blaser a succédé à une compatriote, la chanteuse suisso-néerlandaise Susanne Abbuehl, primée dans cette catégorie l'an passé. Blaser, qui multiplie les projets très variés - en solo, trio, quartet... - s'est illustré en France par ses collaborations avec l'éminent guitariste Marc Ducret.
Kurt Elling, prix du Jazz vocal
Cette année, l'Académie n'a pas eu de chance, peu de lauréats ayant pu venir à la cérémonie. Aucun lauréat américain n'a pu faire le déplacement. C'est le cas du chanteur Kurt Elling, primé pour son album engagé "The Question", né du choc de l'élection de Donald Trump. En revanche, l'un des finalistes de la catégorie, le New-Yorkais Allan Harris, était là, ravi de chanter à la Seine Musicale avec l'organiste et pianiste Laurent Coulondre. Ils ont connu un franc succès auprès du public.Kenny Barron, Grand Prix de l'Académie
Pour ce trophée qui récompense le meilleur disque toutes catégories selon le vote de l'Académie, et qui couronne souvent un album international, c'est le pianiste américain Kenny Barron, 75 ans, qui a été distingué pour "Concentric Circles" réalisé avec un nouveau quintet pour le label Blue Note.Un prix spécial pour Martial Solal
Le pianiste Martial Solal, 91 ans, ayant sorti récemment deux disques, l'Académie s'est refusée à le mettre en compétition avec d'autres artistes. Elle a souhaité lui offrir une distinction particulière, a souligné François Lacharme, président de l'institution, qui anime chaque année la cérémonie. "Étant donné sa carrière exemplaire, extraordinaire, espiègle, surtout à en juger par le concert qu'il a donné il y a quelques semaines à la Salle Gaveau, nous avons décidé de lui remettre un prix que nous avons appelé le Prix du Jeune Talent 2018." Connaissant l'humour du pianiste, qui n'était pas présent samedi soir, le clin d'œil devrait lui plaire.Le palmarès 2018 est très masculin, ce qui n'était pas le cas l'an passé (voir le palmarès complet en bas de l'article). François Lacharme avait tenu cette année à combiner la remise des trophées et l'hommage musical à Michel Petrucciani pour le vingtième anniversaire de sa disparition.
Un hommage somptueux à Michel Petrucciani, entre musique et émotion
En seconde partie de soirée, une pléiade d'artistes se sont succédé, tantôt en petite structure, parfois en format All Star, pour jouer la musique de Michel Petrucciani. La plupart des musiciens étaient des amis, des compagnons de route du pianiste. Au début, Alexandre Petrucciani, le fils du pianiste, s'est adressé au public, ému. "Ça fait vingt ans que mon père nous a quittés. C'était très difficile. Aujourd'hui, on est là pour célébrer sa vie. C'est grâce à vous que sa mémoire et sa musique perdurent. C'est vous qui le faites exister à travers votre passion, votre amour pour lui. je voudrais vous remercier infiniment." C'est le pianiste Franck Avitabile, que Michel Petrucciani avait pris sous son aile, qui a ouvert le concert.Autre moment d'émotion, celui où le batteur Aldo Romano, ami et complice musical de la première heure de Petrucciani, est venu d'un pas lent s'assoir à l'avant de la scène pour lire un extrait d'un livre dans lequel il relatait sa première rencontre avec lui en août 1980, son coup de foudre artistique et amical, avant de conclure : "Michel, je me souviens de lui, je l'aime encore passionnément. Il sera aimé pour tout le reste de notre vie."
Le spectacle a été marqué par une succession de moments de swing et d'instants de grâce, alors que le public, radieux, reconnaissait de grands "tubes" de Michel Petruccianni comme "September Second" ou "Looking Up". Diverses générations de musiciens étaient représentées, entre le doyen Aldo Romano, 78 ans, et la benjamine Lucienne Renaudin Vary, jeune trompettiste née le 28 janvier 1999, soit trois semaines après la disparition du pianiste.
Le guitariste Philippe Petrucciani, son frère, participait au concert, tout comme les pianistes Jacky Terrasson et Laurent Coulondre, le trompettiste italien Flavio Boltro, le contrebassiste Géraud Portal. Côté américain, le célèbre saxophoniste Joe Lovano et le batteur Lenny White avaient fait le voyage pour rendre hommage à leur ami français.
Joe Lovano : "Michel était inoubliable, passionné, plein de vie"
Lors d'un échange avec des journalistes après le concert, Joe Lovano a relaté l'impression qu'il avait ressentie en écoutant Michel Petrucciani jouer pour la première fois, en 1982 : "Il était tellement poétique et beau ! Il était un maître de l'expressivité. Il jouait avec une belle expression, du rythme, et la mélodie était fondamentale (...) Il était aussi un improvisateur pur. Michel était quelqu'un d'inoubliable, passionné, plein de vie, d'amour. tout le monde aimait être près de lui et jouer avec lui. Freddie Hubbard et Joe Henderson adoraient jouer avec lui. Il y a beaucoup de pianistes qui, quand vous les écoutez, sonnent comme du piano... Quand vous écoutez Michel, il sonne comme Michel Petrucciani. Je suis heureux d'avoir pu être là ce soir. Quand j'ai fait un de mes solos de saxophone ce soir, je l'ai fait en prononçant 'Mi-chel, Mi-chel, Mi-chel'..."
Le trompettiste Flavio Boltro, qui a joué avec Michel Petrucciani dans les dernières années de sa vie, était sur la même longueur d'onde : "Dès les répétitions, hier [vendredi], je me suis senti très ému. Pas mal de musiciens présents avaient beaucoup joué avec Michel par le passé, moi compris. L'émotion était tellement forte que sa musique sonnait de partout... C'est comme s'il était là. Souvent, quand je me trouve dans un lieu agréable, je pense à Michel et je regrette qu'il ne soit pas là. Ce soir, chaque mélodie a réveillé plein de souvenirs. C'était vraiment génial."
Le palmarès 2018 détaillé
Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année), avec le soutien de la Fondation BNP Paribas :Le saxophoniste Baptiste Herbin
Finalistes : Théo Ceccaldi, Fabien Mary
Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) :
Kenny Barron Quintet "Concentric Circles" (Blue Note / Universal)
Finalistes : Snorre Kirk "Beat" (Stunt / UVM), Steve Coleman "Live at the Village Vanguard, Vol.1" (Pi Recordings / Orkhêstra), Ben Wendel "The Seasons" (Motéma / Pias)
Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) :
Le trompettiste Fabien Mary "Left Arm Blues (And Other New York Story)" (Jazz&People / Pias)
Finalistes : Edward Perraud "Espaces" (Label Bleu / L’Autre Distribution), Andy Emler MegaOctet "A Moment for…" (La Buissonne / Pias), Éric Le Lann & Paul Lay "Thanks a Million" (Gazebo / L’Autre Distribution)
Prix du Jazz Vocal :
Kurt Elling pour l'album "The Question" (Okeh / Sony Music)
Finalistes : Hugh Coltman "Who’s Happy" (Okeh / Sony Music), Allan Harris "The Genius of Eddie Jefferson" (Resilience Music Alliance)
Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) :
Le tromboniste suisse Samuel Blaser
Finalistes : Tord Gustavsen, Aka Moon
Prix de la Meilleure Réédition :
The Savory Collection 1935-1940 (Mosaïc Records)
Finalistes : Radka Toneff & Steve Dobrogosz « Fairytales » (Odin / Outhere), Wynton Marsalis Septet « United We Swing - Best of the Jazz at Lincoln Center Galas » (Blue Engine Records)
Prix du Jazz Classique :
Les Rois Du Fox-Trot "Hommage à Duke Ellington" (Ahead / Socadisc)
Finalistes : Snorre Kirk "Beat" (Stunt / UVM), Brad Child "Meets La Section Rythmique" (autoproduction)
Prix Soul :
Theo Lawrence & The Hearts "Homemade Lemonade" (BMG / Warner)
Finalistes : Bettye LaVette "Things Have Changed" (Verve / Universal), Jamison Ross "All For One" (Concord / Universal)
Prix Blues :
Walter “Wolfman” Washington "My Future Is My Past" (Anti- / Pias)
Finalistes : Delgres "Mo Jodi" (Jazz Village / Pias), Muddy Gurdy "Muddy Gurdy" (VizzTone)
Prix du Livre de Jazz :
Youssef Daoudi "Monk !" (Les Éditions Martin de Halleux)
Finalistes : Serge Loupien "La France Underground 1965 / 1979" (Rivages), Daniel Humair "À bâtons rompus - Entretiens avec Franck Médioni" (Éditions MF)
Prix spécial
"Jeune Talent 2018" : Martial Solal !
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