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André Ceccarelli : un album et une soirée ce soir au Châtelet pour clore en beauté sa carrière de leader

À 67 ans, après un demi-siècle de carrière, le batteur de jazz André Ceccarelli a pris une décision capitale. En novembre, il a sorti un album, « Ultimo », le dernier à son nom. Il s’est entouré d’invités de marque et d’un orchestre classique. Tous se retrouvent lundi à Paris, au Théâtre du Châtelet, pour une soirée qui s’annonce chargée d’émotion. Il a répondu aux questions de Culturebox.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
André Ceccarelli à la batterie
 (Yves Dorison)

Il l’assure, il l’assume. André Ceccarelli ne tiendra plus les rênes d’un projet discographique. Il se contentera d’exercer son métier de batteur – brillant et respecté sur toute la planète jazz – au service des autres. Le Niçois, qui a débuté avec les Chats Sauvages à 16 ans avant de jouer avec Aimé Barelli et, plus tard, accompagner des musiciens comme Brad Mehldau, Chick Corea, Claude Nougaro ou Dee Dee Bridgewater, a participé à des centaines de disques. Il en a enregistré une quinzaine à son nom.

Un casting prestigieux
« Ultimo » sera donc le dernier, comme son nom l’indique. Le casting est fabuleux, comptant des artistes de renommée internationale et des proches, à la grande joie de « Dédé », batteur au grand cœur. Epaulé par l’ingé-son Emmanuel Guiot, André Ceccarelli a invité le chanteur-bassiste Richard Bona, la chanteuse Amy Keyse (elle s’est produite avec Herbie Hancock ou Johnny Hallyday), le vocaliste David Linx, le guitariste Sylvain Luc, le chanteur Alex Ligertwood (son complice dans le groupe Troc), le pianiste Pierre-Alain Goualch, le contrebassiste Diego Imbert, son fils Régis Ceccarelli, lui-même batteur, et, pour l’assister dans la composition, Pierre Bertrand (également arrangeur) et Bernard Arcadio. Quant à l’orchestre classique, il réunit une quarantaine de musiciens : cordes, bois, cors...

La soirée de lundi, au Théâtre du Châtelet, constitue à la fois le concert de création du disque et l’unique spectacle dédié à « Ultimo ». Par la suite, André Ceccarelli espère le jouer en ouverture du Nice Jazz Festival, dont il sera le parrain cette année.


André Ceccarelli : « Un point d'orgue dans ma carrière »

- Culturebox : à quel moment vous-êtes vous dit que « Ultimo » serait votre tout dernier album en tant que leader ?
- André Ceccarelli : Il y a un an et demi, je réfléchissais à ce que j’avais envie de proposer comme projet pour un nouveau disque. En musique, on en fait un nouveau tous les deux ans, un an et demi, il faut recommencer à chaque fois… . Je voulais qu’il soit différent de tous les autres. Je me suis mis à rêver de l’enregistrer avec un orchestre « Mozart », qui compte deux fois moins de musiciens qu'un orchestre symphonique. Je me suis dit alors : « Et si c’était le dernier ? Ça aurait du charme et une certaine tenue de s’arrêter comme ça. »

- Combien de temps vous a-t-il fallu pour prendre cette décision ?
- Ma décision a été prise en trente secondes ! J’ai demandé le feu vert d’Universal (sa maison de disques, nldr) pour ce projet. Je me souviens avoir reçu l’accord le 15 juillet, alors que je me trouvais en studio d’enregistrement à Paris. Dès lors, je n’ai pensé qu’à ça ! Le disque est sorti en novembre. Et jusqu’à lundi soir, à la fin du concert « Ultimo » au Théâtre du Châtelet, je ne penserai qu’à ça…
- Qu’avez-vous ressenti après avoir pris une décision aussi déterminante ?
- Plus j’y pensais, plus je me sentais bien, je ressentais une espèce de bonheur. Cette idée me plaisait énormément. Et je n’ai aucun regret. J’ai été gâté durant toutes ces années. Je suis né après la guerre, dans une période bénie. J’ai pu faire tout ce que je voulais. Je ne m’arrête pas pour autant de faire de la musique. Je vais simplement me mettre en retrait, continuer comme sideman, comme je l’ai fait avant.

- Quand un artiste fait ce genre d’annonce, on se demande toujours s’il s’agit d’un choix irrévocable ou si le musicien ne changera pas d’avis plus tard…
- Je n’ai qu’une parole. Mes copains trouvent que c’est bête d’avoir pris une telle décision. Beaucoup ne croient pas que je vais m’y tenir. Mais ceux qui me connaissent bien savent que je n’ai pas menti. Par ce choix, je mets un point d’orgue dans ma carrière et j’assume.
André Ceccarelli
 (Alexandre Lacombe)
- Un sacré point d’orgue que cet album « Ultimo » : des proches et des invités de prestige (David Linx, Richard Bona, Amy Keyse, Sylvain Luc, Alex Ligertwood, votre fils Régis) plus un orchestre classique…
- Mes amis, ainsi que les musiciens de l’orchestre, ont fait des efforts énormes pour se libérer. Les invités ont accepté de venir pour des cachets bien moins importants que ceux qu’ils auraient dû toucher en théorie Tout le monde a été formidable.

- Pouvez-vous nous parler de cette envie d’inviter un orchestre classique ?
- J’avais envie de combler un vide et de me faire plaisir. Je savais aussi que cela pourrait en choquer quelques uns, mais je m’en fous. Un musicien n’est pas censé faire ce qu’on attend de lui. Il doit au contraire se surprendre à dire des choses qu’il n’a jamais jouées. Je n’ai pas fréquenté le sérail des musiciens classiques. C’est juste un genre que je connais, que j’apprécie et auquel je voulais rendre hommage. Je me suis toujours demandé : « Pourquoi ne mélangerait-on pas classique et jazz ? » La nouvelle génération des musiciens classiques a l’esprit très ouvert, elle a l’habitude, notamment dans certaines écoles, de côtoyer des musiciens de différents horizons. J’écoute beaucoup de musique classique, je possède pas mal de disques de requiem. J’avais d’ailleurs envie d’une composition qui ressemble à une prière, bien que je ne sois pas du tout religieux. C’est pourquoi Pierre Bertrand a écrit cette magnifique pièce, « Aurora », qui ouvre le disque.
- Êtes-vous satisfait du résultat final de l'album ?
- D’habitude, je n’écoute jamais mes disques. Il y en a certains dont je suis assez fier, d’autres, beaucoup moins… Mais ces jours-ci, du fait des obligations de promo, je fais des émissions de radio et j’ai l’occasion d’entendre pas mal d’extraits du dernier. Je savais exactement ce que je voulais faire, et je trouve qu’il ressemble beaucoup, dans la forme, à ce que j’avais souhaité. J’en suis heureux parce qu’à l’écoute, j’ai l’impression de le redécouvrir. Quand on a du recul, on peut apprécier certaines choses à leur juste valeur.

- Comment vous êtes-vous préparé pour le concert du 28 janvier au Châtelet ?
- Il y a eu deux après-midi de répétition avec l’orchestre classique en décembre. J’ai joué hier (jeudi, ndlr) et avant-hier (mercredi) avec quelques uns des invités. On joue tous ensemble dimanche, à l’exception de Richard Bona et Amy Keyse qui ne viennent que lundi, pour la générale. Je suis assez occupé, entre la promo du concert et d’autres répétitions avec le groupe Troc, dans lequel je reste sideman, et qui se produit samedi soir à Levallois.

- Comment vous sentez-vous à trois jours de cette soirée de prestige ?
- J’ai un trac fou… J’ai toujours eu le trac. Le Théâtre du Châtelet me fait l’honneur de m’accueillir, ce qui n’est pas rien pour un musicien de jazz. Mon père me disait que la musique, c’était un truc sérieux. Alors je prends ma profession au sérieux.

(propos recueillis vendredi par téléphone par A.Y.)

« Ultimo » au Théâtre du Châtelet, à Paris
Lundi 28 janvier 2012, 20H
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