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Cécile McLorin Salvant, nouvelle étoile du jazz vocal
Elle n’a pas 25 ans. Pourtant, il émane d’elle une maturité et une sérénité que bien des artistes plus âgés pourraient lui envier. En deux ans, avec un phrasé hors norme et une tessiture frôlant les trois octaves, Cécile McLorin Salvant est devenue l’une des chanteuses les plus demandées de la scène jazz. Elle se produit ce lundi à Paris, à la Cigale, avant d'autres dates. Nous l’avons rencontrée.
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Cécile McLorin Salvant est une chanteuse sans frontière. Franco-américaine, un père haïtien, une mère française. Native de Miami, elle a étudié à Aix-en-Provence et vit à New York. Formée au chant lyrique, elle s’exprime aujourd’hui dans le jazz. Étudiante en chant baroque, c'est dans la classe de jazz de son conservatoire qu'elle a été remarquée par son professeur, le jazzman Jean-François Bonnel, qui l’a incitée à faire carrière.
Dans la foulée, Cécile McLorin Salvant a enregistré en 2010 son premier disque avec son prof et remporté le prestigieux Concours Thelonious Monk à Washington. En 2012, sa participation à l’album "Gouache" du pianiste Jacky Terrasson lui a valu une notoriété importante. Un an plus tard, fin mai 2013, elle a sorti un album solo très attendu, "Woman Child" (EmArcy/Universal) et a reçu en janvier dernier le prix du jazz vocal de l'Académie du Jazz.
Un reportage France 3 Paris (9 mai 2014) : JL Serra, E.Hunzinger, O.Crouet, F.Cattin La rencontre
Dans la foulée, Cécile McLorin Salvant a enregistré en 2010 son premier disque avec son prof et remporté le prestigieux Concours Thelonious Monk à Washington. En 2012, sa participation à l’album "Gouache" du pianiste Jacky Terrasson lui a valu une notoriété importante. Un an plus tard, fin mai 2013, elle a sorti un album solo très attendu, "Woman Child" (EmArcy/Universal) et a reçu en janvier dernier le prix du jazz vocal de l'Académie du Jazz.
Un reportage France 3 Paris (9 mai 2014) : JL Serra, E.Hunzinger, O.Crouet, F.Cattin La rencontre
Paris, 5 mai 2014, un hôtel à deux pas de la Maison de la Radio. Arrivée de New York quelques heures plus tôt, Cécile McLorin Salvant prend son temps pour répondre aux questions d’une voix douce, calme et posée.
- Culturebox : De qui, ou de quoi, tenez-vous votre envie de chanter ?
- Culturebox : De qui, ou de quoi, tenez-vous votre envie de chanter ?
- Cécile McLorin Salvant : Je ne sais plus. Je n'ai même plus le souvenir de quand je ne chantais pas. Rien que de chanter toute seule chez moi me procure une sensation incroyable. Ça fait passer beaucoup d'émotion, c'est une communication unique. Donc d'où vient cette envie ? Je ne sais pas. C'est préhistorique ! Tout le monde a sans doute envie de chanter mais beaucoup ne se le permettent pas. Je pense que c'est un geste naturel et important, presque animal.
- Le chant s'est donc imposé naturellement.
- Quand j'étais bébé, ma tante a décrété : "Cette fille sera chanteuse !" On m'a dit que quand je pleurais, c'était d'une stridence infernale, ça rendait tout le monde fou ! Je ne pleurais pas souvent, mais quand ça arrivait... Quand ma mère invitait des amis, elle disait : "Cécile, chante-nous une petite chanson." Ça m'énervait tellement ! Petit à petit, je me suis rendu compte que le chant était non seulement quelque chose d'agréable, mais aussi de plutôt facile. Je chantais avec mes amis. J'ai découvert peu à peu ce que je pouvais faire vocalement. J'avais 7, 8 ans, j'étais en chorale d'enfants, je lisais un peu la musique parce que j'avais fait du piano depuis mes 4 ans, ça a commencé à prendre une ampleur, sans jamais me dire que j'en ferais un métier.
- Le chant s'est donc imposé naturellement.
- Quand j'étais bébé, ma tante a décrété : "Cette fille sera chanteuse !" On m'a dit que quand je pleurais, c'était d'une stridence infernale, ça rendait tout le monde fou ! Je ne pleurais pas souvent, mais quand ça arrivait... Quand ma mère invitait des amis, elle disait : "Cécile, chante-nous une petite chanson." Ça m'énervait tellement ! Petit à petit, je me suis rendu compte que le chant était non seulement quelque chose d'agréable, mais aussi de plutôt facile. Je chantais avec mes amis. J'ai découvert peu à peu ce que je pouvais faire vocalement. J'avais 7, 8 ans, j'étais en chorale d'enfants, je lisais un peu la musique parce que j'avais fait du piano depuis mes 4 ans, ça a commencé à prendre une ampleur, sans jamais me dire que j'en ferais un métier.
- Qu'écoutiez-vous quand vous étiez petite ?
- J'adorais les musiques qu'écoutait ma mère. Maman a beaucoup voyagé étant petite. Elle a un goût artistique, culinaire et musical très éclectique. Elle aime autant la musique sénégalaise que portugaise, folklorique latino-américaine, l'opéra, le jazz, la musique populaire... Son seul critère, c'était que ce soit de la musique de qualité. Mais je me souviens surtout beaucoup de Sarah Vaughan, Dinah Washington, Nancy Wilson. Les week-ends, quand elle faisait la cuisine, c'était souvent le même morceau en boucle ! Elle écoutait aussi Véronique Sanson.
- Y a-t-il des musiques que vous ayez aimées particulièrement à cette époque ?
- Oui. Certains morceaux étaient très importants. "Midnight Train to Georgia", de Gladys Night and the Pips, quelques chansons de Véronique Sanson, comme "Bahia"...
- Quand avez-vous su que vous seriez chanteuse ?
- Ça avait toujours été un rêve d'enfance d'être chanteuse lyrique... C'était un peu dans les étoiles, ce n'était pas vraiment concret. Quand je suis allée en France, à Aix-en-Provence, après le lycée, j'ai commencé à faire du chant lyrique et du jazz. Là, j'entrevoyais une espèce de carrière. Je voyais que ça pouvait presque être possible. Mais je n'étais pas encore sûre. C'est mon prof de jazz Jean-François Bonnel qui m'a dit : "Il faut développer ça, il faut travailler et ce sera possible." Or je me disais : "J'aime la musique, je peux continuer de l'aimer de manière personnelle, chez moi, tranquille." Je trouvais qu'il y avait une énorme solitude dans le métier de musicien, une nécessité de s'auto-discipliner, d'être autodidacte, c'était effrayant pour moi qui avais toujours aimé travailler sous la pression d'une école. Là, je devrais développer ma voix, mon style, toute seule... Il m'a fallu peut-être trois ans avant de me décider.
- Puis il y a eu un premier disque autoproduit avec le quintet de Jean-François Bonnel, la victoire au Concours Monk et enfin la participation remarquée à l'album "Gouache" de Jacky Terrasson en 2012...
- Je pense que ça a fait un énorme boost. Avant, je chantais dans des clubs. J'étais à Aix, pas à Paris, je ne connaissais que les musiciens de jazz de mon groupe et de mon école. Cet album m'a donné l'accès à un autre public, à Paris aussi. J'ai rencontré Jacky Terrasson grâce au concours Monk. C'est marrant, le concours Monk a eu plus d'impact aux États-Unis. Mais le disque de Jacky a eu plus d'impact en France.
- Comment avez-vous rencontré Jacky Terrasson ?
- Il a gagné le concours Monk il y a des années (en 1993, ndlr). L'année qui a suivi ma participation, comme tous les anciens lauréats, j'ai été invitée à la célébration des 25 ans du concours. C'est là que Jacky m'a entendue chanter pour la première fois. Pas mal de personnes m'ont dit : "On aimerait trop faire un truc avec toi, tu viendras sur notre album !" Je ne m'étais pas rendu compte que c'était un truc très américain de dire ce genre de chose alors qu'en fait, on ne vous appelle jamais, c'est juste une façon de parler. Et moi, j'attendais... La seule personne qui m'ait dit ça et qui l'a fait, c'est Jacky. Un an après, il m'a contactée. On a enregistré près de Montpellier et c'était incroyable.
- Pour l'album "Woman Child", vous avez fait le choix d'un disque acoustique, sans aucun effet...
- J'aime le son acoustique. Même si j'adore aussi des musiciens qui sont dans la musique électronique, comme James Blake. Mais c'est vrai que j'aime beaucoup le son boisé, l'intimité d'une musique jouée par des humains qui jouent chaque note... Il y a quelque chose de très excitant et de très riche là-dedans. Quand j'ai pensé le son du disque, j'avais vraiment une vision. Je voulais que ce disque ait un son comme une boule chaude de bois ! C'est un peu bizarre, mais c'était le moyen de refléter les aspects du jazz qui me plaisent. D'un côté une musique urbaine, sophistiquée, des clubs, et de l'autre, une musique qui est aussi rurale, folklorique, jouée avec des guitares, qui vient du blues, des sprirituals.
- Pensez-vous garder cet esprit pour le prochain disque ?
- Oui, c'est quelque chose que j'ai envie de continuer à faire. Je pense que si on veut vraiment développer quelque chose, que ce soit un type de formation, un concept, il faut se concentrer dessus longtemps afin de trouver son chemin. Pratiquement toute la musique du prochain disque est choisie ou écrite. On enregistrera d'ici quelques mois. À mon avis, le disque sortira en 2015.
- Est-ce facile de restituer dans une salle comme la Cigale ce son de "boule chaude de bois" ?
- Avec le bon ingénieur du son, oui ! Sans, ça peut être très difficile... Mais on ne joue pas fort et on essaye de retrouver ce son, même si ce n'est pas comme dans un salon, dans un bar ou un club. J'aime aussi de temps en temps faire tomber le micro, chanter en acoustique totale sur une partie ou une fin d'un morceau. Forcément, quand on a un micro, il y a quelque chose qui est perdu dans le son originel de la voix. Même dans une salle, on peut être loin, on peut ne pas trop entendre mais on sait que ça sort directement de la personne. Ça, j'aime beaucoup. Je me souviens d'un concert de ma prof de chant baroque. J'ai cru que je n'allais rien entendre... Mais en fait, elle faisait tellement attention à la diction, à l'interprétation, c'était si délicat, dans la nuance, que tout le monde écoutait plus attentivement. Et c'était d'autant plus puissant. Si je pouvais faire des concerts en acoustique tout le temps, ce serait l'idéal.
- Pour votre disque, vous avez déniché des morceaux méconnus, assez anciens. Prenez-vous comme une mission ou un plaisir de les rechercher et les sortir de l'oubli ?
- C'est un peu les deux. Avant d'être musicienne, je suis auditrice. C'est un plaisir incroyable pour moi d'écouter la musique. Et encore plus de trouver des perles que personne ne connaît, de les écouter avec cette sensation unique de découverte de quelque chose de magnifique, qui a été perdu et qu'on retrouve. Je découvre tout ça sur internet. J'adore ensuite le partager avec quelqu'un, avec un ami, puis le transposer dans la musique de mon groupe et partager ces choses nouvelles avec un public. J'aime aussi chanter un morceau de jazz pour un public qui le découvre avec des oreilles vierges, sans références préalables. Du coup, ça me permet de faire ce que je veux !
- Vous avez composé sur le poème haïtien "Le front caché sur tes genoux" et vous signez la chanson-titre de l'album "Woman Child". Écrivez-vous aussi des textes ?
- Maintenant, oui. Un ami saxophoniste a commencé à m'envoyer des poèmes. On est trois amis. À partir de là, on a commencé à s'écrire des poèmes. J'ai commencé à en lire de plus en plus et à analyser ce que j'aime et n'aime pas dans les paroles d'une chanson. Je me suis mise à essayer d'écrire tous les jours, même si c'est probablement nul ! Mais je pense qu'il faut pratiquer sans cesse pour trouver et développer son style. Il y aura une plus grande place pour mes textes et ma musique dans le prochain disque.
- Les paroles qui viennent en premier, c'est de l'anglais ou du français ?
- De l'anglais. Je n'ai écrit qu'en anglais. Et c'est dommage... Le français, c'est vraiment une langue horriblement difficile... Mais je pense qu'éventuellement, je vais essayer de me lancer...
- Quand avez-vous commencé à composer ?
- Ça ne fait pas longtemps. Quand j'étais toute petite, j'aimais bien improviser au piano, je m'imaginais des histoires. La main droite était un personnage, la main gauche en était un autre, dans les graves, un peu méchant... J'avais juste écrit une chanson avec mon cousin, "Chamoudaradi", dans une langue inventée !
- Vous vous êtes vraiment lancée quand vous avez commencé à faire des disques.
- Voilà. J'ai longtemps résisté. Je me disais : "Tous les jazzmen se pensent compositeurs... Pourquoi, je ne sais pas. Tout le monde ne peut pas être compositeur." Je n'avais pas envie de faire ça. Puis, au bout d'un moment, je me suis dit que j'avais quand même envie de raconter des choses, j'avais des mélodies dans la tête, pourquoi ne pas les partager ? Donc je suis un petit peu moins réac qu'avant !
- Quand on vous entend chanter, quand vous passez dans un registre grave, votre timbre change, les inflexions de voix varient au sein d'une même phrase. Est-ce conscient, afin de personnaliser votre chant ?
- C'est conscient. Quand je prenais des cours de chant lyrique et de chant baroque, on me disait toujours : "Il faut que la voix soit homogène, il faut que ce soit partout pareil, il ne faut pas qu'on entende les différences de registre !" Alors dans le jazz, je me suis dit : "Je peux faire ce que je veux, alors je vais faire ça !" C'est aussi ma façon à moi d'improviser. Je scatte assez rarement mais je trouve que l'improvisation avec le timbre et le son de la voix, même sur une même note, c'est quelque chose de passionnant.
- Pratiquez-vous toujours le chant lyrique ?
- Oui, par loisir, mais je cherche un professeur à New York pour pouvoir le faire plus sérieusement. Et, éventuellement, pour pouvoir au moins monter un concert de chant baroque. C'est vraiment un de mes rêves.
(Propos recueillis par A.Y.)Cécile McLorin Salvant en concert à Paris
Avec Aaron Diehl (piano), Paul Sikivie (contrebasse), Pete Van Nostrand (batterie)
Lundi 12 mai 2014, 19h30, La Cigale
120, bd de Rochechouart, 18e
Renseignements : 01 49 25 89 99 ou ici
Première partie : Sophie Alour (saxophone) présente son album "Shaker" avec Fred Nardin (orgue), Julie Saury (batterie)
La tournée et l'agenda-concert de Cécile McLorin Salvant ici
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