Cécile McLorin Salvant, Sophie Alour, deux moments de grâce à Jazz sous les pommiers
Un concert pour deux émouvants voyages jeudi soir à Coutances, l'un vers de lointaines contrées orientales, l'autre plus intimiste.
Jeudi soir à Coutances, deux Ladies du jazz se succédaient sur la scène de l'imposante salle Marcel-Hélie, d'abord la saxophoniste et flûtiste française Sophie Alour pour une création entre jazz et Orient, Exils. Ensuite la chanteuse franco-américaine Cécile McLorin Salvant en duo avec le pianiste Sullivan Fortner, en tournée dans la foulée de la sortie de leur album lumineux The Window.
Les voyages de Sophie Alour
Vers 18 heures, Sophie Alour présente un tout nouveau programme à la tête d'un sextet sans frontières associant un classique trio piano-contrebasse-batterie (respectivement Damien Argentieri, Philippe Aerts et Donald Kontomanou) et deux artistes orientaux, l'oudiste-chanteur égyptien Mohamed Abozékry et le percussionniste franco-libanais Wassim Halal.
Le groupe, réuni par son goût affirmé pour l'improvisation et les grands espaces, chemine avec délicatesse au confluent de deux cultures, penchant tantôt du côté d'un jazz sobre et épuré, tantôt du côté d'un Orient poétique, animé ici et là par d'entraînantes secousses rythmiques.
L'instrumentation proposée par Sophie Alour n'est jamais chargée, la musique respire, s'offre délicatement sans s'imposer. La musicienne joue tantôt du saxophone pour les instants plus jazz, tantôt de la flûte pour les morceaux plus orientaux. On est gâté par la présence de Mohamed Abozékry, virtuose de l'oud, qui agrémente parfois son jeu d'un chant discret mais irrésistible.
En guise d'intermède ludique, le percussionniste Wassim Halal se lance dans un duo avec le batteur Donald Kontomanou, radieux. Vers la fin de ce premier set, Sophie Alour joue un très joli thème au saxophone, réexposé par le piano jouant juste la mélodie sur deux octaves, accompagné par une sobre contrebasse. Les bienfaits de l'épure, une fois de plus.
En rappel, un ultime morceau, mélodieux et entraînant, mettant en avant Mohamed Abozékry et Sophie Alour à la flûte, clôt un set qui suscite une standing ovation du public. De quoi rassurer Sophie Alour qui nous avouera plus tard ne pas avoir dormi les nuits qui ont précédé cette création. Un disque consacré à ce séduisant programme devrait être enregistré en octobre pour s'intituler probablement Joy.
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La reine Cécile
Il est environ 19h15 quand Cécile McLorin Salvant, vêtue d'une ample robe estivale blanche, et le pianiste Sullivan Fortner, chemise blanche à manches courtes tombant sur un pantalon noir, rejoignent le piano. Ils arrivent au bout de la tournée de promotion de leur album en duo The Window. Trois jours plus tôt, l'artiste lauréate de trois Grammy Awards, d'une Victoire du Jazz (en 2018) et d'un Prix Django Reinhardt (en 2017) a littéralement enchanté le public du New Morning.
Cécile McLorin Salvant, c'est la virtuosité pure, une technique vertigineuse, la capacité de glisser en un rien de temps d'un registre vocal à l'autre. Elle pourrait nous en mettre plein les oreilles, mais l'esbrouffe, ce n'est pas son truc. Le scat non plus, car elle réserve tous les espaces d'improvisation à Sullivan Fortner, pianiste impérial et facétieux qui glisse mille citations furtives dans ses intros et ses solos. Son truc à elle, c'est l'intention juste. Quand elle chante, tous les muscles de son visage, ses yeux, sont mis à contribution pour donner la bonne résonnance, le maximum de justesse, à son interprétation. Elle aime les mots, les textes et leur rend hommage par une diction impeccable.
À Paris où elle avait toute la soirée pour elle, Cécile McLorin Salvant avait proposé un premier set anglophone et un second en français. À Coutances, en une heure et quart de musique, elle ponctue son programme de raretés puisées dans les anciennes comédies musicales, de chansons françaises, mais aussi - ce n'était pas le cas il y a quelques années - de beaucoup de compositions en anglais et en français, dont deux ont été écrites en référence à de mystérieux contrebassistes. "C'était ma façon de gérer mes émotions par rapport à eux", dit-elle simplement.
"En général, j'aime garder une composition secrète pendant deux, trois ou quatre ans parce que j'ai honte. Cette année, j'ai décidé de faire le contraire et de la chanter directement", explique-t-elle en substance au public. Parmi ses chansons "secrètes", souvent mélancoliques,The Sweetest Sounds et le superbe À clef qui figurent dans l'album The Window. Et des chansons inédites dont une pépite aux accents gospel, chantée en duo avec Sullivan Fortner, The Ghost Song. Au New Morning, leur version en partie a cappella, entamée sans micro, avait fait chavirer le public en fin de concert. À Coutances, dans la grande salle Marcel-Hélie, elle garde son micro mais la magie opère tout autant, surtout quand elle rejoint son complice au piano. On (re)découvre au passage la voix magnifique de Fortner...
La chanteuse de 29 ans ne reprend pas les titres les plus connus de son dernier album, ces reprises saisissantes de Visions, The Peacocks ou Somewhere. Mais elle se délecte à interpréter avec conviction et malice J'ai l'cafard, que chantèrent autrefois Damia et Fréhel, pour le plus grand plaisir du public.
Avant de reprendre en rappel If You Feel Like Singing, Sing, un succès de Judy Garland, Cécile McLorin Salvant offre au public un moment de grande intensité avec une chanson de Barbara. À Paris, elle avait repris un autre titre de la Dame en noir, La Solitude. À Coutances, elle offre une version très intimiste de Ma plus belle histoire d'amour, chantée en grande partie a cappella dans un silence de cathédrale. Émotion pure.
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