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D'Jazz Nevers : "Penzum", la danse mystérieuse de Joëlle Léandre et Josef Nadj

D’Jazz Nevers a proposé une soirée en deux parties pleine d’audaces, marquée du sceau de la création contemporaine dans ce qu’elle offre de plus libre, moderne, voire désarçonnant, mardi à la Maison de la Culture de Nevers, à quelques pas des bords de Loire. Commençons par la première partie, "Penzum" : une musicienne et un chorégraphe, Joëlle Léandre et Josef Nadj, inspirés par un poète rebelle.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
"Penzum" : Joëlle Léandre et Josef Nadj à D'Jazz Nevers (14 novembre 2017)
 (Maxim François)

Pour "Penzum", créé à Saint-Pétersbourg en juillet 2017, le danseur et chorégraphe serbe Josef Nadj et la célèbre contrebassiste de jazz Joëlle Léandre se sont inspirés de textes du poète hongrois Attila József (1905-1937), dont le poème "De l’air !" fut repris en 1956 lors de l’insurrection contre la tutelle soviétique. Le jeune poète mourut tragiquement à 32 ans, écrasé par un train.

D’entrée de jeu, on est intrigué. Au centre de la scène, une petite table de percussions et un grand écran blanc. Près de la table, une silhouette vêtue de noir, visage caché par un grand masque en aluminium. On n’en est pas encore tout à fait sûr, mais c’est Joëlle Léandre.

Inversion de genres

À trois mètres, surgissant de derrière l’écran immaculé, un bras nu et au bout, un éventail qui s'agite. C’est Josef Nadj. Bientôt, il se poste devant l’écran et entame une étrange chorégraphie, comme un cérémonial venu d'Asie. Si la musicienne arbore une tenue et un masque masculins, le danseur, lui, s'est habillé d'une longue robe noire au large décolleté. Et il porte un masque africain aux traits féminins. Les genres sont inversés.

Alors que Joëlle Léandre, désormais à la contrebasse, extirpe des sons dissonants à l’aide de son archet, Josef Nadj, un temps accroupi, se relève, muni d’une longue lance dont le bout a été enduit de charbon noir. Dos tourné au public, le geste sûr, il trace un premier dessin, abstrait, sur l’écran. Puis, refaisant face à la salle, il enchaîne des gestes saccadés avant de reprendre son ouvrage graphique.

Accroupi près de l'écran, il dessine cette fois un tabouret noir. Avec l’ajout de motifs simples, le siège se mue en cerf aux bois ressemblant à des branches. Tournant le dos à l’écran, de ses mains nues enduites de charbon, à l’aide de gestes amples, il enrichit l'ouvrage qui prend de l'ampleur derrière lui. Au bout d’un moment, on croit deviner un arbre…
  (Maxim François)
Entre-temps, un chant aigu a surgi, entêtant, sans paroles, prenant l'ascendant sur la contrebasse. Funeste présage ? De sa voix lyrique, Joëlle Léandre accompagne son partenaire qui enchaîne au sol des figures bras et jambes synchronisés. La contrebasse ne joue plus qu’une note. Le danseur entame un monologue rageur qui, à nos oreilles francophones, résonne comme une suite d’onomatopées. En fait, il récite des mots d'Attila József, alors que la musicienne, mailloches aux mains, tape sur la tablette et la contrebasse. Bientôt, l'homme à la robe noire disparaît derrière l’écran. Il semble se réincarner dans le cerf qu’il avait dessiné : des bois imposants, puis une tête d’animal, surgissent au-dessus de l’écran, surplombant la scène. Contemplant l'horizon, l'homme devenu cerf dessine un cercle noir sur l’écran avant de rejoindre sa partenaire...

Un cri mêlant musique, danse et arts graphiques

"Penzum", une œuvre, un cri, englobant musique, arts graphiques et une danse qui rappelle le butô japonais, exige une ouverture d’esprit et un abandon total à l’idée d’être surpris, voire dérouté, si l'on ne possède pas les grilles de lecture et de décryptage des symboles d'une œuvre imprégnée d'abstraction.

À la fin, les applaudissements sont d’abord timides, puis ils gagnent en vigueur. Le public a été certainement décontenancé mais il n’en salue pas moins la performance, la volonté de sortir du confort ronronnant. Après le spectacle, les artistes reconnaîtront tout de même que pour ce genre de performance, pour une meilleure interaction avec le public, ils se seraient sentis plus à l’aise dans une salle de dimension plus petite, plus intime.

> À suivre : la seconde partie du concert, "Running Backwards" d'Andy Emler...
> Les performances du concert du 14 novembre 2017 seront bientôt disponibles sur Culturebox en partenariat avec Oléo Production.

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